Intervention de Christophe Lecourtier

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 17 janvier 2018 à 9h30
Évolution des politiques publiques de promotion des exportations et de l'attractivité de la france auprès des investisseurs étrangers — Audition de M. Christophe Lecourtier directeur général de business france

Christophe Lecourtier, directeur général de Business France :

L'intérêt de votre commission pour ces questions de l'export et ce soutien du Parlement me conforte.

M. Cadic a très justement souligné qu'on a compté ces derniers temps pas mal d'équipes de France. Pour filer la métaphore ferroviaire, mon projet n'est pas tant, comme on a cherché à le faire dans le passé, d'accrocher des wagons de différentes couleurs les uns aux autres que de constituer un train unique sans séparation entre les wagons, à l'instar de certaines lignes du métro parisien. Jusqu'à présent, l'État - et j'ai pu avoir ma responsabilité dans le passé à cet égard - a cherché à être en quelque sorte l'arbitre des élégances en assignant à chacun un rôle. Là, c'est très différent puisque, à chaque étape du guichet unique, en France ou à l'étranger, nos équipes seront mélangées au sein de structures uniques. Dans les guichets uniques des CCI au contact des entreprises dans les territoires, nos équipes travailleront dans les mêmes bureaux et feront le même travail, chacun apportant sa contribution. À l'étranger, le guichet unique qui recevra les entreprises sera composé tantôt d'agents de Business France tantôt d'agents de la chambre de commerce.

Ce système sera éminemment coopératif et l'objectif de mobiliser plus d'entreprises sera partagé, tout comme les résultats.

Cette solidarité des objectifs paraît donc essentielle, plutôt que de regarder dans l'assiette du voisin. En vertu de notre caractère gaulois, chaque tribu pense qu'elle est plus légitime que l'autre. Là, nous serons tous sur le même banc et tout le monde devra ramer dans le même sens pour faire avancer le navire.

J'ai été frappé par la bonne volonté que j'ai constatée parmi les têtes de réseau des CCI, des CCI de l'étranger et des régions pour véritablement changer la donne. C'est pourquoi je me suis permis de parler de révolution copernicienne.

Beaucoup d'entre vous m'ont interrogé sur Bpifrance. Pour que nos entreprises se développent à l'étranger dans l'environnement de confiance que j'ai décrit, infiniment plus favorable, objectivement et psychologiquement, il faut aussi, outre le guichet unique, du carburant. Un dispositif d'accompagnement sans carburant serait comme une carriole sans chevaux.

S'agissant des formations et des langues, le Premier ministre fera une présentation le 9 février qui portera sur ces trois questions : l'accompagnement, le financement et la formation.

Monsieur Poniatowski, grâce à Bpifrance, on a trouvé une solution pour accompagner financièrement des entreprises françaises et se substituer aux banques, qui ont très peur de se faire coincer aux États-Unis au cas où elles financeraient des opérations de commerce extérieur en Iran. Bpifrance a un avantage, c'est qu'elle n'exerce aucune activité aux États-Unis. Le Gouvernement la confortera donc dans ce rôle. Vous savez d'ailleurs qu'elle a récupéré l'année dernière les activités publiques de la Coface. Elle s'organise avec notre aide pour diffuser ses produits - assurance prospection et assurance crédit.

Ce qui m'a frappé à mon retour chez Business France, c'est de voir toutes les équipes préparant des salons et des missions entreprises en Iran, dans tous les domaines. La France détient là-bas des parts de marché très flatteuses, pas seulement dans le secteur automobile, et les Iraniens voient dans notre pays un partenaire majeur dans leur rétablissement économique et dans leur possibilité d'accéder à des produits et à des services dont ils ont été privés pendant une vingtaine d'années.

Les financements de Bpifrance permettront d'accompagner ce mouvement, en espérant que l'Iran ne connaîtra pas de nouveaux soubresauts, ce qui reste une question ouverte.

M. Yung a évoqué le cas de l'Italie, qui est un très bon exemple. Pour ma part j'essaye précisément d'appliquer la stratégie italienne de la macchia d'olio, la tache d'huile. Vous le disiez très justement, madame Perol-Dumont, M. Fabius a le premier donné un coup de pied dans la fourmilière pour mettre fin à ces petites baronnies, y compris au sein du secteur public. C'est pourquoi il a fusionné Ubifrance et l'AFII, l'Agence française pour les investissements internationaux. Cela nous a donné une légitimité : nous avons fait le boulot dans la partie publique pour, telle une tache d'huile, nous incorporer aux autres acteurs, les CCI et les CCI de l'étranger, afin de donner naissance à une sorte de galaxie organisée. Là est notre projet. L'essentiel pour moi est de ne surtout pas prétendre la gouverner. En tant qu'opérateur de l'État, nous ne devons pas prétendre être au sommet de la pyramide. Comme le disait Pascal, le centre est partout et la circonférence nulle part.

Business France, en lien avec les CCI en France, s'efforcera d'être un pont en matière de financement avec Bpifrance. Une cinquantaine de nos collaborateurs travaillent étroitement dans les délégations régionales de Business France sur ce travail de conseil à destination d'un petit nombre d'entreprises. Il faut aller plus loin dans ce rôle de conseil des PME, dans ce rôle de référent, en les aidant à se poser toutes les questions relatives à l'export. Nous les mettrons également en contact avec Bpifrance lorsqu'elles auront besoin de financements. Il est essentiel, dans un domaine aussi complexe que l'export, d'être un trait d'union. Nous n'avons pas vocation à imposer « la » solution, car chaque acteur détient une partie de la vérité.

En matière d'exportation, les ressources humaines sont également très importantes. En France, on parle moins bien anglais que dans d'autres pays, même si la situation évolue un peu chez les jeunes. Nous faisons preuve de frilosité dès qu'il s'agit de nous projeter à l'international. À cet égard, les volontariats internationaux en entreprise, les VIE, sont une solution parmi d'autres. On en dénombre aujourd'hui 11 100, 70 000 depuis le début du dispositif. Une génération de jeunes Français a ainsi acquis une expérience internationale. À l'issue de leur VIE, 85 % de ces jeunes sont embauchés, les autres souhaitant mener une nouvelle aventure. Il est très important d'accroître le nombre de ces jeunes au cours des prochaines années et de les orienter vers des formations commerciales et vers les PME afin qu'ils puissent prendre le relais des chefs d'entreprise. Nous manquons d'une culture commerciale, contrairement à l'Allemagne. En France, le mythe de l'ingénieur perdure. Nombre de polytechniciens ont malheureusement cessé d'aller dans l'industrie et se sont tournés vers la finance.

Nous allons donc essayer d'oeuvrer à la fois à l'accompagnement, au financement et à la promotion des produits de Bpifrance en matière d'exportation, et à la formation.

Monsieur Yung, nous n'allons pas augmenter nos ressources humaines. Business France est sous contrainte financière. Nous avons accepté une baisse de l'ordre de 2 % de notre dotation par an. Nous ferons donc d'une contrainte une vertu : nous serons beaucoup moins présents à l'étranger et nous allons supprimer près de 15 % de nos postes. En conséquence, nous allons construire avec les chambres de commerce une relation qui leur permettra d'exercer une mission d'accompagnement à l'étranger dans les endroits où nous nous serons retirés. Des expérimentations seront menées dans un certain nombre de pays - à Singapour, en Russie, en Espagne, en Belgique, soit des pays importants pour les entreprises. Pour ma part, j'ai toute confiance dans la qualité des équipes des chambres de commerce à l'étranger. Il est important que le service reste le même en matière de découverte de marchés et de prospection. Nous allons travailler sur cette question.

Monsieur Vial, je relève de la part de l'AFD une volonté beaucoup plus forte que par le passé de prendre en compte l'offre française dans les réponses à ses appels d'offres. L'AFD est évidemment tenue de respecter les règles de l'OCDE, les financements ne devant pas être liés à un contenu français, mais elle est beaucoup plus sensible que par le passé au fait que des entreprises françaises sont capables de répondre à ses appels d'offres, ce qui n'a pas toujours été le cas.

Madame Conway-Mouret, Business France sera moins présente à l'étranger, sauf en Afrique, en particulier en Afrique francophone. J'ai proposé au Gouvernement que nous y renforcions notre présence, dans la logique du discours de Ouagadougou du Président de la République. L'Afrique est une source de création de richesses potentielles et les entreprises françaises jouissent d'avantages à la fois linguistiques et culturels. Nous pouvons en outre mobiliser de jeunes Français d'origine africaine dans le secteur commercial.

Monsieur Emorine, vous m'avez interrogé sur les CCI et les filières. Je suis convaincu que les conseillers que nous allons déployer dans les régions françaises doivent être organisés par filières, par spécialités. Une PME ne peut pas avoir affaire à un conseiller s'occupant à la fois d'exportation de vins, de logiciels et de roulements à billes : un tel couteau suisse en restera à un degré assez important de généralités. Une organisation par filières - l'industrie, les nouvelles technologies, l'agro-business, les biens de consommation - donne une légitimité face aux entreprises, car elle permet d'avoir une connaissance de ce qui se fait dans un domaine et suscite la confiance.

Cette réforme vise précisément à susciter la confiance. Je l'ai souvent dit aux Australiens lorsque j'étais en Australie, la France était devenue une société de défiance. Quand tout le monde se méfie de tout le monde, non seulement on ne coopère pas, mais on crée de la concurrence, on propage des préjugés. L'Australie est, au contraire, une société de confiance, et cela fait une différence, le moral étant, on le sait, un moteur, positif ou négatif.

Aujourd'hui, compte tenu de la situation que j'ai décrite, de l'action du chef de l'État et du Gouvernement, nous sommes en train de changer psychologiquement, comme en témoigne le récent sondage sur la confiance des Français dans la démocratie : 56 % d'entre eux estiment qu'elle fonctionne bien dans notre pays, contre 30 % il y a un an ou deux, soit une hausse de 26 points.

Notre pari est donc de créer de la confiance, de démontrer que des organisations publiques sont capables d'offrir des solutions efficaces aux entreprises, un dispositif radicalement différent, afin de leur permettre de s'organiser de la manière la plus simple, la plus efficace et la plus économique possible. Nous ne gagnerons pas ce pari en un jour, mais j'espère avoir l'occasion de venir vous présenter dans quelques mois les premiers résultats de cette réforme. Il s'agit de cumuler de petites victoires, lesquelles feront une grande et belle réforme au service de notre économie et de nos PME.

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