Intervention de Emmanuelle Assouan

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 7 février 2018 à 9h35
Les risques et enjeux liés à l'essor des monnaies virtuelles — Audition

Emmanuelle Assouan, directrice des systèmes de paiement et des infrastructures de marché à la Banque de France :

Je parlerai de crypto-actifs et non de monnaie virtuelle car ces actifs, bitcoin ou ether, ne sont pas de la monnaie. Ils ne remplissent pas ses trois fonctions : unité de compte ; intermédiaire d'échanges ; réserve de valeur. Ce ne sont pas non plus des moyens de paiement. C'est pourquoi l'appellation de monnaie virtuelle, insidieuse, a vocation à être écartée au profit du terme de crypto-actifs.

Ceux-ci sont porteurs de nombreux risques pour leurs utilisateurs. Le premier est le risque spéculatif : ces investissements à haut risque peuvent engendrer très rapidement des pertes importantes. Les processus d'émissions favorisent la spéculation. La rareté crée une bulle en cas de forte demande. Il a fallu huit ans au bitcoin pour atteindre 1 000 dollars, deux mois pour passer de 6 000 dollars à 19 000 dollars et quelques jours pour chuter de 20 000 dollars à 6 000 dollars, le cours actuel. Cette volatilité excessive bat tous les records en étant de l'ordre de 90 % à trente jours, alors que celle du SNP 500 et de l'once d'or s'élèvent respectivement à 13 % et 15 % depuis 2010.

Les crypto-actifs, à cause de l'anonymat sur lesquels ils sont fondés, favorisent le financement d'activités criminelles telles que le blanchiment et le contournement des règles de lutte contre le financement du terrorisme.

Il existe également des cyber-risques. Les crypto-actifs n'offrent aucune sécurité en termes de détention. Très récemment, au Japon, plus de 500 millions de dollars d'actifs ont été détournés. Ce n'est pas la première fois. La sécurité physique de ces avoirs n'est pas totalement assurée.

Enfin, il existe un risque sociétal non négligeable, environnemental. La simple validation d'une transaction pour un crypto-actif tel que le bitcoin nécessite 215 kW/h, soit six mois de consommation d'un ordinateur fixe.

À ce stade, les conséquences matérielles en matière de risque systémique et de politique monétaire sont très négligeables, compte tenu de la volumétrie de la valorisation de l'ensemble des encours de ces 1 300 crypto-actifs. Leur valorisation est comprise entre 300 milliards de dollars et 400 milliards de dollars quand la masse monétaire de la zone euro est de 7 500 milliards d'euros et l'ensemble des masses monétaires de l'ensemble des pays du monde s'élève à 70 000 milliards de dollars.

La Banque de France et l'ACPR mènent des actions. Nous avons également une lettre de mission pour porter ce sujet au G20 et encourager une réflexion commune. Le ministre des Finances va saisir ses homologues du G20 avec le gouverneur de la Banque de France. Il faudra également se pencher sur l'impact potentiel des crypto-actifs sur la stabilité financière et sur la nécessité de construire un corpus commun pour protéger les investisseurs non professionnels et lutter contre le blanchiment.

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