Au mois d'octobre, nous avons décidé de diviser par deux les achats nets mensuels, c'est-à-dire les flux, mais nous avons indiqué maintenir un stock de titres en détention à un niveau élevé durant toute la période nécessaire. Tant que nous conservons ce stock important, nous sommes en mesure d'injecter des liquidités de manière soutenue. Cette démarche est similaire à celle qui a été adoptée par les États-Unis : ces derniers ont d'abord mis un terme aux achats nets mensuels avant d'engager, à compter de l'automne dernier, une réduction progressive du stock.
S'agissant des taux d'intérêt, les taux longs sont fixés par les marchés, le Conseil des Gouverneurs de la BCE fixant les taux courts. Nous avons indiqué qu'un relèvement des taux courts interviendrait bien après l'arrêt des achats nets mensuels. La séquence est donc claire : arrêt des achats nets mensuels, puis relèvement des taux d'intérêt, avec, comme je l'indiquais, le maintien du stock.
Lorsque l'on évoque les instruments de la politique monétaire, il faut penser, non pas à un instrument solo, comme le font souvent les observateurs de cette politique, mais à un quatuor car, aux achats mensuels, viennent s'ajouter le stock et la durée de son maintien, l'évolution des taux d'intérêt et la capacité à fournir de la liquidité à l'économie.
Avec une progression de 1,4 % au sein de la zone euro, la reprise de l'inflation est plus faible que la croissance, mais nous ne sommes plus confrontés au risque de déflation, mortel pour l'activité économique et l'emploi, et que nous redoutions voilà encore moins de deux ans. Nous progressons vers notre cible à moyen terme : un taux d'inflation de 2 %.
Je ne crois pas à l'inefficacité de notre politique monétaire. Je pense, et c'est aussi l'appréciation de la Bundesbank, que cette politique a contribué à la reprise économique et au retour de l'inflation. Les politiques monétaires non conventionnelles sont efficientes, même s'il faut les normaliser au fil de l'amélioration de la situation économique.
Dans la publication précédemment évoquée de l'Insee, l'accent est mis sur l'emploi de l'endettement privé et, au regard de la stabilité financière, il faut effectivement se demander à quoi sert sa croissance rapide : une première partie est dirigée vers l'investissement des grandes entreprises, une deuxième vers des placements de trésorerie, mais la troisième concerne des acquisitions, éventuellement très onéreuses, présentant surtout un effet de levier important. Ces phénomènes doivent être examinés attentivement.
J'ai employé une formule ramassée à propos des bitcoins, mais il s'agit bien, aussi, de lutter contre le terrorisme et l'évasion fiscale. Il ne peut être question de voir les progrès réalisés remis en cause par l'existence d'une sphère non régulée des cryptoactifs.
Je n'ai pas voulu être particulièrement rassurant sur les risques liés à la surliquidité. Les avancées sont réelles en matière de régulation bancaire et elles reposent sur des décisions multilatérales, qu'il faut mettre en balance avec les tentations américaines en matière de dérégulation. Nous sommes vigilants sur la question, mais jugeons l'arbre à ses fruits : aujourd'hui, au-delà des discours, les États-Unis n'ont pris aucune mesure remettant en cause les règles du jeu internationales.
Une telle orientation n'est pas envisageable. Certains professionnels de la finance sont tentés, à mesure que la crise s'éloigne, de jouer l'oubli et de considérer la régulation comme moins nécessaire. Il est hors de question de revenir sur le renforcement des règles décidées après 2009, dans un cadre multilatéral, et la France a assurément un rôle historique à jouer dans ce domaine.
La traduction de « finance de l'ombre » est encore meilleure que celle que je proposais. Tout n'est pas du shadow banking, mais certaines questions, comme celle des liquidités, doivent être regardées de plus près. Quant au trading à haute fréquence, on peut effectivement s'interroger sur son utilité économique et sociale.
Par ailleurs, le marché unique, c'est à la fois un libre accès et des règles. Si la Grande-Bretagne choisit de ne pas appliquer les règles communes aux Vingt-sept, la City de Londres ne se verra attribuer aucun passeport financier. C'est la perspective qui se dessine. Mais considérons aussi que l'Angleterre est un grand pays, lié par des engagements internationaux, et non une place offshore, et que le Brexit peut offrir une bonne opportunité de relocalisation du traitement de l'épargne européenne dans la zone euro, en particulier à Paris.
La Banque de France joue effectivement un rôle crucial dans les territoires. Nous avons souhaité que les directeurs de la Banque de France rencontrent régulièrement les parlementaires. Les Français ont deux aspirations contradictoires : ils souhaitent des services publics moins onéreux, mais aussi des services publics proches et présents. La transformation actuelle du réseau de la Banque de France concilie ces deux aspirations : nous regroupons les opérations de traitement administratif dans les capitales régionales, et maintenons durablement dans chaque département - je m'y engage devant vous - une « succursale de présence de place » de plein exercice, assumant l'ensemble des services aux particuliers et aux entreprises, comme le surendettement ou le droit au compte, la cotation, la médiation de crédit et les correspondants TPE - que j'ai mis en place fin 2016. À cela s'ajoute la mission d'éducation économique et financière du public confiée par le Gouvernement.
Nous ferons des économies. Je m'engage à une réduction de 10 % des dépenses nettes de la Banque de France en 2020. Nous rendons 100 millions d'euros courants au contribuable en 2018, un effort très significatif, tout en conservant cette présence départementale. Je n'ai pas répondu autre chose à certains députés qui s'interrogeaient sur la présence territoriale durable de la Banque de France, lors de la négociation de la dotation de service public.
Si les taux d'intérêt remontent, la charge de la dette sera énorme et c'est un facteur de fragilité. Je l'ai écrit au Président de la République. C'est un enjeu de compétitivité pour la France, qui mérite un effort collectif, ainsi qu'un enjeu de souveraineté. En cas de remontée des taux, la progression de la charge de la dette absorberait l'ensemble de nos marges de manoeuvre budgétaires. La situation actuelle est favorable mais non durable.
Je ne citerai aucun nom de grande entreprise. En décembre, nous avions fixé un seuil d'endettement net des entreprises - déduction faite de la trésorerie - de 100 % par rapport aux fonds propres. Au-delà de ce seuil, nous limitons l'exposition de chaque banque prise individuellement. Ce seuil est apprécié à partir de l'endettement bancaire et de l'endettement de marché.
L'assurance-vie est un chantier prioritaire. Les assureurs doivent imaginer des produits moins liquides : les Français sont toujours attachés à la protection du capital. Il faut donc créer des produits davantage investis en actions, plus rentables, mais assortis d'une protection du capital, contrepartie d'une moindre liquidité. Le produit eurocroissance a connu un démarrage modeste. Repensons ainsi les produits avec imagination.
Une résolution de votre commission nous avait alertés sur le financement de l'immobilier, des PME et des grands projets. Sur aucun de ces secteurs, l'accord de Bâle III ne remet en cause la capacité de financement de l'économie française. Il reconnaît même le modèle français de cautionnement de l'immobilier.
La complexité du FATCA est réelle. Il est difficile pour les binationaux d'échapper complètement à des règlementations en partie extraterritoriales mais dictées par le fisc américain. Il faudrait une coopération internationale, difficile à instaurer actuellement, pour régler le problème.
Actuellement, la surveillance du groupe Crédit mutuel est assurée, sur une base consolidée, par la BCE avec le concours de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). La situation du groupe Crédit mutuel est solide. Je souhaite un accord entre les deux parties, plutôt qu'une déclaration unilatérale. Nous suivons l'évolution quotidienne du dossier. Ces annonces ne suffisent pas en elles-mêmes à changer la situation juridique existante. Le maintien d'un groupe consolidé avec un changement de gouvernance est possible, mais si une séparation se dessine, il faudra assurer la solidité prudentielle de chacun des deux ensembles éventuels et protéger les dépôts de tous les déposants, ainsi qu'étudier davantage le schéma juridique d'une telle séparation. Une loi est-elle nécessaire ? J'attends prochainement le rapport de Christian Noyer, mon prédécesseur, à qui la directrice générale du Trésor et moi-même avons confié une mission sur ce sujet.