Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la montée des eaux liée au dérèglement climatique est un enjeu majeur, et nous ne pouvons que remercier le groupe Les Républicains de l’inscription de ce débat à l’ordre du jour de la Haute Assemblée, tant cette augmentation inéluctable du niveau des océans affectera durablement l’urbanisation et l’activité économique de nos côtes.
Il n’est pas inintéressant de rappeler que le premier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, publié en 1990, ne prévoyait pas de montée des eaux. La logique du GIEC consistait, à l’époque, à dire que le climat se réchauffait, d’où une plus grande évaporation et donc plus de précipitations, mais que cela se traduirait par de la glace, qui serait stockée au Groenland et en Antarctique, sans montée des eaux. Telles étaient les conclusions du premier rapport du GIEC.
Ensuite, à chaque nouveau rapport, le GIEC a augmenté ses prévisions de montée des eaux, pour arriver, dans le cinquième rapport, à une fourchette de 29 à 82 centimètres de montée des eaux, selon les scénarios. Toutefois, beaucoup de scientifiques considèrent déjà ces chiffres comme très sous-estimés. Certaines études, cosignées par des lauréats du prix Nobel, envisagent même une montée des eaux de 5 mètres, à horizon d’un siècle, en raison de la fonte du Groenland – des incendies ont eu lieu dans cette île cet été, cela n’était jamais arrivé – et du début de fonte de la calotte de l’Antarctique.
Ce rapide rappel de l’histoire des prévisions en la matière doit donc nous amener à beaucoup de prudence dans nos décisions, car nous ne pouvons pas ignorer que le consensus scientifique du rapport du GIEC, relu, comme toujours, par les États, est généralement démenti par les faits : le dérèglement climatique est toujours allé plus vite que ce qu’annonçaient les rapports. Je suis donc un peu surpris, madame la secrétaire d’État, de votre assurance sur la prévisibilité du recul du trait de côte : à dix ans, oui ; à trente ans, c’est déjà beaucoup moins sûr ; à cent ans, nous n’en savons rien aujourd’hui…
Il faut donc se préparer à laisser à l’océan des territoires qu’il grignotera inéluctablement, à lui abandonner des constructions parfois anciennes, et à se doter d’outils courageux d’urbanisme, qui ne se contentent pas de donner l’impression que l’on peut retarder les échéances.
C’est l’un des principaux problèmes de ce texte ; on a tout de même un peu le sentiment que les mesures techniques développées, notamment les fameuses ZART – on y reviendra au cours du débat –, retardent une gestion assumée de cette montée des eaux, au profit de certains bricolages peu durables.
Pour être clair, je dirai qu’il faut apporter des réponses à des difficultés, notamment, effectivement, l’indemnisation de ceux qui vont perdre leur patrimoine bâti. En ce sens, l’amendement de Jean Bizet, dont nous discuterons tout à l’heure, qui pose la question essentielle, me semble-t-il, de la péréquation et de la solidarité nationale, est un élément important et intéressant de ce débat ; nous pouvons nous en saisir utilement.
Néanmoins, la ZART, que l’on pourrait peut-être redéfinir comme l’acronyme de la zone d’aménagement rapidement trempée