Intervention de Stéphane Lacroix

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 31 janvier 2018 à 9h35
Audition conjointe sur « l'arabie saoudite dans son environnement régional »

Stéphane Lacroix, professeur associé à Sciences Po :

En datant l'extrémisme religieux de l'année 1979 dans une intervention fameuse, Mohammed ben Salmane fait référence à la révolution iranienne tout en laissant entendre que l'Arabie saoudite n'était nullement, avant cette date, confrontée à une telle dérive : les religieux politisés seraient seuls responsables du conservatisme du pays. La notion d'extrémisme a d'ailleurs pour les autorités saoudiennes de multiples occurrences : s'y rattachent même, comme pour le pouvoir égyptien, les défenseurs des droits de l'homme. Cette rhétorique absout le clergé officiel de l'accusation d'extrémisme : l'Arabie saoudite aurait été religieusement modérée avant 1979 s'agissant par exemple de la place des femmes ou de la culture populaire. Il est pourtant évident que le clergé saoudien a, de tous temps, été conservateur, il n'est que de se souvenir des fatwas wahhabites prononcées au XIXème siècle et dans la première moitié du XXème siècle. L'objectif du prince héritier est de renforcer l'alliance entre le pouvoir et le clergé officiel, en rejetant la faute sur les religieux politisés.

Il est toutefois difficile, madame Jourda, de prédire l'avenir à l'heure où, parmi les élites religieuses, économiques et politiques, prévalent, face aux récentes purges, la sidération et la peur, qui limitent évidemment l'expression des opinions. Si les réactions des hommes d'affaires et du clergé sont encore limitées, ils finiront par se réorganiser et, probablement, par tenter de prendre leur revanche afin de récupérer à la fois leur argent et leur pouvoir. Il existe donc, à terme, un risque évident de déstabilisation pour le pouvoir.

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