Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 1er février 2018 à 8h30
Institutions européennes — Programme de travail de la commission européenne pour 2018 : proposition de résolution européenne et avis politique de mm. jean bizet et simon sutour

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

Cet exercice annuel est un peu convenu, mais malgré tout essentiel.

La Commission européenne a souhaité intégrer dans son programme de travail dix initiatives s'inscrivant dans une réflexion plus large sur l'avenir de l'Union européenne à l'horizon de 2025. Elles répondent pour partie aux observations contenues dans le livre blanc publié en mars 2017 par la Commission sur l'avenir de l'Union européenne.

Ce document envisage différents scenarii pour l'Union européenne après la sortie du Royaume-Uni, prévue le 30 mars 2019. La Commission souhaite ainsi préparer sa contribution politique au Conseil européen qui se réunira à Sibiu, en Roumanie, en mai 2019 et qui sera consacré à l'avenir de l'Union européenne. Souhaitant utiliser le « potentiel inexploité » des traités, elle ne propose pas de modification de ceux-ci. Sa réflexion est concentrée sur trois axes, qui ne sont pas nouveaux : une Union plus démocratique, une Union plus unie, une Union plus forte.

S'agissant du premier thème, la Commission souhaite engager une réflexion sur les institutions. Elle entend notamment aborder la question des listes transnationales aux élections européennes. Je vous rappelle que nous avons adopté en mars 2016 une position unanime très réservée sur ce sujet, en jugeant notamment que le dispositif ne garantissait pas une meilleure visibilité au scrutin européen.

La Commission entend également poser la question de la fusion des postes de président de la Commission et de président du Conseil. Je crois me souvenir que c'est Michel Barnier qui a le premier émis cette idée. Dans son rapport sur la refondation, notre groupe de suivi a émis des objections sur ce point, ciblant notamment l'équilibre des institutions : la Commission européenne serait-elle absorbée par le Conseil européen ou, à l'inverse, celui-ci serait-il mis de côté par la Commission ? Il paraît plus opportun de réfléchir au renforcement de la légitimité du président du Conseil européen. M. Tusk est certainement très compétent, mais sa visibilité n'est pas extraordinaire...

Le rôle des parlements nationaux n'est pas évoqué par la Commission. Nous ne pouvons que rappeler notre position de principe en faveur d'un véritable droit d'initiative des parlements nationaux - le carton vert - et d'une meilleure représentation de ceux-ci à l'échelle de l'Union. Le groupe de suivi proposait une réunion permanente, une sorte de COSAC renforcée. C'est une piste à creuser. Ceux qui fréquentent cette structure savent que des informations s'y échangent et que des propositions s'y concrétisent au fil du temps.

Le débat prévu le 21 février en séance sur l'accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande et l'Australie montre qu'il est essentiel de revenir vers les parlements nationaux, sans quoi l'on crispera les peuples, et même on les révoltera.

La Commission européenne souhaite enfin aborder la question de la subsidiarité. Nous sommes également favorables à une amélioration de la procédure de contrôle, permettant de réviser les délais d'examen et d'étendre le contrôle aux actes délégués et d'exécution, sur lesquels M. Sutour avait le premier attiré notre attention. Un renforcement du « carton orange » pourrait également être envisagé.

Je ne puis d'ailleurs que me réjouir que la conférence des présidents ait confié à notre commission un travail systématique de veille pour détecter les éventuelles surtranspositions.

Une réflexion sur les institutions de l'Union économique et monétaire devrait également être engagée. La Commission a présenté une feuille de route insuffisamment précise en la matière. La création d'un poste de ministre des finances de la zone laisse songeur, faute de définition de ses contours. Par ailleurs, aucune allusion n'est faite au rôle des parlements nationaux dans le cadre de la conférence de l'article 13.

La Commission européenne souhaite également rendre l'Europe plus unie, annonçant en filigrane une relance de l'élargissement, après la pause décidée en 2014. Pour nous, celle-ci fait encore sens : il s'agit aujourd'hui avant tout de consolider les fondations avant d'agrandir la maison et de prendre en compte la fatigue à l'égard de l'élargissement au sein de l'opinion publique européenne. Une attention toute particulière doit cependant être portée au développement et à la stabilité des Balkans occidentaux. Nous devons veiller à ne pas désespérer un certain nombre d'États qui frappent à la porte de l'Union, notamment la Serbie et le Monténégro, à partir desquels des déstabilisations sont possibles.

La Commission propose enfin plusieurs actions couvrant différents domaines en vue de renforcer l'Union européenne. Nous suivrons particulièrement les négociations budgétaires : le futur cadre financier pluriannuel doit refléter une vraie ambition en matière de cohésion et garantir un budget stable à la politique agricole commune. Avec le départ du Royaume-Uni et les nouvelles politiques à mettre en place, 25 milliards d'euros sont à trouver, avec une participation des États membres qui restera limitée en pourcentage du RNB européen... Ce qui pose la question des ressources propres, sur la base d'un rapport Monti que j'ai toujours trouvé décevant - je ne dis pas que c'était facile.

La force de l'Union passe également, pour la Commission, par une amélioration de l'efficacité de la prise de décision. Elle présentera ainsi plusieurs communications mettant en avant l'utilisation des « clauses passerelles », qui permettent le passage du vote à l'unanimité au vote à la majorité qualifiée dans les domaines de l'énergie et des affaires étrangères. Il conviendra d'être vigilant sur leur utilisation dans ces deux domaines.

À l'inverse, la mise en oeuvre d'une « clause passerelle » dans le domaine de la fiscalité doit également faire figure de priorité si l'Union européenne entend agir efficacement contre les distorsions de concurrence en son sein. Une absence de progrès en la matière signerait une forme d'inertie de l'Union.

Vous retrouverez la plupart de ces observations dans la proposition de résolution européenne que nous vous soumettons. Elle sera doublée d'un avis politique, qui en reprend les termes mais sera directement adressé à la Commission européenne.

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