Intervention de Julian King

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 18 janvier 2018 à 9h30
Audition de M. Julian King commissaire européen pour l'union de la sécurité

Julian King, commissaire européen pour la sécurité de l'Union :

Comme je l'ai dit au début de mon intervention, c'est toujours un plaisir pour moi de vous rencontrer, mais c'est aussi en partie une épreuve, parce que je suis très conscient de parler devant des experts. Si j'ai dit que nous suivons avec beaucoup d'attention vos rapports, ce n'est pas simplement pour vous flatter, mais parce que vous êtes vraiment des experts et vos rapports nous sont très utiles.

Si je ne réponds pas de manière approfondie à toutes vos questions, mes collaborateurs et moi-même sommes à votre disposition pour vous répondre par écrit.

Je n'ai pas vraiment répondu à la question sur le chiffrement. Nous sommes tout à fait conscients qu'il s'agit d'un enjeu essentiel, pour la lutte contre le terrorisme, mais pas uniquement : les organisations criminelles y recourent de plus en plus. Au niveau européen, il y a un débat sur les limites de ce que nous pouvons faire. En effet, le chiffrement est tout aussi essentiel pour notre vie quotidienne de citoyens, par exemple pour nos données bancaires et autres. Il faut donc trouver un moyen de combattre le chiffrement utilisé par les criminels ou les terroristes, tout en préservant la sécurité des données chiffrées de tous les jours.

C'est pourquoi nous avons pris des initiatives bien ciblées : par exemple, un soutien aux forces de l'ordre dans le développement de leurs capacités de déchiffrement. Certains pays sont très forts dans ce domaine, il faut qu'ils aident ceux qui le sont moins. Nous sommes en train de constituer un réseau avec EUROPOL pour que des experts bien formés en la matière puissent aider les États membres moins avancés.

Le mois prochain, nous allons présenter une initiative sur la preuve électronique. Actuellement, les preuves se trouvent souvent en dehors du territoire européen : il faut donc avoir la possibilité de les récupérer. Je ne prétends pas pour autant que nous ayons tout résolu dans ce domaine.

Une question portait sur l'extension des compétences du parquet européen à la lutte contre le terrorisme. Le traité prévoit que le Conseil européen peut décider, à l'unanimité, d'étendre les compétences du parquet européen aux crimes graves à dimension transfrontalière, y compris les actes de terrorisme. La Commission européenne va présenter cet été des propositions tendant à un élargissement des missions du nouveau parquet. Je souhaite que ces propositions comportent un volet concernant la lutte contre le terrorisme.

Nos relations avec la Turquie sont très complexes, mais essentielles, et pas uniquement pour les questions liées aux flux migratoires. Nous devons faire face ensemble au retour des combattants terroristes étrangers qui passent par la Turquie. Même si beaucoup de progrès ont été faits en Irak et en Syrie, nous savons que les combattants de Daech essaient en ce moment de traverser la Turquie pour se rendre ailleurs ; quelques-uns vont essayer de revenir en Europe. Comme je viens de l'expliquer, je crois que nous sommes maintenant mieux préparés - il ne s'agit pas de dire qu'il n'y a aucun risque. Nous avons renforcé les contrôles à nos frontières extérieures, ainsi que la coopération et l'échange d'informations entre services à l'intérieur de l'Union.

Certains de ces combattants terroristes vont essayer de rentrer chez eux ou d'aller dans d'autres pays et nous avons intérêt à tisser des coopérations très étroites, non seulement avec la Turquie, mais avec tous les pays du Moyen-Orient et avec les pays du Maghreb pour essayer de les aider à lutter contre ces terroristes chez eux.

Avec la Turquie, il faut aussi développer la lutte contre le trafic d'armes à feu qui est essentielle. Nous travaillons également avec les autorités de ce pays pour intensifier nos actions préventives en nous attaquant aux causes profondes de la radicalisation susceptible de conduire à l'extrémisme violent. Nous avons maintenant établi une liaison directe entre la Turquie et EUROPOL. Ce sujet reste donc très important pour nous.

En ce qui concerne la coopération dans le domaine de la défense, et surtout ce que nous pouvons faire en Afrique avec le G5, nous avons proposé le renforcement d'une coopération européenne en matière de défense, nommée PESCO. La Commission se réjouit de la décision des États membres d'établir une coopération structurée permanente qui est maintenant soutenue par 25 États membres afin de travailler de concert sur une première série de 17 projets collaboratifs dans le domaine de la défense : la mise en place d'un commandement médical, la mobilité militaire, la surveillance maritime et la cybersécurité.

Il faut aussi assurer le déploiement des forces et développer des coopérations pratiques sur le terrain comme, par exemple, pour le soutien au G5. La Commission est prête à aider et soutenir les États membres, mais ce sont eux qui sont responsables, en première ligne, de ce genre de déploiement. La Commission a mobilisé un soutien financier de 50 millions d'euros pour appuyer le déploiement et l'action du G5 dans le Sahel. C'est important, même si ce n'est pas assez.

La lutte contre les trafics illégaux d'armes à feu constitue également un sujet essentiel. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec l'appréciation portée sur le dispositif que nous avons proposé pour limiter l'accès aux armes sur notre territoire. En revanche, il faut aussi renforcer la lutte contre les trafics illégaux, notamment dans les Balkans. Là encore, EUROPOL joue un rôle important en organisant des opérations conjointes avec les pays des Balkans occidentaux. Ainsi, l'opération Calibre, organisée en novembre 2017, a permis la saisie de centaines d'armes à feu et de 7 000 munitions, ainsi que l'arrestation de trafiquants. Cela dit, je conviens qu'il faut agir dans les deux domaines : le contrôle des armes présentes sur nos territoires et la lutte contre les trafics illégaux.

C'est mon collègue Dimitris Avramopoulos qui est responsable des questions relatives à l'immigration. Je ne cherche pas à éluder les questions, mais je dois rappeler que nous essayons d'éviter l'amalgame entre celles qui sont liées à l'immigration et les questions de sécurité. En effet, opérer un tel amalgame risque de servir la propagande de Daech, qui veut faire croire que tous les migrants sont des terroristes. C'est pourquoi la Commission a retenu une organisation où ces questions sont confiées à deux commissaires distincts.

Quant à la cybersécurité, les États membres resteront responsables de la réponse opérationnelle aux cyberattaques. Nous avons proposé que l'ENISA soit une agence européenne chargée d'aider les États membres en cas de besoin, rien de plus. Évidemment, certains États membres, comme la France, ont des agences très développées et continueront d'assurer leur propre sécurité. Mais d'autres États membres sont moins avancés et, dans ces cas-là, cette agence européenne pourrait les aider. Le projet de règlement prévoit la possibilité, pour les États membres, de faire appel au soutien de l'agence en cas d'incident majeur, mais c'est aux États membres d'en prendre l'initiative.

Le système de certification que nous avons proposé répond à la volonté de la Commission de faire évoluer le niveau de sécurité tous les États membres. Là encore, certains sont plus avancés que d'autres, mais le cadre de certification restera flexible et adapté aux différents niveaux de sécurité requis. Il va permettre d'intégrer les systèmes existants et non de les remplacer. Nous avons pris bonne note des points soulevés par la France, en particulier dans le cadre de ces négociations. J'espère que nous trouverons rapidement un accord dans les discussions au Conseil, parce qu'il faut renforcer notre cybersécurité et notre capacité de dissuasion dans ce domaine. Là encore, les criminels, les terroristes et, parfois, des États tiers ne vont pas nous attendre. Il faut donc impérativement que nous renforcions nos capacités de défense.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion