Intervention de Pascal Allizard

Commission des affaires européennes — Réunion du 18 janvier 2018 à 8h30
Politique commerciale — Mandats de négociation en vue d'un accord de libre-échange avec la nouvelle-zélande et l'australie : proposition de résolution européenne et avis politique de mm. pascal allizard et didier marie

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard :

L'année 2017 a été dense en matière de politique commercial en raison du nombre d'accords de libre-échange finalisés, de l'amélioration des capacités de défense commerciale de l'Union comme de la nouvelle démarche de transparence engagée par la Commission.

Le 21 septembre, l'Accord Économique et Commercial Global (AECG/CETA) avec le Canada est entré en vigueur à titre provisoire. Fin 2017, les accords de libre-échange (ALE) avec le Japon et le Mercosur et la modernisation de l'accord avec le Mexique étaient en voie de conclusion rapide. Dans quelques semaines, sous réserve de l'adoption par le Conseil des deux recommandations de la Commission autorisant l'ouverture des négociations, un double exercice s'ouvrira avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Ce sont les mandats de négociation annexés à ces projets de décisions qui font l'objet de notre proposition de résolution européenne (PPRE). A contrario, il faut dresser l'acte de décès du Partenariat Transatlantique pour le Commerce et l'Investissement (PTCI/TTIP) ; celui-ci était déjà bien fragile, mais le retrait des États-Unis de l'accord de Paris sur le climat lui aura donné le coup de grâce.

En second lieu, la dernière présidence de l'Union européenne est parvenue à dégager un consensus sur la défense commerciale sous deux aspects. D'abord, une nouvelle méthode de calcul a été adoptée pour les cas de dumping de la part de certains pays où l'État joue un rôle massif dans l'économie - en clair, mais pas seulement, la Chine. Ensuite, L'Union a modernisé ses instruments de défense commerciale, ce qui était un exercice proche du précédent mais où la principale avancée a été un aménagement important de la règle du « droit moindre ».

Dans leur résolution européenne de janvier 2017, nos collègues Philippe Bonnecarrère et Daniel Raoul avaient attiré l'attention du Sénat sur ces deux sujets. Le premier était le fait que la Chine voulait se voir reconnaître le statut d'économie de marché - elle ne l'aura pas obtenu, puisque la distinction entre économie de marché et non-économie de marché disparaît pour la nouvelle méthode de calcul. Le second était la nécessité de remettre à plat la règle du droit moindre en cas de dumping, car cette règle était inéquitable et peu efficace.

Enfin, la Commission européenne s'est engagée à davantage de transparence dans sa politique commerciale. Dans son discours sur l'état de l'Union en septembre, M. Juncker a décidé que la Commission publierait systématiquement les projets de mandats de négociation, avant leur lancement, qui étaient jusqu'à présent confidentiels à ce stade du processus. A également été mis en place un groupe consultatif sur les accords commerciaux, destiné à établir un dialogue avec les représentants des secteurs économiques, les syndicats, les ONG et les organisations de consommateurs. Ce groupe, composé de 28 représentants, se réunira une première fois au mois de février 2018.

Il faut se féliciter de cette prise de conscience, par la Commission, du malaise engendré par le secret qui présidait jusqu'à présent aux négociations qu'elle conduit. Ce malaise a généré désinformation et suspicion qui, conjuguant leurs effets, ont fini par inquiéter légitimement l'opinion.

Deux documents ont aussi contribué à placer la politique commerciale de l'Union européenne en bonne place dans l'agenda de 2017.

D'abord, l'avis de la Cour de Justice rendu le 16 mai dernier, en réponse à une demande de la Commission, sur le caractère mixte ou non de l'ALE conclu avec Singapour en 2013. Cet avis était très attendu car il établit clairement la ligne de partage entre ce qui relève de la compétence exclusive de la Commission ou ce qui ressort des compétences partagées. En somme, l'enjeu n'est rien moins que la possibilité ou non pour les parlements nationaux de se prononcer sur les accords de libre-échange. Pour résumer, tout dans un ALE relève de la compétence exclusive de la Commission, sauf, pour l'essentiel, le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États.

Le deuxième document fut le plan d'action sur le CETA publié par le Gouvernement à la suite du rapport de la commission indépendante, dite commission « Schubert » du nom de sa présidente. Ce rapport n'abordait qu'une thématique, mais importante : l'impact du CETA sur l'environnement, le climat et la santé. Prenant acte des faiblesses du CETA en la matière, identifiées par le rapport, le plan d'action préconise, pour les accords futurs, de donner force exécutoire aux dispositions concernant le développement durable. Cela consisterait à intégrer dans l'accord un système de règlement des différends interétatiques pour sécuriser juridiquement l'efficacité des dispositions concernées.

Tel est le contexte dans lequel s'annonce la négociation de ces deux accords de libre-échange avec l'Australie et avec la Nouvelle-Zélande. Didier Marie précisera les enjeux de ces projets, au stade de la proposition de mandat de négociation, proposition qui émane de la Commission mais qui doit être validée par le Conseil dans les prochaines semaines.

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