Je suis évidemment sensible à l'instabilité de la loi. On en renvoie la responsabilité aux fonctionnaires. Ma longue expérience me conduit à relativiser cette affirmation. Il peut arriver qu'à un objectif premier, l'on ajoute des dispositions pour éviter un effet d'aubaine ou certaines pratiques. Les garde-fous et les précautions qui alourdissent la loi sont fondamentalement des choix politiques dont les contribuables sont les victimes.
Au sein de mon administration, en attrition de moyens, la formation professionnelle représente 5 à 6 % de la masse salariale. Elle est permanente, parce que la norme que nous sommes chargés d'appliquer est très instable. Nous ne nous complaisons pas dans la complexité !
Vous avez évoqué le recours hiérarchique. Dans toute grande entité humaine, il faut du contrôle qualité -le recours hiérarchique, le conciliateur départemental, le médiateur. Il existe toutes sortes de recours. Le contribuable dit : « Je veux un regard neuf sur ma situation. » C'est vrai, il peut y avoir des erreurs à corriger. Nous revendiquons le droit à l'erreur pour nous-mêmes parce que la législation est complexe.
Nous fournissons beaucoup d'efforts pour expliquer que le recours est un droit dont nous ne tirons aucune conclusion. Il n'y a pas de retour de flamme. Fondamentalement, l'institution ne fonctionne pas ainsi. Ce n'est pas notre mentalité. On pourrait penser que la hiérarchie n'a pas envie de désavouer sa base. C'est méconnaître le travail de juriste. Intellectuellement, un juriste veut non faire plaisir à son collègue, mais apporter sa contribution à un raisonnement. L'administration ne répugne pas à contredire ce qui a été décidé par une autorité locale quelconque. Nous appelons aussi l'attention des contribuables qui ont trop payé ou n'ont pas cherché à bénéficier d'un avantage auquel ils avaient droit. Notre fierté professionnelle est d'appliquer les textes du mieux possible. Je m'attache de temps en temps à regarder des dossiers individuels pour vérifier que le contrôle qualité a de l'effet.
Quant à l'opposabilité des contrôles, je rappelle que l'on n'a pas le droit de revenir sur un contrôle, c'est-à-dire sur une vérification générale portant sur une période déterminée, trois ou cinq ans. L'opposabilité est totale. En revanche, le contrôle d'exercices différents est possible et nul n'est tenu en droit par les décisions du vérificateur précédent. Mais, en pratique, la bonne foi est évidemment reconnue si le point qui fait l'objet de discussions a été examiné par le précédent.
Nous publierons davantage nos prises de position sur les rescrits, mais aussi sur les situations nouvelles auxquelles nous appliquons les textes. Nous donnerons notre interprétation de façon à ce qu'elle ait une notoriété si la situation se reproduit. Tout notre travail se fait sous le regard du juge, notre arbitre suprême. Nous prônons la transparence et nous nous mettons volontairement et par anticipation sous son contrôle. Sur les cas les plus complexes, le fin mot sera rendu tard par le juge. Nous pensons qu'il faut dire le droit plus rapidement. C'est ce dont ont besoin les opérateurs économiques.
Nous imaginons que la relation de confiance est du ressort de la loi. Le détail est encore à concevoir. Le succès de la relation de confiance, telle que nous l'avons expérimentée, est relatif. En plus de trois ans, 27 entreprises ont participé à cette opération que nous avions bruyamment fait connaître. Le bilan est contrasté pour cette opération de transparence volontaire des entreprises et de confiance dans l'administration.
Le dispositif a plutôt bien fonctionné, même si la transparence n'a pas été totalement au rendez-vous. Les entreprises se sont montrées sensibles à l'amélioration de la relation avec les fonctionnaires, mais l'ensemble a été très chronophage, presque plus qu'un contrôle fiscal classique. C'est paradoxal.
L'avantage a été pour les entreprises de jouir d'une forme de garantie, malheureusement souvent donnée après la clôture des comptes, en raison de la lourdeur des opérations. Ce n'était pas ce qui était prévu par le cahier des charges initial.
La relation de confiance était destinée aux entreprises faisant preuve d'un bon civisme fiscal, soit la très grande majorité des entreprises. Le choix n'a pas été simple. Consacrer beaucoup de temps et d'énergie à des entreprises civiques, et être par conséquent distraits du contrôle fiscal classique, pose question : alors que les moyens sont en diminution, quel arbitrage rend-on ? Nous avons finalement décidé de nous ramener les choses à une question de sécurité juridique et de nous concentrer sur ceux qui le méritaient le plus pour le développement économique de notre pays. Les très grandes entreprises ont des capacités d'analyse considérables ; elles emploient même parfois des anciens de la direction générale des finances publiques. Elles n'ont pas la même problématique que le chef d'entreprise qui a mille choses à faire. Nous avons estimé que l'accompagnement devait être le plus fort auprès des moyennes entreprises. On dit que la France manque d'entreprises de taille intermédiaire (ETI). C'est chez elles que l'on trouve les facteurs de la croissance, de l'emploi et du développement économique. Nous avons donc concentré nos forces sur les ETI, dans une attitude proactive de coconstruction d'une solution. C'est l'esprit du projet de loi.
Ce raisonnement nous est venu de notre pratique agrémentaire. En matière d'agrément fiscal, il est extrêmement fréquent que l'administration soit en interaction avec le demandeur. On l'aide à mieux concevoir son projet, on met en avant les conséquences de ses choix, dans un quasi-partenariat. Pour les entreprises en forte croissance, qui font de la recherche et du développement, qui sont le tissu économique de demain, cette démarche de rescrit dynamique, sur des points ciblés, est positive. Ce peut être une entreprise en croissance qui vient de racheter une entreprise déficitaire et doit intégrer ses pertes dans ses comptes, ou une entreprise qui fait des provisions pour conquérir un marché à l'étranger obéissant à des règles particulières. Ce ne sont pas des questions comptables, mais les dynamiques de la vraie vie des entreprises. La fiscalité ne doit pas entraver. Au moment du contrôle fiscal, il est trop tard. D'où la nécessité d'un accompagnement et le recentrage de la relation de confiance.
Les informations sont très facilement consultables en ligne.