Intervention de Nelly Tocqueville

Réunion du 30 janvier 2018 à 14h30
Développement durable des territoires littoraux — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Nelly TocquevilleNelly Tocqueville :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un texte important, qui reprend en quasi-totalité les dispositions de la proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique, déposée à l’origine, voilà un an, par la députée Pascale Got et les membres du groupe socialiste de l’Assemblée nationale. En effet, si cette proposition de loi avait été adoptée en première lecture au Sénat le 11 janvier 2017, puis en seconde lecture à l’Assemblée nationale, le 31 janvier suivant, elle n’a jamais terminé sa navette parlementaire.

La proposition de loi socialiste initiale partait d’un constat double : d’une part, l’élévation du niveau des eaux et les risques qui y sont liés – la submersion marine ou les inondations – et, d’autre part, une activité humaine de plus en plus importante sur le littoral, avec une pression sur la construction de logements trois fois plus forte que la moyenne nationale.

Il s’agit d’un texte essentiel, qui mérite toute notre attention, puisque l’érosion côtière affecte 25 % de notre territoire métropolitain. La France compte près de 19 200 kilomètres de littoral ; c’est un réel atout naturel et économique, mais cela nous oblige aussi à prendre nos responsabilités. La longueur du trait de côte, quant à lui, représente environ 8 600 kilomètres.

La proposition de loi de 2017 visait à répondre, dans le cadre de la prévention du risque, « au besoin de préservation des espaces et de sécurisation des populations, tout en organisant les conditions du maintien du dynamisme et du développement durable de nos côtes ».

Alors que s’est conclue à Paris, voilà un peu plus de deux ans, la plus grande conférence mondiale sur le climat, la réalité des conséquences de la déréglementation climatique s’impose aujourd’hui régulièrement à nous. Cela entraîne inéluctablement une érosion côtière vérifiable et le recul, de fait, du trait de côte.

Par ailleurs, une activité humaine de plus en plus développée sur ces territoires fragilisés accentue les effets de ces événements déjà prégnants ; je le disais, la pression exercée par la construction de logements est trois fois plus élevée sur le littoral qu’à l’échelon national, en moyenne. L’INSEE estime ainsi que la population présente dans ces zones connaîtra une hausse de plus de 4 millions de personnes d’ici à 2040, ce qui doit nous interpeller et nous alerter.

Les conséquences de ces phénomènes sont nombreuses, particulièrement du point de vue humain et économique. Ainsi, dans le département dont je suis élue, la Seine-Maritime, une falaise s’est encore effondrée, le 23 octobre dernier, à Hautot-sur-Mer, sur trente mètres. Plus récemment, en décembre dernier, plusieurs milliers de mètres cubes de roches se sont écroulés au Tréport. À chaque fois, ces éboulements représentent une menace pour les personnes et les biens, mais ils affectent également les activités touristiques.

C’est la raison pour laquelle le phénomène d’érosion côtière ne peut plus donner lieu à des réactions laxistes, au prétexte que son effet est continu dans le temps et moins visible qu’une inondation. Les risques y afférents, qu’ils concernent les territoires, les biens ou les populations, sont réels et inquiétants, je viens de le souligner. Nous en avons désormais pleinement conscience, et il est de notre devoir d’anticiper les conséquences de cette évolution.

C’est l’intérêt de cet outil législatif, qui remédie aux actions et aux décisions prises dans l’urgence, à la suite d’un aléa, et qui apporte une solution juridique, en particulier, aux élus confrontés aux questions de relocalisation. Plusieurs dispositions ont déjà été mises en œuvre, au cours des dernières années, dans ce domaine, et les deux propositions de loi s’inscrivent dans la continuité de ces actions.

Néanmoins, celle que nous examinons aujourd’hui comporte malheureusement plusieurs mesures faisant l’objet de divergences significatives, qui appellent tout particulièrement notre attention ; ce sont celles qui visent à assouplir la loi Littoral et qui ne figuraient pas dans le texte socialiste initial. Ces mesures sont à nos yeux profondément regrettables, notamment en ce qui concerne le sujet des dents creuses.

Ce texte tend à assouplir cette loi, en introduisant plusieurs dérogations au principe d’extension en continuité de l’urbanisation dans les parties rétro-littorales des communes littorales. En particulier, son article 9 reprend en grande partie la rédaction que la droite sénatoriale a défendue en 2017, et ce malgré le compromis trouvé, je le rappelle, avec les députés de l’ancienne majorité, sur le principe de l’extension, sous certaines conditions, aux hameaux existants, sur l’autorisation accordée aux exploitants agricoles, forestiers et de cultures marines de s’implanter en discontinuité dans des agglomérations et des villages, après l’avis de la commission départementale de la nature des sites et des paysages, la CDNPS, et sur la possibilité d’identifier des espaces situés dans des ZART et destinés à l’accueil d’activités et de biens devant être relocalisés.

En outre, la proposition de loi, qui – faut-il le rappeler ? – concerne non seulement la France continentale, mais aussi l’outre-mer, nous paraît ne pas prendre en compte les attentes et les spécificités de ces territoires, en supprimant, en particulier, les zones de mobilité du trait de côte, les ZMTC.

Ce texte comporte donc des mesures qui remettent en cause des dispositifs essentiels de la loi Littoral ; or nous savons tous non seulement qu’elle est indispensable à la préservation des milieux naturels, mais encore qu’elle constitue la seule possibilité de prévenir les risques et de protéger les biens et les personnes.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, animé du souci de protection, de solidarité et de responsabilité à l’égard tant des territoires que de la population, mais aussi des générations futures, le groupe socialiste et républicain s’abstiendra donc sur ce texte qui reprend, dans sa majeure partie, les éléments constitutifs de la proposition de loi de 2017, mais qui, malheureusement, pour les raisons précitées, présente en l’état trop de risques pour être adopté.

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