Nous avons le plaisir d'accueillir M. Thierry Mathou, directeur d'Asie et Océanie au ministère de l'Europe et des affaires étrangères, à propos de la situation en Birmanie. Monsieur le directeur, merci de vous être rendu disponible.
Depuis le 25 août dernier, la Birmanie est sous le feu des critiques internationales en raison de l'exode des Rohingyas, suite à un véritable « nettoyage ethnique », expression utilisée par le Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Filippo Grandi.
Sur une population d'environ un million de personnes, situées essentiellement dans l'Arakan, au Nord de la Birmanie, 615 000 Rohingyas au moins auraient déjà fui vers le Bangladesh. 300 000 d'entre eux demeurent par ailleurs déplacés dans l'Arakan, dont 130 000 dans des camps dédiés au centre de l'État. Médecins sans frontières a estimé que 6 700 Rohingyas avaient déjà été tués depuis le mois d'août.
La semaine dernière, l'armée a pour la première fois admis l'implication et la responsabilité de membres des forces de sécurité dans l'exécution de dix Rohingyas, dont les corps ont été retrouvés dans une fosse commune. Est-ce un tournant ? La dyarchie entre le pouvoir civil et le pouvoir militaire, mise en place par la junte qui a octroyé la transition démocratique en 2011, ne touche-t-elle pas là ses propres limites ?
Le gouvernement civil birman est en position difficile, on le sait. Il semble chercher des solutions à la crise alors que l'armée, dans le même temps, poursuit ses exactions. L'armée birmane peut-elle déstabiliser le pouvoir politique, ou l'affaiblir en vue des prochaines échéances électorales de 2020 ? Quelle peut être l'évolution du régime ?
L'isolement international semble rogner le peu d'autonomie de la Birmanie par rapport à la Chine. Cette crise va en effet tarir les perspectives d'investissements étrangers dans ce pays, déjà bien en retard en termes de développement.
Vous nous direz par ailleurs quelles seront les conséquences géostratégiques, dans un environnement régional marqué par la « diplomatie de la périphérie » chinoise.
Enfin, que peut faire notre diplomatie pour conforter le gouvernement d'Aung San Suu Kyi et l'inciter à parachever la transition démocratique, tout en exprimant notre fermeté vis-à-vis du nettoyage ethnique en cours ?
Je vous donne la parole pour une quinzaine de minutes.