Au nom de notre commission, je souhaite la bienvenue à Yvan Guichaoua, enseignant-chercheur à la Brussels School of International Studies, et à Sébastien Mosneron Dupin, directeur général d'Expertise France, qui vient d'être renouvelé dans ses fonctions. M. Dupin est un homme de la maison ! Nous les entendrons sur le sujet de la sécurité et du développement au Sahel.
Monsieur le Professeur Guichaoua, vos travaux portent notamment sur les processus de mobilisation violente et sur les dynamiques des groupes armés. Depuis 2007, vous vous êtes plus particulièrement penché sur le Sahel, notamment le Mali et le Niger.
Nous avons souhaité vous entendre sur le G5 Sahel récemment créé. Depuis la tentative des djihadistes de s'emparer du Mali en 2013, le Sahel concentre une grande partie des sujets d'inquiétude de la communauté internationale. Nous assistons à des conflits récurrents entre populations, avec notamment la question de la place des Touaregs dans cet ensemble particulièrement étendu ; de nombreux trafics illicites, une forte dégradation environnementale - un aspect souvent oublié -, une pauvreté persistante et le taux de croissance de la population le plus élevé au monde ; enfin une situation sécuritaire à nouveau dégradée après la brève accalmie qui a suivi l'intervention française et ce malgré l'opération Barkhane. Ce diagnostic plutôt sombre que nous portons vous paraît-il justifié ? Quelle est votre propre analyse ?
Le G5 Sahel et sa force conjointe ont été créés en février 2014 par la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. Il s'agit d'un cadre de coordination liant sécurité et développement. Le G5 regroupe cependant des pays qui appartiennent à plusieurs organisations régionales différentes et dont les intérêts ne coïncident pas toujours. Dans ce contexte, pourriez-vous nous éclairer sur les forces et les faiblesses de ce nouvel ensemble ? À terme, ces forces sont censées relayer la présence française. Comment cette coopération est-elle perçue par les populations du Sahel ?
S'agissant de la création d'une force conjointe, évoquée depuis longtemps mais qui n'a commencé à prendre réellement forme qu'en 2017, nous attendons vos éclaircissements. En juin, la France a obtenu que le Conseil de sécurité des Nations unies adopte une résolution qui « salue le déploiement » de la force conjointe, mais, du fait principalement de la réticence des États-Unis, cette résolution ne mentionne pas le chapitre VII permettant le recours à la force.
Après un intense travail diplomatique, une seconde résolution adoptée le 8 décembre dernier permet cependant à la Minusma d'apporter un soutien logistique et matériel à la force conjointe du G5 Sahel.
Enfin le Président de la République a réuni les partenaires du G5 à la Celle-Saint-Cloud mercredi dernier. L'Arabie Saoudite, notamment, a annoncé une contribution de 85 millions d'euros. Selon vous, la force conjointe du G5 est-elle aujourd'hui crédible ? À quelles conditions peut-elle être efficace, tout en respectant nos standards en matière de droits de l'homme ?
Monsieur Mosneron Dupin, Expertise France, l'agence française de coopération internationale, intervient au Sahel à travers de nombreux projets, allant du soutien matériel de la Minusma à l'agriculture en passant par la santé. Ces projets sont financés pour une grande partie par l'Union européenne, par d'autres bailleurs multilatéraux et pour une part plus modeste par la France et l'AFD.
L'approche de la coopération technique française au Sahel est-elle à la hauteur des enjeux et bien coordonnée ? La France, en particulier, est-elle en mesure d'apporter une contribution significative en matière d'agriculture et d'indépendance alimentaire, sujet essentiel pour l'avenir compte tenu de la croissance démographique du Sahel ?
Le continuum sécurité-développement est essentiel pour les pays du Sahel, qui ont besoin de stabilité pour se développer. Or la question financière reste prégnante, car on se situe en partie hors du champ de l'aide au développement et de ses financements. Comment Expertise France intervient-elle dans ce domaine ? Quels sont les financements que l'agence peut mobiliser ?
Expertise France a été chargée d'une mission de soutien au développement de la Force conjointe du G5 avec un financement de 50 millions d'euros issus de la facilité africaine de paix de l'Union européenne. En quoi consiste cette mission ?