Intervention de Gérard Poadja

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 7 février 2018 à 9h40
Projet de loi organique relatif à l'organisation de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la nouvelle-calédonie — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Gérard PoadjaGérard Poadja :

Je vous remercie d'accepter ma présence parmi vous.

La consultation référendaire sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie trouve son origine dans l'article 77 de la Constitution, aux termes duquel la loi organique détermine les conditions dans lesquelles les populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie seront amenées à se prononcer sur l'accession à la pleine souveraineté.

Cette consultation constitue pour le peuple calédonien, peuple souverain sur son avenir, un rendez-vous déterminant, trente ans après que les accords de Matignon, symbolisés par la poignée de main entre Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, ont ramené la paix en Nouvelle-Calédonie.

Fixée au mois de novembre 2018 au plus tard, la consultation référendaire est naturellement aujourd'hui au coeur des préoccupations des Calédoniens. Elle a, le 2 novembre 2017, été au centre des discussions du XVIe comité des signataires de l'Accord de Nouméa réuni à Matignon, sous la présidence du Premier ministre.

Après plus de dix heures de discussions, un consensus politique majeur a été trouvé entre les partenaires politiques et l'État. Il avait un objectif essentiel : garantir la légitimité et la sincérité du résultat du scrutin, ce qui nous imposait avant tout de procéder à l'inscription d'office sur les listes électorales générales et référendaires de tous les natifs, qu'ils soient kanaks ou non.

Rappelons que, pour qu'une personne puisse être inscrite sur la liste référendaire, où figurent déjà l169 000 électeurs, son inscription sur la liste électorale générale constitue un préalable obligatoire. Or, à ce jour, 7 000 Kanaks de statut coutumier et 3 900 non-Kanaks nés en Nouvelle-Calédonie ne sont pas inscrits sur cette liste générale.

C'est pourquoi Pierre Frogier et moi-même défendons, depuis plus d'un an, avec les députés Philippe Gomès et Philippe Dunoyer, auprès des partenaires politiques locaux et de l'État, la nécessité de procéder à l'inscription d'office de ces quelque 11 000 natifs du pays sur les listes électorales. Nous soutenons cette proposition face à certaines revendications indépendantistes radicales selon lesquelles seuls les Kanaks non-inscrits sur la liste générale devaient être inscrits d'office.

Or cette revendication ne répondait ni juridiquement ni politiquement au cadre constitutionnel au sein duquel la Nouvelle-Calédonie s'épanouit : ni juridiquement, parce qu'une inscription liée à des caractéristiques ethniques ne peut avoir sa place au sein de notre République ; ni politiquement, parce que le préambule de l'Accord de Nouméa nous rappelle que « les communautés qui vivent sur le territoire ont acquis par leur participation à l'édification de la Nouvelle-Calédonie une légitimité à y vivre et à continuer de contribuer à son développement ». Ainsi, le consensus politique qui a été trouvé, dont bénéficient tous les Calédoniens, quelle que soit leur origine ethnique, se traduit dans le projet de loi organique au travers de deux propositions : l'une visant la mise en place d'une procédure exceptionnelle d'inscription d'office sur la liste générale, l'autre la création d'un cas supplémentaire d'inscription d'office sur la liste électorale référendaire.

Garantir la légitimité et la sincérité des résultats de la consultation imposait, en outre, de favoriser le vote personnel des électeurs.

Or, en Nouvelle-Calédonie, plus de 2 500 Loyaltiens originaires des îles résident sur la Grande Terre, tout en étant inscrits sur les listes électorales de leur commune d'origine. Cette situation implique à chaque élection un recours massif aux votes par procuration dans les îles, qui peut atteindre plus de 30 % des suffrages. C'est pourquoi les partenaires de l'Accord ont convenu de la nécessité de mettre en place des bureaux de vote délocalisés à Nouméa pour les électeurs des communes de Lifou, Maré, Ouvéa, de l'île des Pins et de Bélep.

Garantir la légitimité et la sincérité des résultats du scrutin implique aussi un encadrement du recours au vote par procuration, comme le Congrès de la Nouvelle-Calédonie en a émis le souhait dans son avis du 23 novembre 2017.

Lors de sa visite en Nouvelle-Calédonie, le Premier ministre, à l'occasion de son discours devant les élus du Congrès le 5 décembre dernier, avait relevé que la modification concernant le régime général des procurations n'avait pu être intégrée à ce stade, mais que ce n'était pas irrémédiable et qu'il appartiendrait au Parlement de prendre en compte cette demande. C'est pourquoi je vous propose un amendement conforme à l'avis du Conseil d'État et à la volonté unanimement exprimée par les responsables politiques de la Nouvelle-Calédonie.

Enfin, considérant l'enjeu de la consultation et la représentativité du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, il est proposé de modifier la loi organique statutaire afin de prévoir que le décret de convocation des électeurs sera pris après consultation du Congrès et non du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Le Congrès de Nouvelle-Calédonie, dans son avis du 23 novembre 2017, a estimé nécessaire que son avis soit recueilli sur tout décret relatif à la consultation.

La Nouvelle-Calédonie va, pour la seconde fois en trente et un ans, devoir se prononcer par consultation référendaire quant à son avenir au sein ou en dehors de la République française. Si elle n'était pas bien préparée, cette consultation cruciale pourrait provoquer des tensions ethniques et politiques. En contribuant à rendre le résultat incontestable, les dispositions de ce projet de loi organique sont de nature à favoriser une consultation référendaire apaisée.

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