Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, dans l’introduction de son excellent rapport de stage de 2007, intitulé « Enquête auprès des aidants familiaux des personnes âgées en perte d’autonomie », Mohamadou Oumarou Danni, alors étudiant de master 2 à l’université de Poitiers, faisait état d’une situation qui, plus d’une décennie plus tard, n’a pas beaucoup évolué :
« Le vieillissement progressif de la population française et l’accroissement de la dépendance physique et psychologique qui en résulte constituent un phénomène lourd que toutes les projections démographiques confirment. Ainsi, la société française, comme la plupart des sociétés occidentales, est et va être durablement affectée par cette situation qui, directement ou indirectement, concernera à moyen ou à long terme toutes les familles.
« Cette augmentation du nombre de personnes en situation de handicap pose évidemment la question de leur prise en charge, car il n’existe pas assez de places en maisons de retraite ou en établissements spécialisés pour les accueillir.
« Pour faire face à ce défi majeur, les pouvoirs publics privilégient de plus en plus le maintien à domicile, mais, pour ce faire, il semble nécessaire, voire primordial, de créer un environnement favorable aux conditions de travail d’aidant. »
Mes chers collègues, vous le voyez, onze ans plus tard, la problématique reste d’actualité. Il faut bien l’admettre : malgré la qualité de notre système de soins et de santé, les progrès de la médecine, le matériel innovant toujours plus moderne et plus efficace, il n’est toujours pas possible d’assurer entièrement une bonne prise en charge des personnes en situation de handicap.
Les proches aidants jouent donc un rôle fondamental, et l’État ne peut entièrement se substituer à eux. Ainsi, comme le soulignait Mohamadou Oumarou Danni, c’est justice de donner davantage de moyens aux proches aidants pour assumer ces tâches quotidiennes qui viennent s’ajouter à celles des vies familiale, professionnelle et personnelle.
Au cours des dernières années, plusieurs lois sont venues apporter des améliorations, et, à ce titre, il convient de saluer diverses avancées. Je pense à la loi du 9 mai 2014 permettant le don de jours de repos à un parent d’un enfant gravement malade, à la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, enfin à la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans cette lignée, en tendant à permettre à un salarié de renoncer anonymement et sans contrepartie à tout ou partie de ses jours de repos non pris, au bénéfice d’un autre salarié de l’entreprise étant un proche aidant et à condition de conserver un minimum de vingt-quatre jours de repos, conformément au droit européen.
On ne peut que saluer ce dispositif, qui va dans le bon sens, même s’il n’est pas parfait.
Ainsi, il faudra probablement décliner l’applicabilité de ce texte selon la taille des entreprises. De leur côté, ces dernières devront faire preuve de la plus grande souplesse pour adapter au mieux, selon leurs moyens et leurs possibilités, les présentes dispositions.
Je pense également que l’État doit soulager davantage les proches aidants. Il est impératif de développer des structures d’accueil de jour, de faciliter l’hébergement temporaire en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, de favoriser le remplacement des aidants familiaux par des professionnels pendant quelques jours ou quelques semaines, de valoriser les emplois d’aide à domicile ou encore de mieux informer sur les aides disponibles non seulement les patients, mais aussi les proches aidants eux-mêmes.
Pour bon nombre de nos concitoyens, il est difficile de trouver un équilibre entre travail et vie privée. Imaginez la situation dans laquelle se trouvent ceux qui, parmi nous, doivent également assumer la charge d’une ou de plusieurs personnes en perte d’autonomie !
Mes chers collègues, pour avoir pleinement conscience de cette situation, il faut l’avoir vécue. Je parle, comme un certain nombre d’entre nous, en connaissance de cause. Je profite de cette occasion pour rendre hommage à toutes ces femmes, à tous ces hommes qui donnent de leur temps aux autres, bénévolement, et bien souvent au détriment de leur propre épanouissement.
En la matière, les outre-mer connaissent les mêmes difficultés que la France hexagonale. Les situations y sont même parfois plus dramatiques, eu égard à la faiblesse de l’offre en structures d’hébergement et à la structuration de nos familles, souvent monoparentales.
Alors, me direz-vous, pourquoi ne pas avoir déposé des amendements afin d’améliorer le dispositif de cette proposition de loi ?
À cet égard, l’excellent travail de notre collègue rapporteur Jocelyne Guidez ne souffre aucune contestation : son argumentaire est clair, précis, méthodique et empreint d’une sincérité indéniable. Je tiens à saluer ce travail, sa pertinence et la profondeur de la réflexion conduite.
Mes chers collègues, les élus du groupe du RDSE ont, à l’unanimité, choisi de se conformer à la demande de Mme la rapporteur de ne pas amender le texte afin que son adoption par le Parlement - et donc son entrée en application - puisse être la plus rapide possible.
Cette proposition de loi ne comblera pas toutes les lacunes, nous en sommes conscients, mais nous n’en voterons pas moins en faveur de son adoption dans la rédaction proposée par notre commission des affaires sociales.