Vous savez que je n'exerce plus de responsabilité administrative, et c'est donc en me fondant sur mon expérience que je vous répondrai ; celle que m'ont donnée mes fonctions chez Renault, au Commissariat général à l'investissement mais aussi, en un temps plus lointain, celles de directeur de cabinet du ministre de l'Industrie. J'ai également eu la chance de présider une société industrielle britannique, AstraZeneca, une société suédoise, Volvo, d'être membre du conseil d'administration d'une société néerlandaise, Philips et d'une société allemande, Bosch, ce qui me donne une vision qui va un peu au-delà de nos frontières.
Je n'en crois pas moins à l'importance de la nationalité des entreprises. Car s'il est quelques entreprises binationales, comme Airbus ou Renault-Nissan, il reste que toute entreprise a une nationalité, et que cette nationalité compte au plus haut point dans les processus de décision de même que dans la localisation des centres de décision et de recherche. Et cela est crucial.
C'est sur le slogan du Commissariat général à l'investissement que je fonderai mon propos : « Excellence, innovation, coopération. » S'agissant de cette dernière exigence, notre industrie souffre de faiblesses majeures, j'y reviendrai.
L'excellence est l'affaire des entrepreneurs eux-mêmes. Vous avez évoqué l'État stratège : je crois que la stratégie ne s'impose pas de l'extérieur, elle est la stratégie de nos entreprises et dépend beaucoup de leur appétit de croissance, de leur appétit d'exportation mais aussi de leur attachement au territoire national. Or, si l'on compare la France à son voisin allemand, que l'on prend souvent pour référence, ces appétits, comme cet attachement, paraissent différents. Voyez le cas de l'entreprise Bosch, premier équipementier mondial. Comme toute grande entreprise, elle possède des lieux de fabrication dans le monde entier, mais elle s'est donné pour principe que sa croissance dans le monde ne doit pas affecter ses effectifs en Allemagne ni mettre en cause le fait que le coeur de sa recherche doit rester sur le territoire. Tel est le cas de beaucoup d'entreprises allemandes, et depuis longtemps. Alors que Renault fabrique hors de France depuis 1914, Mercedes n'a commencé à le faire qu'en 1980, soit 75 ans plus tard. Cet attachement au territoire est une force chez certains de nos concurrents.
Nous avons, en France, d'excellentes entreprises, tant en terme de qualité que de coûts et de délais. Cependant, l'excellence ne tient pas seulement aux faits, mais également à l'image. Or, notre industrie ne bénéficie d'un avantage d'image que dans bien peu de domaines, le luxe et l'agro-alimentaire. Et l'image est souvent beaucoup plus longue à construire que les progrès réels. Ainsi, dans l'automobile, l'image de l'Allemagne lui donne un avantage de l'ordre de 10 % ; dans l'horlogerie, l'image de la Suisse est ce qui lui a permis de venir à bout de tous ses compétiteurs.
Au-delà de l'image, compte aussi la volonté de croître et d'exporter. Comment comprendre, sinon, que notre industrie agro-alimentaire, en dépit de son avantage d'image, exporte moins que l'Allemagne, et même que les Pays-Bas qui n'ont pourtant ni image, ni territoire comparable au nôtre ? Leur industrie alimentaire est parfaitement structurée : c'est ce qui fait la différence.
Voilà qui m'amène au rôle que peut jouer l'État. Je pense que n'intervenir qu'une fois que les difficultés ont surgi fait beaucoup perdre en efficacité. Cela vaut pour l'industrie comme pour la santé : une intervention tardive coûte plus cher et marche moins bien. Or, l'État a toujours consacré plus d'énergie aux entreprises malades qu'à celles qui sont en bonne santé. Non pas que je considère qu'il ne faille pas se pencher sur les entreprises qui vont mal - je n'oublie pas que Renault, en son temps, a été sauvée par une intervention de l'État, entre 1984 et 1987, et que la France se porte mieux que si l'entreprise avait disparu. Soit dit en passant, ce que la France a fait alors pour Renault, elle n'aurait plus aujourd'hui le droit de le faire. À l'époque, alors que nos concurrents considéraient avoir un droit acquis à sa mort, nous nous sommes battus pour que l'Europe accepte un plan de sauvetage qui n'aurait pas aujourd'hui, j'en suis convaincu, son aval.
Mais l'État peut aussi intervenir en faveur de l'excellence, par son action sur le cadre général, l'attractivité du pays - qui emporte aussi un effet d'image.
En matière de coût de la main-d'oeuvre industrielle, nous avons désormais dépassé l'Allemagne en compétitivité. C'est bien. En matière fiscale, on peut espérer une harmonisation de l'impôt sur les sociétés, des règles touchant au salaire minimum. Cela vaut la peine que l'on s'y attache, car l'Europe est un espace suffisamment grand pour que cette harmonisation produise ses effets. Et cela me paraît une condition de survie. Pour le développement de notre industrie, c'est une condition non pas suffisante, mais nécessaire. Indépendamment du rôle central que jouent, comme je l'ai dit, les entreprises, comptent aussi les infrastructures - les nôtres sont parmi les meilleures du monde -, le cadre juridique - notre droit écrit nous donne un avantage sur des pays où le droit se fonde essentiellement sur la jurisprudence, et toute entreprise qui a été engagée dans un procès aux États-Unis le sait -, le système administratif - on peut considérer que le nôtre est meilleur que celui qui existe dans beaucoup de pays - et l'image, enfin. Sous ce dernier angle, j'avoue que le basculement récent est impressionnant. Nous verrons quels en seront les effets concrets, mais le retournement qu'a provoqué, dans l'esprit des chefs d'entreprise à l'étranger, le thème du « La France est de retour » est manifeste.
J'en viens à la deuxième exigence que je mentionnais, l'innovation. La compétitivité industrielle française passe par l'innovation, sur laquelle l'État joue un rôle central, qui s'est largement exercé dans le Programme d'investissements d'avenir. Il s'agit, tout d'abord, d'aider au premier développement des entreprises - les célèbres start up. J'ai été frappé cependant, du temps où j'étais commissaire général à l'investissement, durant un peu plus de trois ans, de constater qu'avec la BPI - un des grands succès de la France en matière d'innovation - ce n'était plus tant l'argent qui manquait que les demandes d'argent, et cela quel que soit le stade de développement de l'entreprise. Autrement dit, le problème n'était pas une insuffisance de l'offre de capitaux, mais de la demande. Le fait est que nos entreprises hésitent à ouvrir leur capital. Quand une jeune entreprise innovante américaine n'hésitera pas, pour se développer, à le faire, une entreprise française privilégiera le souci de rester maître chez soi, et donc l'autofinancement, pourtant beaucoup trop lent en termes de croissance. Si bien qu'après un temps, la croissance s'essouffle et l'on est obligé de se vendre.
Cela dit, nous savons, en France, créer des start up - le campus de la Station F en est un exemple privé tout à fait remarquable et le soutien des institutions publiques revêt une grande importance. Nous pouvons compter sur des universités et surtout des centres de recherches extrêmement bien placés dans les classements mondiaux - je pense au CNRS (Centre national de la recherche scientifique), au CEA (Commissariat à l'énergie atomique) à l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), à l'Inria (Institut national de recherche en informatique et en automatique). Et nous portons le projet, majeur, de faire de Paris-Saclay une Silicon Valley en Europe. Les jeunes entreprises sont grégaires, elles veulent aller là où il y en a déjà beaucoup d'autres. Non seulement parce que comme dans un restaurant, on s'inquiète un peu quand on voit les lieux vides, mais aussi parce qu'elles se nourrissent de dialogue. L'enjeu majeur de l'innovation tient donc à la réussite de ce projet - ce qui n'exclut pas les autres pôles, comme Toulouse, Bordeaux, Lyon ou Nice, où il se fait des choses tout à fait remarquables.
On a beaucoup critiqué le crédit impôt recherche (CIR) qui a, pour moi, un effet très positif, soit pour susciter l'innovation des PME, soit pour inciter les grandes entreprises à localiser leurs centres de recherche en France. Grâce à lui, il est moins coûteux de localiser un centre d'innovation en France qu'en aucun autre pays de l'OCDE - j'exclus la Chine et l'Inde, où la propriété industrielle n'existe pas.
Cet instrument miraculeux sera d'autant plus efficace que les entreprises seront convaincues de sa pérennité. Chaque fois que la Cour des comptes ou tel autre propose de le remettre en cause, son efficacité, à coût constant, diminue, parce que les entreprises qui planifient leur recherche sur cinq ou dix ans se disent que la loi pourrait bien être abrogée, et ne le prennent plus en compte dans leurs choix. Je tenais à le souligner devant le Sénat.
J'en arrive, à présent, à mon troisième point, relatif à la coopération. L'absence de coopération entre acteurs est une faiblesse majeure de la France, qui, malgré de très bonnes entreprises, de très bons managers, une très bonne recherche, une très bonne capacité d'innovation fait figure, en ce domaine, de très mauvais élève. Ainsi, alors que nous sommes le pays d'Europe où l'on crée le plus d'entreprises, notre rang, en ce qui concerne les entreprises exportatrices, est désolant. Elles sont quelque 100 000 en France, contre 300 000 à 400 000 en Allemagne, mais surtout 200 000 en Italie, alors que seul le Nord de ce pays est industriel. Autrement dit, un pays deux fois plus puissant que cette moitié nord a deux fois moins d'entreprises exportatrices. Sans compter que l'Italie n'a pas, à la différence de l'Allemagne, l'avantage d'image que j'évoquais.
Comment expliquer cette situation ? Je crois qu'elle tient à un défaut de coopération, dont je veux rappeler ici toutes les composantes.
Défaut de coopération entre les entreprises et les pouvoirs publics, d'abord. Si l'on compare le rôle de la Fédération des industries allemandes et celui du Medef, on constate que dans un cas, l'attitude de coopération prévaut, quand dans l'autre, la revendication politique prédomine avec cette conséquence que le dialogue est jugé compromettant par les représentants des entreprises, et assimilé à une sorte d'épreuve par les autorités publiques. À Bruxelles, j'ai toujours été frappé de constater que le représentant du gouvernement et de l'automobile allemands arrivaient la main dans la main, et qu'il eût été impossible de glisser une feuille de papier à cigarette entre leurs positions. En France, on en est loin, et le problème n'est pas seulement de gouvernance, l'attitude des entreprises dans leur dialogue avec le gouvernement n'y est pas pour rien. Il est vrai que l'on enregistre quelques signes positifs - on a rénové le Conseil national de l'industrie, les fédérations se sont rapprochées du Cercle de l'industrie. Il reste qu'une coopération confiante entre le gouvernement et les acteurs est essentielle dans un monde où le système français se trouve en concurrence avec d'autres systèmes. Si les acteurs de ce système se déchirent entre eux sous l'oeil attendri de leurs concurrents, il est clair que ce système sera moins bon dans la compétition internationale.
La coopération doit également se nouer entre universités, centres de recherche et entreprises. C'est aussi l'une des missions majeures du Programme d'investissements d'avenir. Nous avons une recherche publique de très bon niveau, une recherche industrielle qui n'est ni pire ni meilleure que d'autres, mais leur coopération n'est pas ce qu'elle devrait être. Un certain nombre d'actions ont été engagées, mais il faut aller plus loin.
Ce qui m'amène, monsieur le rapporteur, à votre question concernant notre système de formation initiale et continue. En matière de formation initiale, nos coûts ne sont pas pires qu'ailleurs, la qualité de nos managers est reconnue dans le monde entier - et depuis qu'ils parlent anglais, ils sont très demandés dans le monde. En matière de formation continue, en revanche, si le système mis en place, en son temps, par Jacques Delors sous l'autorité de Jacques Chaban-Delmas reposait sur le principe, positif, qu'elle devait s'appuyer sur un accord entre patronat et syndicat, il n'a pas été mis, dans les faits, au service de l'efficacité économique. Si bien que la formation continue est loin d'être au coeur de la stratégie des entreprises. On en annonce une réforme : je pense qu'elle est, en effet, nécessaire. Si les entreprises ont du mal à recruter dans certains cas, cela tient pour partie au fait que les formations de réadaptation ne sont ni suffisamment mises en avant, ni suffisamment attractives.
La coopération entre entreprises, enfin, est elle aussi insuffisante, et c'est probablement le plus grave. En Allemagne, au Japon, en Italie, il existe en premier lieu des coopérations au sein de filières parfaitement structurées, ce qui n'est pas le cas en France. Pour reprendre l'exemple de l'automobile, en France, on trouve d'un côté le Comité des constructeurs français d'automobiles et, pour les équipementiers, la Fédération des industries des équipements pour véhicules (FIEV), quand en Allemagne, il existe une structure unique, dont le rôle, la puissance et l'efficacité sont sans commune mesure. Il n'y a qu'une filière qui fait exception, mais c'est parce que le donneur d'ordre est unique et qu'il est franco-allemand, c'est la filière aéronautique. Certes, on relève quelques signes de progrès dans l'automobile, puisque l'on a créé une plateforme, mais qui reste modeste dans ses ambitions et bridée par la concurrence entre les deux constructeurs français. J'ai également évoqué l'Italie : les entreprises d'un même secteur, concurrentes entre elles sur le marché domestique, sont solidaires entre elles dès qu'elles sont à l'extérieur. Une telle entente n'existe pas en France.
Le programme d'investissements d'avenir, en introduisant ce terme de coopération dans ses objectifs, en a fait une condition pour l'aide aux entreprises. Alors que l'approche française traditionnelle veut que l'on aide une entreprise en lui demandant simplement d'associer ses sous-traitants, le Commissariat général à l'investissement a voulu faire en sorte que les bénéficiaires de l'aide soient tant les sous-traitants que l'entreprise principale. Il s'agit de faire en sorte que les sous-traitants soient associés à l'innovation. Nous avons également créé des institutions, comme les instituts de recherche technologique ou les instituts pour la transition énergétique pour forcer les entreprises à travailler ensemble. Comme en matière de pédagogie, il faut pousser à la roue lorsque l'idée de vient pas spontanément...
Vous m'interrogez, monsieur le rapporteur, sur nos outils défensifs. Juridiquement, le monde change, et l'idée d'une « Europe qui protège », qui paraissait presque obscène il y a quelque temps, revient. Les Français, sur ce point, étaient alors sans doute les plus offensifs dans le discours, mais pas les plus efficaces dans la réalité. Nous avions une attitude ambivalente, ne sachant pas si la priorité était d'attirer les capitaux ou de défendre notre industrie, si bien qu'aucune de ces deux priorités contradictoires ne pouvait être bien assurée. Notre problème tenait aussi à l'absence, critique, d'un réseau de coopération, mieux à même de décourager les prédateurs que le « chacun pour soi ». Je crois donc que le décret Montebourg était bienvenu. Il est envisagé de le renforcer dans d'autres secteurs, fort bien. Je pense, comme je l'ai dit, que la nationalité d'une entreprise est importante. Nos concurrents, l'Allemagne, les États-Unis, l'Italie, n'hésitent pas à assurer, de façon formelle ou informelle, une telle protection.
L'actionnaire est roi ; mais dans le système suédois, par exemple, on sait dissocier le pouvoir de la propriété. Dans les sociétés suédoises, certaines actions représentent dix droits de vote, voire mille dans quelques grandes sociétés. Dans le système américain, il existe des classes d'actions différentes qui permettent, de même, une dissociation. Ce n'est pas indifférent, car des actionnaires de court terme peuvent avoir pour seul objectif un rendement de l'action chaque année croissant, sans que soit pris en considération l'avenir à long terme de l'entreprise. En France, on a développé le droit de vote double pour les actionnaires de long terme. C'est déjà quelque chose, mais cela reste beaucoup moins puissant que ce qui existe ailleurs, d'autant que les mécanismes de gouvernance entrepreneuriale renforcent le rôle des actionnaires quels qu'ils soient.
Qu'en est-il, dans ce contexte, de la participation de l'État. Il se trouve que j'ai dirigé une entreprise qui, à mon arrivée, était détenue à 100 % par l'État, dont la part, lorsque je l'ai quittée, n'était plus que de 15 %. J'ai été directeur de cabinet du ministre de l'Industrie dans la période qui a suivi les nationalisations. Je tiens à le dire, les nationalisations industrielles de 1982 ont été un succès, quand les nationalisations bancaires ont été un échec. Cette réussite tient au fait que le choix des dirigeants n'a pas été fondé sur des critères politiques : ils n'ont pas tous été remplacés comme cela a été le cas dans les banques et l'on a considéré que c'était un métier suffisamment difficile pour exiger des gens de qualité.
Je pense que l'État actionnaire majoritaire, avec des actionnaires minoritaires, est dans une situation fausse, parce que ceux-ci ont tous les droits d'actionnaire, si bien que l'État ne saurait avoir une politique autre qu'actionnariale. C'est pourquoi j'estime que les restructurations intervenues dans l'industrie entre 1982 et 1986 ont été bénéfiques.
Je pense que l'État actionnaire minoritaire est un point d'ancrage utile, sachant que les outils défensifs dont je parlais tout à l'heure sont limités. Le fait que l'État soit entré au capital de PSA à côté de chinois et de la famille comme actionnaire minoritaire apporte une stabilité absolument essentielle. Même chose pour l'État actionnaire à 15 % de Renault ; même chose pour Air France. L'État actionnaire minoritaire, dès lors qu'il est professionnel, qu'il détient une vision de long terme sans prétendre imposer une stratégie - ce qui a été le cas pour Renault - a un rôle à jouer. En tant qu'actionnaire, son métier n'est pas d'être stratège. Il lui appartient d'être stable, et de surveiller les choses, le cas échéant, en actionnaire qui pense au long terme.
Quel bilan, me demandez-vous ensuite, de l'action du Programme d'investissements d'avenir. Je précise que dans le troisième programme, ce qui est consacré aux entreprises représente les trois quarts de l'ensemble. L'objectif est soit de combler des besoins de financement non satisfaits, soit d'encourager des inflexions dont l'entreprise ne mesurait pas pleinement l'importance, comme le numérique ou la transition énergétique - un domaine où la France reste très en retard, si bien que l'on peut considérer que ce sont davantage les Chinois que les Français qui sont industriellement puissants. Certes, l'État peut mener de grands programmes, comme dans la Défense ou l'aéronautique, mais ailleurs, il ne vient qu'en second, et les quelques milliards du PIA ne suffisent pas seuls à produire l'inflexion.
Comment favoriser l'émergence de champions européens ? Vous avez évoqué Alstom-Siemens : il est vrai qu'il s'agit plus d'une absorption que d'une fusion. Vous avez évoqué les chantiers navals avec Fincantieri : je crois que l'opération était inéluctable, au même titre que le rapprochement entre Alstom et General Electric, en son temps. On n'avait alors plus le choix, comme la question de la sidérurgie s'est jouée, en France, avant qu'un Indien ne la rachète.
Créer des champions européens n'est pas facile quand les entreprises concernées sont des concurrents proches. Si l'on avait fusionné Renault et PSA, comme y appelaient certains, outre que cela aurait été un massacre social, le chiffre d'affaires n'aurait pas été une addition des deux, mais beaucoup moins, seul le taux de bénéfice aurait peut-être été meilleur. D'où ma circonspection. En Europe, nos entreprises sont sur les mêmes marchés, avec des produits souvent similaires, si bien que les problèmes d'équilibre sont délicats. J'ajoute, en rappelant l'importance qu'il faut attacher à la nationalité, qu'il n'existe pas de nationalité européenne pour les entreprises. À part le cas d'Airbus, où l'équilibre n'est d'ailleurs pas simple à tenir, je ne connais pas d'exemple de rapprochement entre égaux. Il y a toujours une entreprise qui domine l'autre. Dans le cas de Renault Nissan, j'ai parlé d'une alliance équilibrée, certes, mais cela signifiait que Renault contrôlait Nissan et avait, en retour, à être attentif aux intérêts de cette dernière.