Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà plus d’un an, j’avais défendu devant la Haute Assemblée la prise en compte des risques littoraux dans l’aménagement de nos territoires côtiers. Maire pendant quinze ans d’une commune du Pas-de-Calais très concernée par le sujet de l’érosion, président de l’Association nationale des élus du littoral depuis 2012, je m’étais réjoui de voir aboutir un travail de plusieurs années entre les élus et l’État.
En effet, à chaque nouvelle tempête, tous les élus du littoral constatent les effets du changement climatique. Les événements climatiques ayant affecté notre pays – des ouragans Irma, José et Maria ayant touché les Antilles, à la rentrée 2017, aux diverses tempêtes qui ont balayé la métropole à la fin de l’année dernière, en passant, plus récemment, par le cyclone Berguitta à La Réunion – ont à nouveau démontré l’urgence à agir en matière de prévention des risques littoraux.
Je salue d’ailleurs la mise en place à l’Assemblée nationale d’une mission d’information sur la gestion des événements climatiques majeurs dans les zones littorales, présidée par Maïna Sage, députée de la Polynésie française.
Par essence, le littoral est instable et toujours en évolution. Nous en avons, au quotidien, des illustrations concrètes, sur nos rivages, liées à l’attaque des vagues et à l’érosion éolienne. À ces phénomènes s’ajoutent les effets des ouvrages de défense contre la mer, qui, construits pour protéger les côtes, ont parfois entraîné le dégraissement ou l’engraissement des plages.
Depuis la tragédie de la tempête Xynthia, un travail considérable a été accompli par les services de l’État et par les élus. Un appel à projets, évoqué par Jérôme Bignon, pour la relocalisation des biens et des activités avait été lancé en 2014 par l’État, et cinq territoires littoraux y ont participé. Nous avons besoin d’un suivi de cet appel à projets, qui n’envisageait que des solutions à droit constant, alors qu’il semble nécessaire de trouver des solutions juridiques pour régler les situations d’urgence, ce qui n’exclut pas de réfléchir à de nouvelles formes d’urbanisme pour l’avenir.
Tel était l’objet de la proposition de loi initiale : adapter le droit à un trait de côte perpétuellement en mouvement et aux événements météorologiques violents, toujours plus fréquents. L’interruption de la session parlementaire a suspendu l’examen de ce texte. Est-on pour autant reparti de zéro ? Je ne le crois pas.
Les événements climatiques de 2017 ont donné raison aux parlementaires qui avaient bien vu l’urgence d’un tel texte. J’ai en tête les images impressionnantes de l’ouragan Irma et, plus modestement, celles qui furent prises au début de ce mois sur la plage de la commune de Merlimont, dont j’ai été le maire, qui perd chaque année des tonnes de sable à cause du vent et des houles de plus en plus fortes.
Des enseignements peuvent être tirés des débats approfondis qui ont eu lieu, l’an dernier, à l’Assemblée nationale et au Sénat. Ces discussions ont montré que des consensus pouvaient émerger autour de ce texte : la définition du recul du trait de côte, la reconnaissance juridique de la stratégie nationale et des stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte, la création de zones d’activité résiliente et temporaire, associées au bail réel immobilier littoral. Toutes ces innovations législatives ont été reconnues comme correspondant à un réel besoin des élus du littoral. Je soutiendrai donc ces dispositions, qui apportent des outils supplémentaires aux élus littoraux.
Les discussions de l’an dernier nous ont aussi rappelé le fort attachement des Français à la loi Littoral, garante de la protection de nos côtes. J’ai toujours défendu cette loi et, au moment de fêter ses trente-deux ans d’existence, je la défendrai encore et je veillerai à l’application équilibrée de ses deux volets, préservation et développement du littoral.
Toute modification de la loi Littoral doit être impérativement justifiée et encadrée, et les élus du littoral y sont extrêmement attentifs. Il ne s’agit pas « d’ouvrir la boîte de Pandore » en autorisant un « détricotage » de cette loi ; personne ne le souhaite. Ces dérogations à l’obligation d’urbanisation en continuité répondent à un besoin. Elles seront définies par les élus, les services de l’État et la commission départementale de la nature, des paysages et des sites dans le cadre de stratégies de territoire, et se feront hors des espaces proches du rivage, à l’exception, bien entendu, cher Michel Vaspart, des cultures marines, qui nécessitent la proximité de l’eau.
En ce qui concerne les dispositions relatives à l’indemnisation des biens endommagés, nous évoquerons bien sûr, durant ces discussions, le fonds Barnier, qui reste plafonné et dont il faudrait peut-être, madame la secrétaire d’État, réexaminer les cibles.
Mes chers collègues, c’est en disposant d’une information complète et dans un esprit de coconstruction intelligente entre les services de l’État et les élus que nous devrons faire évoluer l’aménagement de notre littoral.
Pour terminer, madame la secrétaire d’État, je veux réagir à votre propos liminaire. L’érosion côtière d’aujourd’hui, c’est la submersion de demain. Ne pas y voir un risque est une erreur stratégique. C’est ne pas s’attacher à ce qui nous manque en France, à savoir la culture du risque.