Madame la sénatrice Assassi, je vous remercie d’avoir sollicité ce débat, mais également d’en avoir présenté, dans votre propos introductif, le caractère à la fois douloureux et profondément, nécessairement fraternel et humain, ces deux aspects n’étant pas, en l’occurrence, incompatibles.
Je serai, si vous me le permettez, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, plus prosaïque dans les éléments que je vous présenterai pour traduire la réalité de cette question des mineurs isolés, comme vous avez choisi de les appeler, madame la sénatrice, mais pour lesquels je reprendrai la terminologie plus habituelle de « mineurs non accompagnés », ou MNA.
Le contexte, de ce point de vue, a changé en quelques années. En 2013, le nombre de personnes qui se présentaient comme mineurs non accompagnés ne dépassait pas quelques milliers.
Or c’est devenu aujourd’hui une question majeure, qui exacerbe les attentes, légitimement fortes, de nombreux acteurs, notamment des départements, vis-à-vis du Gouvernement.
Les MNA relèvent de la protection de l’enfance. La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant constitue le texte le plus important et le plus abouti sur le sujet. Surtout, elle donne un fondement légal à un dispositif, sur lequel je reviendrai dans quelques instants, de répartition des mineurs non accompagnés entre les différents départements de notre pays. C’est également une loi, je tiens à le réaffirmer au regard de vos propos, madame la sénatrice, qui vise à garantir à ces mineurs isolés, ou non accompagnés, les mêmes droits qu’à tout autre enfant présent sur le territoire. C’est bien le statut d’enfant qui prime toute autre considération en l’espèce, la difficulté tenant évidemment à la manière de déterminer la minorité de l’enfant.
Je citerai quelques chiffres, dans un premier temps, expliquant en partie les tensions que nous connaissons sur ce dispositif et qui sont ressenties sur l’ensemble du territoire.
L’augmentation du nombre d’arrivées a été extrêmement importante jusqu’à la fin de l’année dernière, avec une hausse très rapide à partir du mois de juin 2017. Ce fait a engendré de réelles difficultés pour répondre au besoin de mise à l’abri durant l’été ; il a également été à l’origine d’attentes plus longues pour la mise en œuvre du dispositif d’évaluation, ou encore pour les prises en charge effectuées à l’issue du dispositif d’orientation.
Du 1er janvier au 31 décembre 2017, le nombre de mineurs confiés aux départements par décision judiciaire s’est élevé à 14 908, soit 85 % d’augmentation par rapport à l’année 2016. Il s’agit à 95 % de garçons. Ces chiffres sont, évidemment, tout à fait importants. Ces mineurs étaient au nombre de 8 054, je le rappelle, durant l’année 2016.
Par ailleurs, 13 000 mineurs non accompagnés étaient pris en charge dans les services de l’aide sociale à l’enfance au 31 décembre 2016. À titre de comparaison, ils étaient 10 000 l’année précédente.
Je veux également insister sur un autre point : les chiffres que je viens de vous communiquer ne reflètent pas la réalité des mises à l’abri, du premier accueil en urgence des personnes qui se déclarent mineurs non accompagnés. En croisant les données des derniers rapports, notamment de Mme la sénatrice Doineau et de M. le sénateur Godefroy, de Mme la députée Bagarry, ainsi que les données de l’Agence de services et de paiement gérée par le ministère des solidarités et de la santé, le nombre de personnes se déclarant mineurs non accompagnés et devant être mis à l’abri, puis évalués par les départements a atteint, cette année, 25 000.
Les chiffres sont donc extrêmement élevés.
Or si cet afflux massif de jeunes concerne désormais quasiment tout le territoire, certains départements sont cependant plus touchés que d’autres. Je pense aux départements du Nord et du Pas-de-Calais, où le Président de la République et moi-même étions hier et où la question a été soulevée de manière extrêmement aiguë, aux départements de l’Île-de-France, à ceux qui ont une zone portuaire à l’instar des Bouches-du-Rhône et, depuis quelques mois, à l’ensemble des départements de la zone alpine.
J’en viens au dispositif légal, dont je vous rappelle très simplement comment il fonctionne. Dès qu’un mineur non accompagné arrive sur notre territoire, il est mis à l’abri…