Intervention de Cédric Villani

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 8 février 2018 à 9h35
Présentation des conclusions relatives à l'Audition publique du 16 novembre 2017 sur « les algorithmes au service de l'action publique : le cas du portail admission post-bac »

Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office :

Notre travail sur la transition APB-Parcoursup montre l'intérêt qu'il y a, pour nous, à nous placer au coeur de l'actualité sur des sujets « chauds ».

À parler franchement, nous avons un peu forcé la main au ministère, qui aurait préféré une audition plus tardive. En outre, la représentante du ministère avait préparé le sujet de façon un peu légère, ce qui s'est traduit par une sorte de mise en minorité par les autres intervenants sur certains sujets. L'impression qui se dégageait de la table ronde était celle d'une réforme très importante mais insuffisamment instruite. De ce point de vue, l'audition a un peu réveillé le ministère.

Dans la foulée, j'ai publié une tribune largement inspirée de la table ronde et qui a eu un écho certain. Elle a contribué à influencer certains débats dans l'hémicycle, où elle a été citée aussi bien par la majorité que par l'opposition.

La conclusion la plus notable de la table ronde est que le naufrage d'APB ne tient pas tant à l'algorithme qu'à la façon dont il a été utilisé et dont le pouvoir politique s'est emparé de la question. C'est d'ailleurs un leitmotiv des auditions sur l'intelligence artificielle : les problèmes les plus délicats se rapportent à la gouvernance humaine.

Plus précisément, le pouvoir politique a été incapable d'anticiper le problème qui se poserait quand on demanderait à l'algorithme APB de résoudre un problème insoluble. Les programmeurs se sont retrouvés dans une impasse quand la montée des effectifs a rendu impossible une solution efficace d'affectation. C'est ainsi que le tirage au sort est arrivé.

Au-delà du malentendu entre l'équipe d'algorithmiciens et le ministère, les premiers demandant des instructions et le second étant incapable de faire les arbitrages nécessaires à temps, des défauts notables de mise en oeuvre ont faussé l'application de l'algorithme. En effet, par une interprétation très discutable de la loi, les formations, en particulier les universités, ont réussi à obtenir du ministère un arbitrage en leur faveur : la prise en compte dans l'algorithme de l'ordre des préférences exprimées par les étudiants. Il en est résulté une distorsion inacceptable qui a biaisé l'ensemble du système.

C'est ce défaut dans la chaîne des décisions, que j'ai découvert pendant l'audition, qui a perverti le système. Nous devrons être très vigilants à l'avenir sur la délimitation des responsabilités en amont.

La seconde partie de l'audition a porté notamment sur l'appariement des organes dans le cadre des greffes. Dans ce domaine, le système fonctionne remarquablement bien, avec une définition claire des responsabilités, qui ne sont pas diluées, et des expérimentations menées sur les bonnes durées.

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