Intervention de Yvan Guichaoua

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 décembre 2017 à 9h35
Audition conjointe sur le continuum sécurité et développement au sahel : M. Yvan Guichaoua enseignant-chercheur à la brussels school of international studies et M. Sébastien Mosneron dupin directeur général d'expertise france

Yvan Guichaoua, enseignant-chercheur à la Brussels School of International Studies :

Barkhane est très active sur le terrain : la semaine dernière encore, un chef djihadiste a été visé. Notre armée tente par tous les moyens d'éviter les bavures mais elle ne sait pas vendre le récit de ses actions. C'est d'ailleurs plus que de la politique que de la communication qu'il faut. Quand la France intervient, des voix s'élèvent pour défendre les cibles visées, les qualifiant par exemple de bergers innocents. Les opérations de Barkhane donnent lieu à toutes sortes de spéculations qui peuvent se retourner contre elle. L'épisode des onze militaires maliens, retenus en otage dans un camp djihadiste, et qui ont été bombardés par nos forces, a eu des conséquences dramatiques. La question de l'assurance vie des militaires est très importante : ce sont des manifestations de veuves de militaires ont enclenché le mouvement qui a fait tomber Amadou Toumani Touré en 2012.

De plus, Barkhane met parfois fin à des initiatives de dialogue avec les groupes armés qui sont engagées en off par les États africains. Lors d'une intervention à la frontière du Burkina, c'est ce qui s'est passé : Barkhane a ciblé des responsables qui avaient engagé un dialogue avec des intermédiaires des autorités maliennes. Pensons donc aux impacts politiques des actions antiterroristes. Barkhane peut contribuer à interrompre les fils du dialogue. Le chef de la tribu dominante de Kidal dirige le Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA), mais une bonne partie de sa tribu a choisi le camp du djihadiste d'Iyad Ag Ghaly. En traçant une ligne infranchissable entre terroristes et non terroriste on interdit au chef tribal de jeter des passerelles pour récupérer les jeunes partis rejoindre les djihadistes. Le contre-terrorisme a une vision binaire du monde, alors que les rapports sociaux sont beaucoup plus multidimensionnels que ce clivage artificiel entre gentils et méchants. Les États qui ont rejoint de G5 Sahel disposent d'autres canaux d'intervention mais plus discrets. Pourquoi ne pas chercher à mieux comprendre ces initiatives informelles ?

La Mauritanie fait partie du G5 Sahel mais aujourd'hui, ce G5 se réduit à un G3 : Burkina-Faso, Niger et Mali. Une nouvelle relativement encourageante : le parrainage (et la surveillance) par Barkhane de ces forces minimise les risques d'exactions ; c'est ce que suggèrent les rapports de Human Rights Watch. En revanche, quand Barkhane n'accompagne pas les forces locales, les mauvais comportements risquent de ressurgir. Côté malien, la gendarmerie a meilleure presse que les militaires. Côté nigérien, le sens républicain de l'armée est un peu plus poussé. La semaine dernière, 33 gendarmes nigériens ont ainsi été radiés pour abandon de poste : la surveillance des militaires est plus stricte qu'au Mali.

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