Intervention de Claude Kern

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 30 janvier 2018 à 14h00
Projet de loi relatif à l'organisation des jeux olympiques et paralympiques 2024 — Examen du rapport pour avis

Photo de Claude KernClaude Kern, rapporteur pour avis :

La commission des lois est saisie du texte au fond. Notre commission s'est vu déléguer sept articles au fond et nous nous sommes saisis de trois autres articles pour avis, en accord avec la rapporteure de la commission des lois.

Cent ans après les Jeux Olympiques organisés en 1924 à Paris et Chamonix, et après avoir accueilli les Jeux d'hiver à Grenoble en 1968 puis à Albertville en 1992, la France organisera à nouveau, en 2024, les Jeux d'été, cette fois principalement sur le territoire de la métropole du Grand Paris : à Paris, en Seine-Saint-Denis, dans les Yvelines et en Seine-et-Marne. Outre les épreuves de voile prévue à Marseille, les stades de Lille, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Lyon, Saint-Etienne, Marseille et Nice seront également mobilisés.

Au-delà des infrastructures prévues pour accueillir les épreuves, plusieurs centaines d'équipements seront également mobilisés pour accueillir les délégations et leur permettre de s'entraîner. C'est donc la France toute entière qui est appelée à se mobiliser pour accueillir ces Jeux Olympiques et Paralympiques.

Les modalités d'organisation de cette compétition doivent beaucoup au contexte de la candidature parisienne, qui faisait suite à des échecs pour accueillir les Jeux de 1992, 2008 et 2012. Après la dernière déconvenue parisienne face à Londres en 2012, une réflexion d'ampleur a été menée pour analyser les causes de cet échec. Au moins trois leçons ont été tirées sur lesquelles a été fondé le succès de la désignation intervenue le 13 septembre dernier à Lima. Tout d'abord, la place des sportifs dans les instances chargées de porter la candidature, puis de préparer les Jeux, a été considérée comme un critère décisif pour le succès de la candidature. Ensuite, a été reconnue la nécessité de développer une expertise dans l'organisation des grands événements sportifs internationaux. Ainsi, notre pays s'est porté candidat pour organiser de nombreux championnats du Monde et d'Europe à l'image de l'Euro de football de 2016, de la Ryder Cup de 2018, de la Coupe du monde féminine de football de 2019 et de la Coupe du Monde de rugby de 2023. Enfin, le niveau de nos équipements ayant longtemps été jugé insuffisant, les projets envisagés pour les Jeux de 2012 à l'image du Vélodrome national de Saint-Quentin-en-Yvelines ou de la base nautique de Vaires-sur-Marne ont été maintenus et de nouveaux équipements ont été développés, telle la U Arena de Nanterre. Ce choix a permis de limiter au strict minimum les besoins en nouveaux équipements et de réduire le risque d' « éléphants blancs » à l'issue des Jeux de 2024.

La désignation de Paris, en septembre 2017, pour organiser les Jeux de 2024 a ouvert une nouvelle phase marquée par la mise en place des différentes instances chargées de préparer l'organisation de cet événement, qui constitue la première obligation de la ville hôte. Le choix fait en termes d'organisation s'inspire de l'expérience de Londres avec une direction bicéphale distinguant les « contenus » et les « contenants ». Le maître mot est d'organiser « des Jeux transparents, éthiques et responsables » selon le délégué interministériel aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, Jean Castex, en gardant à l'esprit la perspective de l'héritage, toutes les infrastructures devant être reconverties.

Le président du Comité d'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (COJOP), Tony Estanguet, lors de son audition le 17 janvier dernier par notre commission, a insisté sur la nécessité de rendre ces Jeux accessibles. Plus de quatre milliards de téléspectateurs devraient regarder les exploits des athlètes composant les 106 délégations attendues et 13 millions de spectateurs se rendre sur les sites. Le président du COJOP s'est fixé un triple objectif : en premier lieu, assurer la « sobriété » budgétaire de l'événement, ce qui passe par un financement quasi exclusivement privé du COJOP - 100 millions d'euros de fonds publics étant toutefois prévus au titre des Jeux Paralympiques, soit 3 % du budget ; garantir ensuite la transparence et l'éthique - raison pour laquelle le COJOP a accueilli favorablement l'intervention de l'ensemble des organismes en mesure d'atteindre cet objectif (Cour des comptes, Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), Agence française anticorruption (AFA), etc.) ; enfin, atteindre l'excellence environnementale, engagement indissociable de l'esprit de la candidature de Paris portée au moment où se tenait la COP 21 dans la capitale.

Les trois organisateurs principaux (la délégation interministérielle, la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) et le COJOP) viennent d'être installés. Un décret du 14 septembre 2017 a nommé M. Jean Castex délégué interministériel aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Il est l'interlocuteur unique représentant l'État : il lui revient de veiller à la coordination entre les services de l'État au niveau tant central que déconcentré, mais aussi plus généralement de rapprocher les points de vue des différentes parties prenantes en cas de divergence. La délégation interministérielle a préparé le projet de loi avec l'ensemble des ministères concernés. Elle a également suivi la rédaction des statuts du COJOP.

La responsabilité de construire les équipements a été confiée à un établissement public, la Solideo, dont la préfiguration a été confiée à M. Nicolas Ferrand par décret du 26 octobre 2017, la présidence de cet organisme étant assurée par la maire de Paris, Mme Anne Hidalgo. Le préfigurateur a été confirmé comme directeur général de la Solideo par un décret du 30 décembre 2017 publié au Journal officiel du 3 janvier 2018. L'enjeu de la Solideo, créée sur le modèle londonien, est de centraliser l'ensemble des financements publics et privés pour garantir que les équipements seront livrés à temps « quoiqu'il advienne », selon la formule de son directeur général. Parallèlement, le comité de candidature a été dissous en janvier 2018 pour céder la place au COJOP, dont le président est Tony Estanguet et le directeur général Etienne Thobois.

Le projet de loi relatif à l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 constitue la seconde étape indispensable à l'organisation des Jeux après l'installation des instances chargées de leur organisation. Le Royaume-Uni avait également adopté une loi spécifique pour accueillir les Jeux de Londres en 2012, le London Olympic games and Paralympics games Act de 2006.

Ce projet de loi vise à prévoir plusieurs adaptations du droit commun afin de tenir compte d'au moins trois spécificités propres à l'organisation des Jeux : la prééminence du Comité international olympique (CIO) et du Comité international paralympique (IPC), organismes internationaux, qui définissent les principes d'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques en lieu et place, notamment, des fédérations délégataires compétentes de droit commun ; la brièveté des délais - moins de six ans pour livrer tous les équipements, organiser les compétitions, recruter plus de 70 000 bénévoles etc. -, ce qui nécessite de pouvoir déroger à certaines procédures de droit, commun notamment en matière de consultations publiques et de droit de l'urbanisme, pour éviter des retards trop importants du fait des contentieux inévitables ; enfin, la nécessité de garantir la transparence, l'éthique et le respect des budgets, ce qui suppose au préalable d'étendre les compétences de plusieurs institutions comme la Cour des comptes, la HATVP, l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) et l'AFA.

Le projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale comprenait quatre titres et 18 articles, complétés de 10 articles additionnels lors de la première lecture à l'Assemblée nationale. Le texte soumis à l'examen du Sénat ne concerne pas principalement la dimension sportive des Jeux à travers les athlètes ou l'organisation des compétitions. Il vise d'abord, dans son titre Ier, à assurer le respect des stipulations du contrat de ville hôte conclu entre la Ville de Paris, le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et le CIO. Ces dispositions (articles 1er, 2, 3, 4, 5 bis, 5 ter) concernent notre commission de la culture, à l'exception de l'article 5, qui relève de la commission des lois.

Le titre II comprend plusieurs articles relatifs à l'aménagement du territoire dans le cadre de la préparation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Sur les quatorze articles qui le composent, huit relèvent au fond de la commission des lois (articles 6, 7, 8, 9, 10, 10 bis, 10 ter, 11), deux de la commission des affaires économiques (12, 13) et quatre seront traités par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (13 bis A, 13 bis B, 13 bis C, 13 bis D).

Le titre III ne comprend qu'un seul article, l'article 14, relatif à la sécurité, qui relève de la commission des lois.

Le titre IV comprend enfin six articles dont cinq relèvent de la compétence au fond de la commission des lois (articles 15, 16, 17, 18, 18 bis), l'article 17 bis ayant été délégué à notre commission de la culture.

Nous nous sommes par ailleurs saisis pour avis des articles 15, 17 et 18.

Parmi les articles examinés par notre commission, huit ne me semblent pas devoir faire l'objet de modifications. C'est le cas de l'article 1er qui reconnaît le COJOP, le CIO et l'IPC comme organisateurs des Jeux Olympiques et Paralympiques. Des précisions pourraient encore se révéler nécessaires mais des échanges sont encore en cours pour savoir s'il est indispensable de mentionner certaines filiales du CIO parmi les organisateurs. Le Gouvernement nous précisera sans doute ce point d'ici la séance publique.

L'article 3 relatif aux dérogations au droit commun pour le pavoisement aux couleurs olympiques et paralympiques et l'article 4 consacré à l'autorisation de publicité faite au profit des partenaires de marketing olympique dans un rayon de 500 mètres autour des sites ne me semblent pas non plus poser de difficultés, compte tenu de l'intérêt de mobiliser la population autour de cet événement exceptionnel et de la nécessité d'en garantir l'équilibre économique et financier afin de ne pas pénaliser les contribuables français.

Il en est de même de l'article 5 bis qui traite de l'action du CNOSF et du Comité paralympique et sportif français (CPSF) pour le compte, respectivement, du CIO et de l'IPC et de l'article 5 ter qui prévoit une Charte du volontariat olympique et paralympique. Je pense toutefois qu'il ne sera pas possible de faire l'économie d'un véritable statut des bénévoles dans le sport ; mais une telle réforme pourrait parfaitement trouver sa place dans le projet de loi que prépare la ministre des sports pour 2019.

Je vous proposerai également d'adopter sans modification les trois articles que nous avons examinés pour avis. L'article 15 prévoit d'habiliter le Gouvernement à prendre des ordonnances, dans un délai de neuf mois, pour séparer les fonctions d'instruction et de jugement de l'AFLD au moyen de la création d'une commission des sanctions et de parfaire la transcription du code mondial antidopage. L'article 17 crée une obligation de déclaration de patrimoine des présidents de fédération sportive, du président du CNOSF, du président du CPSF et du président du comité d'organisation d'une compétition sportive internationale auprès de la HATVP. Elle prolonge des obligations déjà créées pour les présidents des fédérations sportives délégataires de service public et des ligues professionnelles ainsi que pour les présidents du CNOSF et du CPSF par l'article 11 de la loi d'origine sénatoriale du 1er mars 2017 visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs. L'article 18 prévoit un contrôle de la Cour des comptes sur la gestion et les comptes du comité d'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques et d'autres personnes morales concourant à l'organisation des Jeux. Nous ne pouvons que partager le souci de contrôler la gestion du COJOP, toutefois la rédaction retenue semble outrepasser les missions habituelles de la Cour des comptes et pourrait également attenter à son indépendance. Une évolution de la rédaction du second alinéa de cet article pourrait être nécessaire mais il a été convenu avec la commission des lois d'en laisser l'initiative au Gouvernement. Nous pourrions toutefois proposer une rédaction dans la perspective du débat en séance publique si cela s'avérait nécessaire.

J'en viens aux deux articles qui nous ont été délégués au fond qui appellent, selon moi, des modifications. L'article 2 vise à mieux assurer la protection juridique des « marques » olympiques, afin de garantir aux partenaires du COJOP l'exclusivité de l'utilisation des emblèmes et des termes. Il est donc d'une importance toute particulière pour sécuriser les ressources destinées à l'organisation des Jeux. Je vous propose un amendement destiné à tenir compte des préoccupations exprimées lors de l'examen à l'Assemblée nationale et visant à préserver la possibilité d'un usage courant des termes en lien avec les Jeux Olympiques, tout en conservant le fort degré de protection dont bénéficie le mouvement olympique.

L'article 17 bis, ajouté à l'Assemblée nationale, prévoit la présence d'un député et d'un sénateur dans le comité d'éthique et le comité de rémunération du COJOP. Si nous partageons le souci des députés de disposer d'un droit de regard sur certaines décisions du COJOP en matière de rémunérations et d'éthique, il me semble qu'une obligation d'information écrite pourrait utilement remplacer la présence de parlementaires dans les instances d'une association de droit privé.

Sous réserve de l'adoption de ces deux d'amendements, je vous proposerai de donner un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi, qui est indispensable à l'organisation des Jeux de Paris 2024.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion