Intervention de François Villeroy de Galhau

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 17 janvier 2018 à 9h35
Audition de M. François Villeroy de galhau gouverneur de la banque de france

François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France :

La finance verte peut être un atout pour la place de Paris, avec par exemple les obligations vertes. On observe un développement très intéressant de ces produits, nés de la capacité d'innovation de la finance. Les obligations vertes se multiplient très rapidement. L'État français a été le premier à en émettre l'année dernière, avec un grand succès, à un taux d'intérêt un peu plus faible. Nous devons favoriser ce mouvement. Le stock existant est de 1 000 milliards de dollars, soit un trillion de dollars, mais les besoins de financement de la transition énergétique jusqu'en 2020 sont évalués à 100 trillions de dollars... Le secteur connaît une croissance important, mais il faudra veiller à la qualité du label - son intégrité - en l'absence de règle internationale. La confiance entre les émetteurs et les investisseurs doit être assurée dans la durée, sans surréglementer.

Le principal écart entre la France et l'Allemagne ne tient pas aux barrières à l'embauche, mais plutôt à la formation et à l'apprentissage. Alors qu'il y a autant de jeunes en France et en Allemagne, l'Allemagne compte deux fois plus d'apprentis, et le taux de chômage des jeunes y est trois fois inférieur.

J'ai été clair sur l'ordre des facteurs des taux d'intérêt.

Le secteur bancaire français a mieux résisté que ses voisins grâce à l'action de l'ACPR et des autorités de contrôle. L'ACPR est reconnue par ses pairs comme particulièrement efficace et délivre régulièrement des formations ailleurs. Dexia est un cas particulier, franco-belge, et la situation résultait de choix du management. Certes, le contrôle aurait pu être meilleur. C'est une illustration par l'absurde de la nécessité d'une union bancaire.

Les pouvoirs publics français ont été actifs pour pondérer les risques judiciaires, afin que les sanctions judiciaires soient proportionnées. Vous pointez le déséquilibre entre les États-Unis et l'Europe. Nous ne pèserons le même poids que si nous renforçons le jeu d'équipe européen. L'union bancaire est un atout. Le Glass-Steagall Act établit la séparation entre la banque de détail et la banque d'investissement. Cela ne nous semble pas nécessaire pour renforcer la sécurité financière : malheureusement, c'est une banque d'investissement, Lehmann Brothers, qui a causé une crise financière internationale, et c'est une banque de détail, la Caisse d'épargne espagnole, qui a provoqué une grave crise en Espagne. Les risques seront plutôt réduits par des règles de sécurité et de solvabilité sur les banques et la solidité de leur gestion des risques, sous le contrôle du superviseur.

La réforme de l'assurance-vie est une des pistes de la loi « Pacte », sans préjuger du projet de loi du Gouvernement ni de la décision du Parlement. L'assurance-vie est le premier placement financier des Français, avec 1 500 milliards d'euros, soit 30 % de l'ensemble des placements financiers des Français, majoritairement en produits de taux et en obligations souveraines. C'est un gage de sécurité et de liquidité, mais avec un faible rendement. Nous devons donc investir plus de sommes de l'assurance-vie en fonds propres. Cela peut se faire par les unités de compte, qui se développent beaucoup plus rapidement que le fonds euro classique, mais qui, sans aucune protection en capital, sont soumises aux aléas boursiers. En parallèle, il faut un comportement plus innovant avec une partie de l'assurance-vie investie en actions, en échange d'une protection en capital. Les banquiers doivent mettre ces innovations sur la table, sans attendre d'éventuelles incitations fiscales.

Bâle III et Solvabilité II ne changent rien au financement des collectivités territoriales. Aucune banque française ne peut s'appuyer sur ces règles pour refuser un financement à une PME, un ménage ou une collectivité.

Alstom ne relève pas de mon champ de responsabilité, je n'en dirai rien, non plus que sur la mobilité ferroviaire. L'Europe a progressé. Il faudrait une « union de financement pour l'investissement et l'innovation ». Chaque année, la zone euro a paradoxalement 350 millions d'euros d'épargne excédentaire par rapport à l'investissement. Alors que les besoins d'investissements sont importants, pour la transition énergétique, les fonds propres des PME, la digitalisation ou les infrastructures de transport, la mobilisation de ces sommes pour ces besoins est insuffisante. Cette union de financement pour l'investissement et l'innovation serait la multiplication de l'union bancaire, de l'union des marchés de capitaux et du plan Juncker. Faisons sauter les barrières bureaucratiques européennes et les verrous nationaux : il faut que l'épargne et l'investissement circulent, or ils ne sont pas situés au même endroit. Il n'y a pas de progrès européen plus nécessaire et plus accessible que cette réforme.

Nous examinons très régulièrement les risques systémiques. En mai et en novembre, la BCE publie une revue de stabilité financière. Un mois après, la Banque de France publie une évaluation des risques systémiques. Je vous invite à lire ces deux publications.

Il n'y a pas de bulle globale à l'échelle de la zone euro ni de la France. Le cycle financier est globalement justifié par les fondamentaux économiques. Cependant, on enregistre quelques alertes sectorielles ou géographiques. En 2016, nous avons alerté sur l'immobilier de bureau, et en 2017 sur l'évolution très rapide du crédit envers les grandes entreprises. Nous restons très vigilants dans cette période d'expansion.

Une politique monétaire accommodante dure tant que l'inflation n'atteint pas la cible de 2 %. Ce seuil a été retenu par toutes les grandes banques mondiales. Réduisons l'intensité de cette politique et surveillons certains agrégats économiques. Ce sont les mesures de stabilité financières décidées par le HCSF que vous avez mis en place.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

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