Intervention de Louis Blin

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 31 janvier 2018 à 9h35
Audition conjointe sur « l'arabie saoudite dans son environnement régional »

Louis Blin, chargé de mission au CAPS du ministère de l'Europe et des affaires étrangères :

Monsieur Poniatowski, la tentative de rapprochement entre la Russie et l'Arabie saoudite est liée, selon moi, pour partie au pétrole : l'Arabie saoudite, au second semestre de cette année, va privatiser 5 % de la Saudi Aramco, l'entreprise nationale de production de pétrole, dont la valeur dépend de la valorisation de ses réserves et, partant, du prix du pétrole. Les Saoudiens ont donc intérêt à un marché haussier avant cette échéance, objectif facilité par un partenariat avec la Russie. Surtout, les Russes essaient d'imposer, en lieu et place des Américains, leur influence au Moyen-Orient, comme ils y ont réussi en Syrie. Dans cette perspective, il leur est indispensable d'entretenir des relations convenables avec l'Arabie saoudite, alors qu'ils ne sont pas traditionnellement alliés. Riyad, avec sa longue habitude d'acheter ses ennemis, trouve également un intérêt à un tel rapprochement, qui sert sa tentative, vaine néanmoins à ce jour, de freiner le soutien de la Russie à l'Iran. Vous l'avez mentionné, l'Arabie saoudite représente effectivement le premier contributeur au G5 Sahel, dont elle soutient l'action anti-islamiste. La diplomatie française, fort active en matière d'antiterrorisme, n'est pas étrangère à cet engagement, en contrepartie duquel l'Arabie saoudite a exigé que la coalition islamique antiterroriste créée par ses soins participe aux actions menées au Sahel.

Je récuse, monsieur Vallini, le terme de « blocus » s'agissant de la situation du Qatar : en réalité le pays peut tout autant importer des produits qu'exporter son gaz, y compris vers les Émirats. Le terme juste serait donc plutôt celui d'« embargo ».

Pour répondre à M. Guerriau, si, bien évidemment, l'importation massive d'armes peut constituer un danger, il apparaît toujours fort délicat de distinguer les armes offensives des armes défensives, comme de connaître avec certitude l'emploi qu'il est prévu d'en faire. En outre, l'armement me semble inévitable dans une région parcourue de fortes tensions. Quoi qu'il en soit, il ne fait guère de doute que les performances saoudiennes au Yémen ne sont guère probantes. Je ne crois guère, pour ma part, à une tentative d'obtention de l'arme nucléaire via le Pakistan : les Saoudiens sont conscients, comme d'ailleurs s'agissant des sous-marins, de ne pas disposer des moyens humains et techniques correspondant à une telle ambition. Tout au plus pourraient-ils imaginer se doter du nucléaire civil.

Il m'est difficile de juger, monsieur Bockel, la pertinence de ce que vous avez nommé le « pari français » à l'égard du prince héritier saoudien. Je puis néanmoins vous indiquer que Mohammed ben Salmane, à défaut de bien connaître la France, l'apprécie au point d'y passer fréquemment des vacances. Il est, à cet égard, représentatif des Saoudiens de sa génération, qui ont globalement une excellente image de notre pays. Il devrait, sauf accident, diriger l'Arabie saoudite pendant de très nombreuses années : il faudra donc compter avec cet animal politique à la pensée très structurée, bien loin du « chien fou » décrit par certains médias, parfaitement capable de s'inscrire dans le cadre très normé des relations internationales.

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