On ne peut pas tout à la fois demander à Bombardier, s'il remporte un appel d'offre de la SNCF, de venir fabriquer ses rames en France et refuser que DCNS, remportant un appel d'offre australien, aille construire ses sous-marins en Australie. Quand l'Inde demande à Dassault de fabriquer ses Rafale sur place, c'est évidemment, comme le font les Chinois, pour pomper le maximum de technologie. Ils vont donc nous rattraper, et demain, ils feront eux-mêmes leurs sous-marins et leurs Rafale. Mais d'une part, demain, nous ferons encore quelque chose de mieux, car on ne lèvera pas le pied, et d'autre part, c'est bien pourquoi nous devons imposer la réciprocité, que j'évoquais tout à l'heure, dans la localisation de la valeur ajoutée.
Quant aux routes de la soie, elles sont l'expression manifeste et magnifique du mercantilisme chinois. Dans mon livre L'homme inutile, qui vient de paraître en poche, je cite un texte de Colbert adressé à Louis XIV, auquel il entreprend d'expliquer la politique mercantiliste. Il s'agit d'attirer l'or dans le royaume, écrit-il. Remplacez ce mot d'or par celui d'emploi nomade, et vous aurez la politique de la Chine qui, à présent, entreprend de se projeter à l'extérieur. Je me demande si les grandes firmes chinoises vont se globaliser et se fondre dans le moule du capitalisme à l'anglo-saxonne, ou si la compétition aura lieu entre deux modèles, à l'instar de la compétition avec ce que l'on appelait le modèle japonais dans les années 80. Il y a un retour de l'idée qu'il existe des capitalismes, au pluriel. Le modèle de capitalisme chinois est, de fait, très spécifique. La route de la soie est vraiment une idée chinoise, qui a pour effet d'arrimer des territoires entiers dans les chaînes de valeur chinoises. Voyez ce qu'il se passe au Laos, c'est stupéfiant. Les Chinois y construisent même un TGV.