Intervention de Hélène Conway-Mouret

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 17 janvier 2018 à 9h30
Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord relatif à l'emploi rémunéré des personnes à charge des agents des missions officielles de chaque état dans l'autre entre france-chili france-bolivie france-congo france-equateur — Examen du rapport et des textes de la commission

Photo de Hélène Conway-MouretHélène Conway-Mouret, rapporteur :

Nous examinons à présent deux projets de loi autorisant la ratification d'accords relatifs à l'emploi rémunéré des personnes à charge des agents de missions officielles signés respectivement avec le Chili et la Bolivie en 2015, et avec le Congo, l'Équateur et le Pérou en 2016.

Les personnes à charge des agents des consulats et des ambassades, dont font partie les attachés de défense et les personnels militaires, sont principalement leurs conjoints ou partenaires pacsés. Ces conjoints se heurtent à de nombreux obstacles lorsqu'ils souhaitent exercer une activité professionnelle rémunérée dans l'État d'accueil.

En premier lieu, leurs difficultés tiennent au statut particulier - privilèges et immunités de juridictions principalement - que les conventions de Vienne de 1961 pour les ambassades et de 1963 pour les consulats leur accordent en qualité de conjoints ou de personnes à charge d'agents d'ambassade et de consulats. En effet, si le travail rémunéré n'est pas interdit, il fait perdre le bénéfice d'une grande partie de la protection accordée, en prévoyant notamment la levée des immunités de juridiction, y compris en matière pénale.

En second lieu, il faut savoir que les législations nationales sur le travail des étrangers lient en général l'autorisation de travailler des étrangers à la possession de titres de séjour particuliers. Or le titre spécial de séjour des personnes à charge des agents diplomatiques ou consulaires n'en fait le plus souvent pas partie. C'est le cas du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile français. Dans ce contexte, la conclusion d'accords de réciprocité prévoyant la possibilité pour les autorités de l'État d'accueil de délivrer des autorisations de travail à ces personnes à charge permet de contourner l'obstacle de la restriction d'accès à une activité salariée prévue par le droit national français - et bien souvent aussi par le droit de l'autre partie - tout en leur permettant de conserver le titre de séjour spécial que leur confère leur statut diplomatique. Ces personnes continuent ainsi à bénéficier des privilèges et immunités octroyés par les conventions de Vienne en dehors du cadre de l'exercice d'une activité professionnelle.

Ces cinq accords correspondent à une priorité du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Le ministère entend en effet favoriser la mobilité de ses propres personnels expatriés en mettant en place un cadre facilitant l'accès au marché du travail du pays d'accueil des familles des diplomates français. La possibilité pour le conjoint ou le partenaire pacsé d'exercer un emploi rémunéré, au sein d'une structure française ou sous la tutelle de la France est en effet aujourd'hui un élément déterminant dans la décision d'expatriation. Cette thématique est une des lignes directrices du projet « Ministère du XXIe siècle » lancé par Laurent Fabius en 2015, sachant que le nombre de conjoints d'agents souhaitant exercer une activité professionnelle ne cesse de croître en parallèle de la féminisation du ministère. Je rappelle que 52 % des agents du ministère et 26 % des ambassadeurs sont des femmes.

Pour couvrir les besoins exprimés dans le réseau diplomatique et consulaire français - le troisième du monde après celui des États-Unis et de la Chine -, le Quai d'Orsay s'est lancé dans la conclusion d'un nombre toujours plus grand d'accords de réciprocité. Actuellement, les conjoints d'agents diplomatiques et consulaires en poste à l'étranger peuvent accéder au marché du travail dans près de 70 pays sans avoir à renoncer intégralement à la spécificité de leur statut. L'accès au marché du travail est libre dans les 31 pays de l'Espace économique et européen et en Suisse. Un accord bilatéral a été signé ou est en vigueur dans 37 pays. La liste détaillée figure dans mon rapport, mais sachez que la priorité est donnée aux pays de l'OCDE, car ils peuvent offrir des conditions d'emploi comparables à celles qui prévalent en France. Pour répondre aux besoins exprimés, le Quai d'Orsay a pour objectif de porter à 80 le nombre de pays permettant un accès au marché du travail local aux conjoints d'agents.

Ces cinq accords, au contenu très similaire, sont bâtis sur le modèle d'un accord type utilisé depuis 2009. Ils résultent de négociations sur l'initiative de la partie française, sauf celui avec le Chili, ce pays étant, comme la France, très intéressé par ce type d'accord.

Les accords avec le Chili, la Bolivie et l'Équateur visent, outre les enfants, « le conjoint ou le partenaire lié par un contrat d'union légale disposant d'un titre de séjour spécial délivré par le ministère des affaires étrangères concerné ». L'accord avec le Congo précise qu'il s'agit des conjoints mariés « de même sexe ou de sexe différent ». L'accord avec le Pérou définit la personne à charge comme « une personne s'étant vu délivrer un titre de séjour spécial », sachant que, à ce jour, le Pérou ne reconnaît que le conjoint marié de sexe différent.

Ces accords détaillent la procédure applicable pour solliciter l'autorisation d'occuper un emploi dans l'État d'accueil, principalement l'envoi de la demande, accompagnée des pièces justificatives, au nom de la personne à charge, par la mission officielle concernée, au protocole de l'État accréditaire.

Plus concrètement, sans parler du réseau français, où il peut y avoir des opportunités, ces personnes pourront trouver des activités professionnelles dans le secteur privé au Chili, en Bolivie et au Pérou. En revanche, il ne faut pas trop y compter au Congo, ce pays traversant une grave crise économique, et en Équateur, où le marché du travail présente moins d'opportunités.

Ces accords prévoient que les immunités de juridiction civiles, administratives ou d'exécution ne s'appliquent pas dans le cadre de l'exercice de l'activité rémunérée. En revanche, l'immunité de juridiction pénale continue de s'appliquer dans le cas d'une action commise lors de l'activité professionnelle, mais peut faire l'objet, à la demande de l'État accréditaire, d'une demande de renonciation écrite de la part de l'État accréditant. Les accords avec le Chili, la Bolivie et le Congo précisent qu'il doit s'agir alors de délits graves.

Ces cinq accords précisent que les bénéficiaires sont soumis à la législation de l'État accréditaire en matière d'imposition et de sécurité sociale dans le cadre de leur activité professionnelle.

Les privilèges douaniers cessent à compter de la date d'obtention de l'autorisation de travailler, sauf au Pérou. En outre, ces accords prévoient la possibilité de transférer les revenus conformément à la législation de l'État accréditaire sur le travail des étrangers.

Enfin, ces cinq accords encadrent également la possibilité de solliciter une autorisation de travail pour un emploi non salarié. Les demandes sont alors examinées au cas par cas au regard des dispositions législatives de l'État accréditaire.

En conclusion, je recommande l'adoption de ces deux projets de loi. Ces cinq accords répondent à une forte demande des agents des missions officielles et de leurs familles. Ils clarifient le statut des personnes à charge - une dizaine tout au plus dans chaque pays - qui souhaitent exercer une activité professionnelle rémunérée et simplifient également leurs démarches administratives dans l'État d'accueil. En favorisant la mobilité des personnels des réseaux diplomatique et consulaire, ces instruments contribuent au rayonnement de la France. À ce jour, la Bolivie, le Chili et le Pérou ont fait connaître à la partie française l'accomplissement des formalités requises par leur droit pour l'entrée en vigueur de l'accord. Le Congo et l'Équateur n'ont pas encore notifié leur approbation.

L'examen en séance publique est prévu le jeudi 25 janvier 2018, selon la procédure simplifiée, à laquelle je souscris.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité et sans modification, le rapport et les deux projets de loi précités.

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