Intervention de Annick Billon

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 7 février 2018 à 9h00
Proposition de loi visant à simplifier et mieux encadrer le régime d'ouverture des établissements privés hors contrat — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Annick BillonAnnick Billon, rapporteure :

La rédaction que je vous propose par mon amendement COM-2 rectifié pour l'article premier entraîne une profonde refonte du dispositif initial prévu par les auteurs de la proposition de loi.

Elle établit d'abord une distinction claire entre le demandeur et le directeur de l'école, en application du principe selon lequel la liberté de l'enseignement a valeur constitutionnelle et qu'à ce titre toute personne, pourvu qu'elle remplisse les conditions de nationalité et de moralité, peut ouvrir une école - elle ne peut cependant la diriger ou y enseigner que sous réserve de remplir les conditions de qualification et d'expérience particulières, présentées à l'article 3. Ensuite, la procédure spécifique auprès du maire est supprimée et un guichet unique est créé auprès des services de l'État, ce qui facilitera les démarches des demandeurs. Par ailleurs, dans un souci de cohérence, les motifs et délais d'opposition sont unifiés pour tous les acteurs. Enfin, une information de l'administration est rendue obligatoire en cas de changement d'identité du représentant légal de l'établissement et surtout de son directeur, afin d'éviter que des requérants aient recours, pour la seule phase d'ouverture, à des hommes de paille.

S'agissant du contenu de la déclaration, nous avons prévu de renvoyer sa définition à un décret pris en Conseil d'État. Ce choix a pu susciter l'incompréhension de certains, aussi souhaiterais-je vous en présenter les raisons. Il s'agit en premier lieu d'une question de droit : il ressort des articles 34 et 37 de la Constitution, ainsi que d'une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel que, lorsque le législateur a défini les conditions d'exercice d'une liberté publique, le pouvoir réglementaire est seul compétent pour déterminer la liste des pièces qui doivent être remises afin de vérifier que ces conditions sont remplies. La solution retenue offre deux garanties : l'avis conforme du Conseil d'État, protecteur des libertés ; le contrôle du juge administratif, qui peut annuler le décret pour excès de pouvoir s'il exigeait du déclarant qu'il fournisse des pièces dépourvues de lien avec les conditions fixées par le législateur. L'inscription du contenu de la déclaration dans la loi, outre qu'elle serait fastidieuse (il s'agit de photocopies de pièces d'identité, d'extraits de bulletin de casier judiciaire, de pièces diverses touchant aux associations, etc.) ne lui ôterait pas sa qualité réglementaire : le Gouvernement demeurerait compétent pour compléter et préciser cette liste - cette fois par un décret simple, sans l'avis du Conseil d'État. Enfin, il pourrait saisir le Conseil constitutionnel dans le cadre de la procédure de déclassement prévue à l'alinéa 2 de l'article 37 de la Constitution, ce qui lui permettrait de retrouver sa pleine compétence pour modifier ces pièces. Cette analyse a été transmise pour avis au président Bas, qui l'a validée. Mais, au-delà de sa qualité légistique, cette solution a eu ma préférence en raison de son caractère protecteur. J'entends néanmoins les réserves soulevées par certains amendements et je ne suis pas opposée à ce que le recours au pouvoir réglementaire soit encadré.

J'en viens aux autres amendements déposés à l'article premier, qui tomberaient si le mien était adopté. L'amendement COM-1 de M. Magner et de nos collègues socialistes vise à remplacer le régime de déclaration en vigueur par un régime d'autorisation préalable ; j'y suis évidemment défavorable. Malgré le silence du Conseil constitutionnel sur sa constitutionnalité, ce régime n'est pas sans risque juridique, d'autant que le renforcement du régime de déclaration me semble parfaitement suffire à répondre aux enjeux. Les amendements COM-9 et COM-10 de M. Carle ont trait au récépissé prévu dans le droit en vigueur et au point de départ des délais d'instruction. Je considère qu'ils sont satisfaits, puisque mon amendement supprime toute référence à un quelconque récépissé et prévoit que le droit commun des relations du public avec l'administration, qui n'existait pas à l'époque des lois Falloux et autres, s'appliquera désormais.

Les amendements COM-6 et COM-7 de M. Carle suppriment le renvoi à des décrets : j'ai expliqué les raisons de mon désaccord.

Enfin, l'amendement COM-8, toujours de M. Carle, supprime les références au projet pédagogique, aux programmes et aux horaires : ces pièces ne sont plus mentionnées dans la rédaction que je propose et ne devraient pas être demandées dans le décret en Conseil d'État. En revanche, son III prévoit d'encadrer ce décret. Je serai favorable à une modification de cet ordre, sous réserve d'une révision de la rédaction.

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