Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 1er février 2018 à 8h30
Institutions européennes — Initiative citoyenne européenne : proposition de résolution européenne et avis politique de mm. jean bizet et simon sutour

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

Notre seconde et principale objection tient à la fixation à seize ans de l'âge minimal pour pouvoir être signataire d'une ICE, qui constitue, par essence, un premier acte citoyen au niveau européen. La citoyenneté européenne a été introduite par le Traité de Maastricht, aux termes duquel les citoyens de l'Union disposent du « droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen, ainsi qu'aux élections municipales dans l'État membre où ils résident, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État ». L'abaissement de l'âge minimal pour être signataire d'une ICE conduit, de fait, à le distinguer, dans une très large majorité des États membres, de celui retenu pour voter aux élections européennes. En effet, aujourd'hui, seule l'Autriche a retenu l'âge de seize ans pour pouvoir participer au scrutin. En Allemagne, le droit de vote à seize ans a été introduit dans certains Länder pour les élections régionales et locales. Une telle option peut donc constituer une première atteinte à la définition par chaque État membre de la majorité électorale. Elle remet en cause l'équilibre trouvé dans les traités concernant l'articulation entre citoyenneté nationale et citoyenneté européenne. Il convient de rappeler que le Parlement européen est favorable à la fixation à seize ans de l'âge requis pour voter aux élections européennes, mais n'a toutefois pas retenu cette option dans une résolution adoptée en 2015 sur la réforme de la loi électorale. L'initiative de la Commission semble dans ces conditions peu pertinente.

Le choix d'abaisser l'âge minimal pour la signature d'une ICE apparaît d'autant plus étonnant que les jeunes européens ne considèrent pas cette procédure comme le moyen le plus efficace de participer à la vie de l'Union européenne. L'enquête Eurobaromètre sur la jeunesse européenne, commandée en 2016 par le Parlement européen, indique ainsi que seuls 17 % des jeunes européens âgés de seize à trente ans jugent que l'ICE constitue le « meilleur moyen de participer efficacement à la vie publique » au sein de l'Union européenne. Ils privilégient à 51 % le vote aux élections européennes. Il y a donc lieu de s'interroger sur l'opportunité d'une mesure destinée à accroître l'utilisation par les plus jeunes d'un dispositif qu'ils ne considèrent pas efficace.

Dans ces conditions, peut-on considérer que l'ICE rénovée garantira une meilleure association des citoyens à la procédure législative européenne ? Le dispositif peut, en effet, susciter un certain scepticisme à la lecture des intitulés des textes ayant donné lieu à une réponse de la Commission, qui relèvent plus de l'incantation que de la proposition législative. Selon le sondage Eurobaromètre, deux solutions apparaissent évidentes si l'on entend, comme la Commission le souhaite, oeuvrer pleinement au rapprochement entre citoyens européens et institutions de l'Union : utiliser le biais du Parlement européen et renforcer l'interaction avec les citoyens sur les projets législatifs en cours d'adoption. S'agissant du Parlement européen, la priorité réside dans le renforcement de sa légitimité démocratique. Une réforme de sa composition apparaît à ce titre indispensable, afin de mieux garantir sa représentativité en prenant mieux en compte le critère démographique. Il convient de rappeler que le suffrage d'un État membre à faible population est presque douze fois supérieur à celui d'un État membre très peuplé. En ce qui concerne l'association des citoyens au processus d'adoption des textes, des efforts ont déjà été accomplis depuis 2002.

Au-delà de ces deux axes, il apparaît indispensable de renforcer l'association des parlements nationaux, qui incarnent l'expression des citoyens des États membres, au processus législatif européen, en créant un véritable droit d'initiative ou « carton vert », qui leur confère la possibilité de proposer des actions à mener par l'Union européenne ou d'amender la législation existante. Dans cette perspective, notre commission a conclu au dépôt de la proposition de résolution européenne qui suit. Elle sera doublée d'un avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé directement à la Commission européenne.

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