Intervention de Didier Marie

Commission des affaires européennes — Réunion du 18 janvier 2018 à 8h30
Politique commerciale — Mandats de négociation en vue d'un accord de libre-échange avec la nouvelle-zélande et l'australie : proposition de résolution européenne et avis politique de mm. pascal allizard et didier marie

Photo de Didier MarieDidier Marie :

Le calendrier s'accélère, puisque le Conseil doit se prononcer le 26 février sur ces deux propositions. Pour la première fois en effet nous sommes, en tant que Parlement national, en situation de connaître et d'évaluer des mandats de négociations avant le début de celles-ci. Leurs contenus ne sont pas très différents de celui du CETA ou d'autres ALE de nouvelle génération conclus récemment. Pour autant, une innovation d'importance est à souligner. Si ces propositions de mandat sont adoptées en l'état par le Conseil, nous serons en présence de deux accords de compétence exclusive de la Commission. En conséquence, après conclusion de l'accord et l'aval du Conseil et du Parlement européen, les parlements nationaux ne seraient pas concernés par leur approbation. C'est également d'ailleurs le cas de l'ALE avec le Japon qui a été finalisé à la fin de l'année dernière. De même le Conseil ne devra plus se prononcer sur l'accord final à l'unanimité mais à la majorité qualifiée.

Comme le disait Pascal Allizard, c'est la conséquence de l'avis de la Cour de Justice, qui a clarifié les domaines de compétence exclusive et de compétence partagée. L'accord ne comportera donc pas de mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, ce mécanisme relevant des compétences partagées. Il est paradoxal qu'un accord traite des investissements directs étrangers sans qu'un mécanisme de règlement des différends l'accompagne. Dans l'attente, qui peut durer, de la mise en place d'un tribunal multilatéral chargé du règlement des différends en matière d'investissements, il est important de prévoir un tel système à titre bilatéral, à l'instar de ce qui figure dans l'accord économique et commercial global avec le Canada. Ce dispositif améliore déjà sensiblement le précédent Règlement des Différends Investisseur/Etat (RDIE/ISDS), notamment en renforçant le droit des États à réguler, en prévoyant un mécanisme d'appel et en définissant et publiant, au préalable, une liste de juges professionnels. C'est l'un des points abordés par notre proposition.

Outre ce point, essentiel, notre proposition aborde plusieurs sujets.

La question de la viande ovine et surtout bovine ainsi que, en l'espèce, celle des sucres spéciaux sont, de façon récurrente, un sujet de préoccupation pour les filières françaises concernées. Le résumé de l'étude d'impact est éloquent. L'étude elle-même - exclusivement en anglais, ce qui pose un problème de transparence - l'évoque plus en détail. Les secteurs de la viande bovine, ovine et des sucres spéciaux seront ceux où la hausse des importations australiennes sera la plus élevée : les exportations australiennes de viandes bovine et ovine seraient multipliées par cinq. Pour la Nouvelle-Zélande, outre les viandes, les produits laitiers, les fruits et légumes sont concernés, mais dans une moindre proportion. Notre proposition souligne cette préoccupation.

Comme l'a rappelé Pascal Allizard, les leçons tirées du CETA ont beaucoup porté sur les sujets environnementaux, insuffisamment traités dans les ALE précédents. Les deux mandats de négociation abordent le sujet, sans aller toutefois jusqu'à évoquer une procédure contraignante. Notre proposition propose d'avancer sur le sujet, en cohérence avec les conclusions de la Commission Schubert et du plan d'action CETA.

C'est aussi dans cette perspective que nous invitons l'Australie et la Nouvelle Zélande à ratifier des conventions majeures de l'OIT même si, dans les faits, les législations sociales de ces pays en assurent le respect.

Enfin, nous avons cru important d'aborder, dans cette proposition, trois sujets qui dépassent les deux mandats de négociation mais qui doivent guider, à notre avis, la politique commerciale de l'Union européenne et ses conséquences.

D'abord, la transparence à l'égard de tous les acteurs concernés, au premier rang desquels les parlements nationaux, a fortiori si la nouvelle architecture des accords de libre-échange ne prévoit plus nécessairement leur approbation finale. En second lieu, le suivi des accords passés. Négocier et conclure sont une chose. Superviser leur mise en oeuvre et en communiquer l'évaluation aux parlements en est une autre, qui a été jusqu'à présent trop négligée. Enfin la gestion des impacts négatifs de ces accords. Il y a certes de nombreux secteurs économiques français, européens, dont les intérêts offensifs sont valorisés. Il reste qu'il y a des perdants parmi des secteurs déjà fragilisés. À l'échelle européenne, le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation a pour vocation de réguler les effets négatifs de l'ouverture commerciale. Il doit être adapté aux nouveaux enjeux, dans ses ressources comme dans ses règles de fonctionnement.

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