La détérioration de la situation dans la péninsule coréenne a été très rapide. En 2017, le régime nord-coréen aura mené une vingtaine de tirs de missiles balistiques, dont trois de nature intercontinentale, et un essai nucléaire d'une ampleur inégalée. Le Conseil de sécurité se sera réuni près de vingt fois sur ce sujet, durcissant à chaque fois les sanctions.
La dernière résolution imposant des sanctions, en date du 22 décembre, intervient un mois après le dernier tir de missile balistique, qui a eu lieu le 28 novembre. Elle vise principalement le pétrole et les ressortissants nord-coréens travaillant à l'étranger sous le contrôle de Pyongyang. L'ONU a également gelé les avoirs et interdit de voyage quinze responsables de banques nord-coréennes et du Parti du travail de Corée. Le texte gèle en outre les avoirs du Ministère populaire des forces armées et prévoit un renforcement des contrôles en mer.
À ce jour, plus de soixante individus et cinquante entités sont sous sanctions : personnes physiques et morales liées au développement des programmes nucléaires et balistiques, à leur financement ou aux filières d'acquisition de matériels sensibles. Désormais, 90 % des exportations nord-coréennes sont sous sanctions.
L'efficacité des sanctions est limitée par la faible intégration internationale de la Corée du Nord et par les efforts de Pyongyang pour les contourner via des liens avec Cuba et certains pays d'Afrique - le Soudan, l'Éthiopie, l'Érythrée, l'Angola, la Namibie. Le représentant de la Corée du Sud rencontré à New York nous a précisé qu'il faudrait trois ans pour en voir tous les effets.
Malgré une unité de façade, des différences d'attitude s'observent au Conseil de sécurité.
Les Américains poussent la Chine à couper totalement l'alimentation en pétrole de Pyongyang, ce qui serait d'autant plus efficace que la Corée du Nord n'a pas de capacité propre de raffinage. Les Américains soulignent aussi la nécessité de viser les ambassades nord-coréennes à l'étranger, suspectées de mener dans certains pays des trafics dont le produit irait directement aux membres du régime. Leur but reste d'amener la Corée du Nord à la table des négociations.
À l'inverse, la Chine et la Russie insistent davantage sur la nécessité de négociations. La Chine, qui craint un effondrement de son voisin, dont elle demeure le principal partenaire politique et économique, entretient une attitude ambiguë et utilise le dossier nord-coréen pour mettre en cause l'alliance stratégique entre les États-Unis et la Corée du Sud. C'est une façon de fragiliser la présence américaine dans la région. Russes et Chinois défendent en effet une proposition dite de « double gel », c'est-à-dire une suspension simultanée des activités nucléaires et balistiques nord-coréennes et un arrêt des exercices militaires conjoints américano-sud-coréens. Cette position est problématique puisqu'elle met sur le même plan des programmes illicites au regard du droit international et des exercices militaires légaux. Elle pourrait aboutir à fragiliser les postures de défense sud-coréenne et américaine, sans toutefois arriver à contraindre le programme nucléaire nord-coréen.
Parallèlement, les experts de l'ONU relèvent la situation dramatique de la population nord-coréenne. Selon certains rapports, huit millions d'individus souffrent d'insécurité alimentaire, soit 70 % de la population. Un quart des enfants de moins de cinq ans sont en retard de croissance. Un Nord-coréen sur cinq n'aurait pas accès à l'eau potable et à des services d'assainissement adéquats. Enfin, 60 % de la population n'aurait pas accès à des services de santé élémentaires et un enfant perdrait la vie toutes les heures de maladies curables.
Nous avons demandé au représentant de la Corée du Sud si un dérapage fatal lui semblait probable. Il a estimé que les affirmations de Pyongyang sur sa capacité à frapper l'Est des États-Unis suscitaient le doute, sur le plan technique. Il a jugé peu probable une frappe en premier par l'une ou l'autre des parties. Les États-Unis n'avaient à son sens aucune raison de l'envisager. Et pour la Corée du nord, ce serait suicidaire.
Précédant de quelques jours l'annonce de la reprise du dialogue entre les deux Corées autour des Jeux olympiques, notre entretien avec le Coréen du sud nous a laissé une impression d'ouverture au dialogue, qui a été confirmée par l'actualité récente.