Il faut bien distinguer le marché des feuillus et des résineux, qui sont très différents. S'agissant de la Chine, elle importe énormément de feuillus et de chênes français, notre patrimoine étant exceptionnel et reconnu en ce domaine. De nombreux pays ont déjà dilapidé le leur. Cela met une importante pression sur les scieries de feuillus, qui affirment d'ailleurs avoir des difficultés à s'approvisionner. Le Gouvernement a mis en place certaines mesures protectionnistes, notamment des agréments et labels UE pour les acheteurs de chênes français, afin que le bois subisse une première transformation en France avant d'être exporté. Ce dispositif a été instauré il y a deux ans, sous l'impulsion de l'ancien ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll, et fut très décrié par certains exportateurs qui préfèrent vendre au plus offrant. Des barrières ont aussi été mises en place pour le traitement des bois destinés à l'export. Or peu de nos ports sont équipés d'infrastructures -enceintes confinées- permettant d'effectuer ce type de traitements phytosanitaires. Ceci a d'ailleurs amené les exportateurs à faire transiter notre bois non par des ports français comme Le Havre mais par le port d'Anvers aux Pays-Bas. L'Office National des Forêts (ONF) a mis en place une formule de contractualisation afin d'approvisionner les scieries mais je constate qu'elle est peu utilisée dans le secteur des feuillus. Certains autres pays européens ont mis en place des mesures protectionnistes plus fortes encore pour protéger leurs ressources. J'avais interrogé le ministre sur l'éventualité d'instaurer de telles mesures en France mais il m'a répondu que ce n'était pas envisageable car contraire aux règles européennes. La plupart du bois qui est acheté par les Chinois nous revient sous forme de meubles d'où le déficit de notre balance commerciale de 6 milliards d'euros sur l'industrie du bois et de l'ameublement. En France, nous avons perdu beaucoup de petites entreprises de transformation. Par exemple, il n'y a plus qu'une ou deux scieries de hêtre. Il est regrettable que les investissements dans cette filière soient principalement étrangers. Bien que la France compte encore quelques grandes scieries comme celle de Monnet-Sève et Sougy, nombre d'entre elles sont en difficulté. Nos entrepreneurs de la filière bois manquent sans doute d'esprit d'innovation et attendent trop du Gouvernement, notamment en termes de régulation protectionniste. Ils sont encore trop arc-boutés sur la ressource en chêne alors qu'elle se raréfie et que la ressource en hêtre est abondante et demeure encore trop sous-valorisée. J'espère que le Programme national de la forêt et du bois 2016-2026, qui a pour priorité l'innovation et l'investissement, amènera les industriels du bois à se repositionner et à s'engager davantage dans la R&D car ils risquent de se faire doubler par les Suisses et les Allemands, beaucoup plus offensifs.