Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’objectif de cette proposition de loi – garantir de nouveaux instruments à l’État et aux élus locaux pour faire face au recul du trait de côte lié à l’érosion et à la montée des eaux – est juste et légitime.
Il s’agit d’une problématique importante au regard des anticipations réalisées par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le CEREMA, qui démontrent l’ampleur du phénomène à venir.
Sur le principe, nous y sommes donc favorables.
Nous notons tout de même la lourdeur des dispositifs prévus. Tous ces zonages et baux sont autant de complexités nouvelles pour les services de l’État et les collectivités. Nous sommes loin de la simplification des normes, objectif souvent affiché dans cette maison.
Nous nous posons également des questions sur l’opérationnalité des mesures proposées. Les dispositifs de zone d’activité résiliente et temporaire, ZART, et de bail réel immobilier littoral, BRILi, pourront fonctionner si les collectivités s’en emparent et préemptent les terrains concernés.
Cela suppose des moyens d’expertise et des moyens financiers. Nous connaissons tous la situation actuelle des collectivités qui voient leurs dotations diminuer, loi de finances après loi de finances. Il est intéressant de donner des outils, mais encore faut-il avoir les moyens de s’en servir.
Sur le fond, ce dispositif nous interroge : l’objectif n’est pas d’empêcher la construction ou le maintien de constructions, mais bien de créer les conditions de leur aménagement. Nous proposerons donc des garde-fous pour que ces nouvelles zones ne se situent pas dans les espaces les plus touchés par le risque de submersion, soit les anciennes zones rouges.
Nous avons également des interrogations sur les nouvelles responsabilités confiées au fonds Barnier, dont les ressources diminuent progressivement.
Cette année, la taxe affectée à ce fonds est plafonnée à hauteur de 137 millions d’euros, ce qui permet de reverser 90 millions d’euros au budget général. Ce montant est très inférieur aux dépenses constatées ces dernières années, équivalentes à 178 millions d’euros.
Cette inquiétude est renforcée par la situation du budget consacré aux risques hydrauliques et naturels, en constante régression, et le manque d’aboutissement des plans de prévention des risques naturels prévisibles. Il est indispensable que l’État prenne ses responsabilités face aux risques de submersion liés à l’érosion des côtes et à la montée des eaux.
Enfin, nous regrettons que la boîte de Pandore de la loi Littoral soit une nouvelle fois ouverte. Certes, cette loi a trente ans, mais nous portons une conviction : la lutte contre le mitage en zone littorale reste une impérieuse nécessité. La protection des côtes et la préservation des terres agricoles ne peuvent être remises en cause.
Le principe de l’urbanisation continue est intéressant, même si sa définition trop imprécise questionne.
Avant de complexifier en ajoutant des exceptions aux exceptions, il aurait été plus juste de mener un travail de définition sur les notions qui conditionnent la possibilité de construction dans ces zones et qui sont l’objet d’une jurisprudence fournie.
Aujourd’hui, le seul élément réglementaire existant est une instruction gouvernementale de 2015. Il est primordial que soient mieux précisées les notions d’agglomération, de village, de hameau. Il est nécessaire que cette notion de hameau – « secteurs comprenant un nombre et une densité de construction significatifs » – soit plus clairement définie, pour permettre, sous certaines conditions, leur densification notamment dans les dents creuses.
La jurisprudence concernant la loi Montagne est plus claire sur ce sujet. Dans mon secteur, un groupement est constitué à partir de quatre maisons distantes de moins de 50 mètres.
Une définition claire et précise permettrait de sécuriser les procédures et le choix des élus. Elle est également souhaitable pour éviter que le préfet ne se trouve dans une situation discrétionnaire au moment d’autoriser ou non des projets d’urbanisation au regard de critères aujourd’hui flous et évolutifs, définis exclusivement par la jurisprudence.
Il existe aujourd’hui une contradiction : il est plus facile de créer de nouveaux foyers d’urbanisation via les « hameaux nouveaux » plutôt que de densifier le bâti existant au sein des hameaux. C’est un problème qu’il est impératif de résoudre, mais certainement pas en permettant tout et n’importe quoi.
En effet, l’article 9 pose une dérogation extrêmement large en rendant possible une densification des hameaux qui respecterait « les proportions en hauteur et en volume du bâti existant ». Il n’est aucunement fait référence au caractère regroupé et structuré des habitations. La voie est donc ouverte à une urbanisation extensive.
Cette dérogation ne se limite pas au comblement des dents creuses, c’est-à-dire la construction d’une parcelle située entre deux parcelles construites, mais risque bien d’ouvrir un véritable droit au mitage.
Je n’évoquerai pas les autres dérogations auxquelles nous sommes évidemment défavorables, notamment concernant l’implantation de constructions ou d’installations agricoles, exceptions qui existent déjà aujourd’hui, mais strictement limitées aux installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées.
Permettre de construire en discontinuité urbaine pour la relocalisation des constructions et ouvrages de la ZART est également dangereux, tout comme la construction d’annexes non mitoyennes.
Nous proposerons donc une réécriture de cet article en supprimant la notion de « hameau nouveau » et en autorisant la construction extrêmement limitée et encadrée dans les dents creuses des hameaux. Nous renvoyons à un décret la définition des notions qui conditionnent l’urbanisation.
Au final, il ne faut pas se tromper d’objectif. Il s’agit bien d’accompagner les territoires devant les phénomènes naturels liés au réchauffement climatique qui modifient les conditions de vie autour du littoral, et non de faciliter l’urbanisation le long du littoral.
En l’état, nous ne pouvons voter ce texte. Conscients de l’importance de certaines mesures pour les territoires littoraux, nous serons attentifs au débat et à la prise en compte de nos remarques, notamment concernant l’article 9.