Cela fait dix ans que je siège à cette commission, et c'est la première fois qu'un rapport est applaudi, non pas parce qu'il est émouvant, mais parce qu'il dresse un diagnostic quasi scientifique. Vous avez bien fait de dire que nous disposions déjà de tous les outils pénaux et que le discernement était variable en fonction des individus.
Je salue vos propositions, qui ont le mérite de présenter des débuts de solution. La proposition n° 3 est excellente. N'est-il néanmoins pas curieux que nous soyons beaucoup plus sensibles aux conséquences d'une infraction sexuelle qu'à celles d'autres infractions qui peuvent entraîner des incapacités permanentes ? La sexualité est entourée d'interdits moraux, sociaux et religieux. Cet environnement ne facilite pas le traitement des séquelles de ces infractions. Il est donc essentiel de donner suite à la proposition n° 3.
Vous voulez favoriser la prise en compte de la parole des victimes le plus tôt possible. C'est fondamental, car la parole libère.
À juste titre, vous donnez une part importante aux professionnels. L'entourage n'est pas le mieux adapté pour traiter des séquelles de ce genre d'infractions.
Comme vous le dites, il est fondamental de disjoindre la prise en charge des victimes d'infractions sexuelles du procès pénal, à moins que l'on considère que la sanction pénale participe de la reconstruction de la victime. Dans ce cas, il faudra modifier en profondeur le code de procédure pénale.
Sur la prescription, je suis assez prudent : les faits sont établis le plus souvent par témoignage. Avec le temps, ils se fragilisent. Au bout de 20 ou 30 ans, il est difficile d'apporter la preuve. La victime peut connaître un nouveau traumatisme lorsque le juge dira que le coupable ne l'est pas, faute de preuve. Mais le coupable blanchi ne pourra pas non plus prouver avec certitude son innocence. Il faut manier avec précaution la durée de la prescription.
Pourquoi la victime ne peut-elle pas faire appel des dispositions pénales d'une décision ? Si l'on allait jusque-là, cela impliquerait que nous estimons que la sanction judiciaire participe du traitement.
Avec la prescription à 30 ans, un adolescent de 16 ans pourra être jugé après l'âge de 50 ans, devant la cour d'assise des mineurs. Les difficultés sont considérables.
Je vous remercie pour votre approche sereine : les membres de cette commission pourront avoir un débat très éclairé.