À ce jour, la France et Andorre ne sont liées par aucun instrument bilatéral dans les domaines concernés. Les deux accords soumis à notre examen permettraient d'offrir un cadre juridique solide et pérenne à ces formes de coopération bilatérale et de sécuriser l'action de nos agents de police, de douane et de sécurité civile en Andorre, la Principauté n'étant membre ni de l'Union européenne ni de l'espace Schengen.
Je commencerai par vous présenter les principales dispositions de l'accord relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière. Ces deux aspects, qui font d'ordinaire l'objet d'accords distincts, sont abordés au sein du même accord, eu égard aux compétences douanières exercées par la police andorrane.
La coopération bilatérale entre nos deux pays est pour l'heure assez modeste, mais elle est appelée à s'intensifier dans les années à venir. Les parties n'ont donc pas souhaité créer de centre de coopération policière et douanière dans l'immédiat, faute d'utilité avérée. Certaines dispositions ouvrent néanmoins la voie à l'affectation d'agents de liaison auprès des services de l'autre partie et à la constitution de patrouilles mixtes.
La coopération s'articule autour de deux volets principaux : la lutte contre la contrebande de cigarettes et la lutte contre la criminalité financière et l'évasion fiscale.
Le trafic transfrontalier de cigarettes s'explique par les écarts de prix du tabac, les prix étant trois fois plus élevés en France qu'en Andorre. L'an dernier, en l'espace d'un semestre, ce sont dix mille cartouches de cigarettes qui ont été saisies par les douaniers français, soit l'équivalent de quatre cents cartouches par jour, destinées à être introduites illégalement en France. Nos autorités doivent faire face à un système très bien organisé et de plus en plus dangereux puisque l'on assiste à une recrudescence des violences graves et des délits routiers liés à ce trafic tels que des règlements de compte ou encore des barrages douaniers forcés. Les revenus générés par cette contrebande servent ensuite à alimenter des circuits financiers clandestins.
La lutte contre la délinquance financière est justement un autre enjeu important de notre coopération avec l'Andorre. En 2010, la Principauté a été retirée de la « liste grise » des paradis fiscaux de l'OCDE et a entrepris des efforts de normalisation, ainsi qu'une réforme de sa fiscalité. Des contrôles plus rigoureux ont dès lors été effectués par les banques andorranes, ce qui a poussé des évadés fiscaux français à rapatrier leurs avoirs dans l'Hexagone, sans toutefois respecter les obligations fiscales et déclaratives. Afin de mieux les appréhender, la France a conclu il y a deux ans une coopération spécifique dans le domaine de la formation professionnelle pour accompagner le développement des capacités policières et judiciaires andorranes spécialisées en la matière.
L'accord consacre douze articles à la question de la coopération en matière de formation. En outre, des dispositions relatives à la transmission d'informations, indispensable en matière de lutte contre la criminalité organisée, ont été introduites.
Dans leur volonté de prévoir une coopération la plus large possible, les autorités françaises et andorranes ont étendu le champ de l'accord à d'autres domaines, comme l'assistance au maintien de l'ordre et de la sécurité publics, la lutte contre la criminalité transnationale organisée et -je cite- « la lutte contre l'immigration irrégulière ». Je suis en désaccord sur ce dernier point. L'extension à ce dernier domaine est, à mon sens, malvenue et inopportune, compte tenu du contexte actuel. La commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale précise d'ailleurs dans son rapport que « Andorre ne présente que peu d'intérêt pour les réseaux de traite des êtres humains et l'immigration irrégulière compte tenu de sa position géographique en marge des principaux axes de la circulation transfrontalière et de son absence de desserte ferroviaire. » Cet ajout est une anticipation, car le problème n'existe pas. La question des migrants est un sujet important, sensible, qui mérite d'être étudié avec discernement, ce qui n'est pas le cas dans ce texte.
Je vous présenterai maintenant brièvement les principaux points de l'accord de sécurité civile.
Les services de secours des départements frontaliers d'Andorre, à savoir l'Ariège et les Pyrénées-Orientales, entretiennent des relations de longue date avec leurs homologues andorrans, mais aucun accord ne lie actuellement les deux États dans le domaine de la sécurité civile. Un plan de viabilité hivernale a cependant été conclu il y a une vingtaine d'années pour encadrer le dégagement routier en cas d'enneigement et coordonner les secours routiers en cas d'évacuation. Le présent accord a un champ bien plus large. Il a pour objet l'assistance mutuelle en cas de catastrophe ou d'accident grave, la coopération en matière de prévision et de prévention des risques naturels et technologiques, l'échange d'informations et d'expertise dans le domaine de la sécurité civile, enfin la formation des personnels de secours.
Les négociations ont duré près de dix-huit ans en raison d'un désaccord profond sur la question financière. En effet, dans le premier projet transmis par la partie andorrane, la charge financière incombait essentiellement aux services français, dont les moyens sont bien plus importants. La partie française a toutefois veillé, dans le texte finalement retenu, à préserver ses intérêts en limitant l'assistance aux disponibilités budgétaires des services de secours requis et en prévoyant une possibilité de remboursement par la partie requérante. En outre, il est entendu que chaque pays peut refuser la demande d'assistance qui lui est soumise ou interrompre la mise à disposition de ses moyens en cours de mission.
La partie andorrane sollicite très régulièrement l'expertise française et lui confie chaque année la formation d'une partie de son personnel. Cette situation valorise ainsi les savoir-faire français et favorise les synergies entre les équipes de secours des deux parties, ce qui est très efficace.
Mes chers collègues, je préconise l'adoption du projet de loi relatif à la coopération technique et à l'assistance mutuelle en matière de sécurité civile et l'abstention sur le projet de loi relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière.
Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord relatif à la coopération technique et à l'assistance mutuelle en matière de sécurité civile a été adopté à l'unanimité.
Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière a été adopté, les sénateurs du groupe CRC s'abstenant, ainsi que M. Stéphane Ravier.