Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 17 janvier 2018 à 14h30
« une crise en quête de fin – quand l'histoire bégaie » — Débat interactif

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

Mes chers collègues, Louis XVI écrivit un seul mot dans son journal personnel le matin du 14 juillet 1789 : « Rien » ; 219 ans plus tard, M. Alain Minc, grand expert économiste devant l’éternel, déclara, six mois avant la crise, en octobre 2008 : « Je pense que la crise est derrière nous et que notre système économique a bien tenu. »

À l’heure où moins de 2 %, 1, 6 % pour être précis, des transactions financières dans le monde ont un lien avec l’économie réelle, c’est-à-dire la production de biens, de marchandises et de services pour l’humanité, il paraît que nous aurions tiré toutes les leçons de la crise de 2008. La finance serait maîtrisée, régulée, contrôlée, assainie, sécurisée.

Mme Couppey-Soubeyran, universitaire qui fut auditionnée par la délégation à la prospective, a dit : l’économie a souffert de la crise, le secteur bancaire pas du tout. La valeur des actifs des banques françaises est passée de 7 000 milliards d’euros en 2007 à 8 500 milliards d’euros en 2014, et sans doute plus aujourd’hui. Les activités de produits dérivés dans le monde ont atteint en 2012 quelque 625 000 milliards de dollars, et nous serions aujourd’hui à 800 000 milliards, soit dix fois le PIB du monde. Et je ne parle pas de la finance de l’ombre, déjà évoquée, qui ne subit aucune régulation. Le trading haute fréquence est par ailleurs économiquement inutile.

Bien sûr, il y a eu la loi bancaire de 2013, mais tout le monde s’en est moqué. Ainsi, M. Oudéa, P-DG de la deuxième banque française, a dit devant des députés médusés, lors de son audition par la commission des finances : « Votre loi va encadrer 1 % de mon activité bancaire. »

L’argent va donc beaucoup et surtout à la spéculation, et trop peu à l’investissement pour avoir une croissance économique durable. Le Gouvernement a fait le pari du ruissellement : est-ce bien raisonnable dans un contexte d’hyper-liquidités ? Madame la secrétaire d’État, envisagez-vous, au regard des risques d’un nouveau krach financier, de renforcer singulièrement les contraintes de la loi bancaire française ? L’attention et la vigilance ne suffiront pas : il faut des actes forts !

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