Intervention de Bernard Bonne

Réunion du 31 janvier 2018 à 14h30
Don de jours de repos pour les proches aidants — Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Bernard BonneBernard Bonne :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, le texte qui nous est présenté aujourd’hui a fait l’objet d’un large consensus à l’Assemblée nationale. Nul doute qu’il en ira de même au Sénat.

Je suis particulièrement heureux d’intervenir dans cette discussion générale. En effet, cette proposition de loi visant à étendre le dispositif de dons de jours de repos non pris aux aidants familiaux s’inspire assez largement de la loi du 9 mai 2014 permettant le don de jours de repos à un parent d’un enfant gravement malade, soutenue par M. Paul Salen, député de la Loire qui, à l’époque, était également mon premier vice-président au conseil départemental.

M. Salen avait eu connaissance de la détresse et des difficultés des parents d’un enfant atteint d’un cancer en phase terminale. Ces parents voulaient, bien entendu, rester près de leur enfant et l’accompagner le plus possible dans cette terrible épreuve. Aussi M. Salen avait-il proposé ce dispositif afin de répondre à des situations ponctuelles d’urgence.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objet d’encourager, par une sécurisation juridique accrue, les élans de solidarité entre collègues de travail lorsque l’un d’eux traverse une période particulièrement difficile du fait du poids de son rôle auprès d’un proche en situation de handicap ou auprès d’une personne âgée en perte d’autonomie.

Toutes les études le démontrent : les aidants, souvent issus de la fameuse « génération pivot », représentent la solution d’accompagnement privilégiée par les personnes concernées par la perte d’autonomie d’un proche. C’est aussi la solution la moins coûteuse, loin devant les aides professionnelles à domicile et l’accueil en établissement de type EHPAD.

La loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement a permis des avancées majeures au bénéfice des aidants familiaux, en reconnaissant leur engagement au travers de la définition du statut de « proche aidant », notion qui va bien au-delà des seuls membres de la famille. Ce texte a aussi introduit plusieurs dispositifs visant à accompagner, à informer et à former les aidants, ainsi qu’à mieux prendre en compte leurs besoins, en créant le congé de proche aidant et le droit au répit.

Toutefois, il est clair que la santé des aidants est un enjeu de santé publique. Il faudra veiller à ce que les dispositifs prévus dans les textes précités soient efficacement mis en œuvre. Plusieurs missions en cours devraient nous éclairer sur ce point.

La proposition de loi présentée par notre collègue député Paul Christophe vient compléter le cadre législatif actuel, mais ce texte n’a pas pour objet de traiter l’ensemble des problèmes très difficiles qui se posent aux aidants. Il a le mérite de permettre un aménagement et un allégement du temps de travail des aidants familiaux sans que ces derniers aient à subir une perte de salaire. Pour autant, si elle part d’une intention tout à fait louable et respectable, à laquelle, bien sûr, je souscris, cette proposition de loi ne répond pas totalement à un certain nombre de difficultés que pourraient poser ses modalités d’application et de mise en œuvre. Permettez-moi de m’arrêter sur certaines d’entre elles.

Premièrement, le don concerne les jours de repos excédant les vingt-quatre jours de congés payés annuels. Or, on le sait bien, tous les salariés ne bénéficient pas du même nombre de jours de repos supplémentaires : celui-ci varie selon la taille de l’entreprise. Les possibilités ouvertes ne sont donc pas les mêmes selon que l’on travaille dans une PME ou au sein d’un grand groupe.

Deuxièmement, si le dispositif de la loi de 2014, qui concerne l’accompagnement d’enfants gravement malades, est d’une application assez facile, la prise en charge de pathologies lourdes d’adultes dépendants s’inscrit souvent dans la durée. Comment des salariés pourront-ils aider un collègue sur une très longue période ? Quelle peut être l’incidence de ce soutien, non seulement en termes financiers, mais aussi sur le fonctionnement de l’entreprise ?

Troisièmement, quelles seront les conditions d’application de ce dispositif dans la fonction publique ?

Quatrièmement, le présent texte ne prend pas en compte la situation de celles et ceux qui ont dû abandonner leur travail pour s’occuper de personnes âgées dépendantes. À quand une harmonisation de leurs droits avec ceux des proches aidants des personnes présentant un handicap ?

Plus généralement, ne faudrait-il pas réserver cette faculté de bénéficier d’un don de jours de repos à des salariés se trouvant brusquement en situation d’urgence et ayant ponctuellement besoin de se rendre disponibles pour faire face à un accident de la vie, sans qu’il s’agisse obligatoirement d’aider des personnes âgées ou handicapées ?

Quoi qu’il en soit, comme l’a souligné Mme la rapporteur, cette proposition de loi constitue une première et très grande étape. Elle marque la reconnaissance, au sein même de l’entreprise, des liens étroits qui donnent à la société sa cohésion d’ensemble.

Cet élan de solidarité pourrait aussi, de manière induite, nous permettre de renforcer les liens intergénérationnels au sein des familles, dans la mesure où ce sont bien souvent les enfants qui prennent en charge leurs parents âgés ou dépendants.

Sous réserve de ces quelques remarques, je voterai bien entendu cette proposition de loi, comme mes collègues du groupe Les Républicains.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion