Intervention de Fatiha Dazi-Héni

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 31 janvier 2018 à 9h35
Audition conjointe sur « l'arabie saoudite dans son environnement régional »

Fatiha Dazi-Héni, responsable du programme « Politiques de sécurité et de défense des monarchies de la Péninsule arabique » à l'Irsem :

Mohammed ben Salmane est un prince ambitieux, dont les réformes n'ont d'autre objectif que de l'inscrire dans l'histoire, à l'instar de son grand-père, fondateur de l'État saoudien. Il désire être l'homme de la nation saoudienne moderne. Bien que radicale, sa stratégie est calculée, précise et méthodique : en s'en prenant à la fois aux hommes d'affaires, aux princes et aux activistes pacifiques, il cherche à brouiller les réseaux constitués depuis plus de soixante ans pour créer un nouvel environnement politique et économique. À cet égard, les termes, très durs, employés dans une interview donnée à The Economist en janvier 2016 sont parlants : le prince héritier considère que de trop nombreux hommes d'affaires se sont enrichis au détriment de l'État. Il annonce vouloir mieux partager les richesses et installer une gouvernance plus transparente : la privatisation prochaine d'une partie de Saudi Aramco en constituera un intéressant test. Par ailleurs, se met progressivement en place une nouvelle juridiction, dont sont exclus les religieux. Je crois donc, pour ma part, que vont être mises en oeuvre des réformes structurelles profondes.

Le prince héritier n'hésite pas à délégitimer la famille royale comme instance institutionnelle clé pour se placer au centre du pouvoir, ce qui constitue une rupture dans l'équilibre des pouvoirs, qu'il accapare désormais intégralement (défense, forces spéciales renseignement, médias, etc.). Ses dépenses de communication sur les réseaux sociaux, destinées à promouvoir sa politique et à contrôler d'éventuelles contestations, sont considérables. Ses méthodes interrogent sur l'avenir d'une monarchie historiquement familiale et collégiale. Aujourd'hui, le roi Salmane représente une garantie de stabilité pour la population, la famille royale et le clergé, mais qu'en sera-t-il après sa disparition ? Si certains Saoudiens s'enthousiasment pour les changements promis par le projet sultanique, la sidération et l'incertitude priment toujours.

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