Nous avons participé à la réunion d'urgence du Conseil de sécurité, le vendredi 8 décembre au matin, convoquée notamment par la France, à la suite de l'annonce par le président Trump de la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël et de préparatifs en vue du déménagement de l'ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem.
Comme le ministre des affaires étrangères nous l'a dit le 20 décembre, la France désapprouve cette décision, qui n'est pas conforme aux résolutions du Conseil de sécurité et qui ne favorise pas la perspective de paix dans la région. Le statut de Jérusalem doit être déterminé par des négociations entre Israéliens et Palestiniens, qui doivent conduire à un accord sur son statut final. Jérusalem a vocation à être la capitale des deux États, Israël et la Palestine. En l'absence d'accord, la France ne reconnaît donc aucune souveraineté sur Jérusalem.
Lors de la réunion d'urgence du 8 décembre, la plupart des membres du Conseil de sécurité se sont inscrits dans le cadre de ce consensus international sur le conflit israélo-palestinien.
Dans une intervention remarquable, le représentant français a rappelé notre position. La Suède a rappelé le droit international et la réalité sur le terrain : 40 % des habitants de Jérusalem sont palestiniens. Elle a appelé de manière pressante les États-Unis à traduire dans les faits la réaffirmation de leur attachement aux deux États. Le Royaume-Uni a prononcé une intervention inhabituellement ferme, s'agissant d'un de leurs alliés stratégiques, et désapprouvé une décision qui « sapait les perspectives de paix ». L'Italie a rappelé la position de l'Union européenne. Les quatre membres européens présents au Conseil ont, au cours d'un point de presse organisé après la réunion, associant l'Allemagne, prononcé une déclaration conjointe, montrant une belle unité européenne.
Les membres de l'Organisation de la coopération islamique présents au Conseil de sécurité - l'Égypte, le Sénégal, le Kazakhstan et la Jordanie - ont condamné la décision des États-Unis et rappelé le statut spécifique de Jérusalem. L'Égypte, en particulier, allié stratégique traditionnel des États-Unis, a, sur un ton ferme, jugé la décision américaine nulle et non avenue.
La Chine a fait figure de gardienne des précédentes résolutions et condamné cette décision unilatérale. La Russie n'a pas manqué de se poser en gardienne du droit international - quand cela l'arrange ! -, souligné la nécessité d'une liberté d'accès de tous les fidèles aux lieux saints et proposé une rencontre entre Mahmoud Abbas et Benjamin Nétanyahou à Moscou.
Bien sûr, les interventions du représentant palestinien d'un côté, des représentants américain et israélien de l'autre, n'ont pas été dans le même sens.
L'observateur permanent de Palestine, dans une longue intervention très offensive, prononcée en partie en arabe, destinée à la rue arabe, a appelé les États-Unis à revenir sur leur décision « illégale, irresponsable et provocatrice ». Il a jugé les États-Unis disqualifiés en tant que médiateur dans le conflit. Il a souhaité une nouvelle résolution au Conseil de sécurité et a appelé les États à reconnaître l'État de Palestine.
À l'inverse, le représentant permanent israélien est venu en soutien de la représentante américaine, invoquant longuement l'importance biblique et historique de Jérusalem pour les juifs. Il a brandi une pièce de monnaie de l'époque du deuxième Temple, sur laquelle était inscrit le nom de Jérusalem. Il a critiqué le déni de la communauté internationale, et des Nations unies en particulier, à l'égard d'une réalité vieille de 3 000 ans, Jérusalem étant selon lui la capitale « éternelle et indivisible » d'Israël.
Chacun a pu suivre les développements ultérieurs : une résolution a été rejetée au Conseil de sécurité, les Américains ayant opposé leur veto, puis une résolution a été adoptée quelques jours après par l'Assemblée générale de l'ONU, où il n'y a pas de droit de veto.
La question est maintenant de savoir si les États-Unis sont désormais toujours en capacité d'être des médiateurs dans ce conflit et de proposer le fameux plan de paix que prépare le gendre de M. Trump, Jared Kushner, et qui serait prêt d'ici à quelques semaines selon Jean-Yves le Drian.