Intervention de Bruno Parent

Commission spéciale Etat pour une société de confiance — Réunion du 7 février 2018 à 14h30
Audition de M. Bruno Parent directeur général des finances publiques

Bruno Parent, directeur général des finances publiques :

Madame la sénatrice, oui, on peut lutter contre les escroqueries et les spams et s'occuper de tout le reste, en progressant notamment sur la sécurité juridique et la relation de confiance. Nous faisons d'abord de la prévention : nous avons mis en ligne toute une série d'alertes - vous pouvez consulter les sites de l'administration pour vous en rendre compte.

Lorsque nous avons connaissance de ces agissements, nous sommes en contact avec la justice. Les investigations relèvent de la police judiciaire et nous sommes en symbiose avec les magistrats pour faire en sorte que les auteurs de ces escroqueries soient neutralisés. Je ne peux pas vous assurer que nous faisons des miracles et qu'une fois une chaîne démantelée, il ne s'en crée pas une autre... Nous avons néanmoins le sentiment d'être assez présents dans ce domaine.

J'évoquerai une chaîne d'escroquerie qui s'est développée au détriment des collectivités territoriales. La pratique consiste à faire en sorte, par une manipulation de coordonnées bancaires, que le montant d'une facture envoyée par un prestataire à une collectivité territoriale soit en réalité perçu par un escroc sur un compte bancaire à l'étranger. Ainsi, non seulement l'argent de la collectivité territoriale s'est envolé, mais son prestataire n'est toujours pas payé ! Nous avons fait un séminaire avec les magistrats et la police judiciaire sur cette pratique, qu'on appelle parfois « l'escroquerie au président ».

Nous sommes préoccupés par ces agissements, d'autant que, s'agissant des collectivités territoriales, ils sont en augmentation depuis cinq ans. Cette action n'est pas chronophage et n'entraîne pas d'effet d'éviction d'autres tâches, notamment s'agissant du droit à l'erreur ou de la relation de confiance.

En ce qui concerne les experts-comptables, ils ont, vous le savez, un rôle très important auprès de leurs clients. La tutelle de l'ordre des experts-comptables est assurée par la DGFIP, sous l'autorité de Bruno Le Maire. Nous sommes très proches de la profession dans maintes occasions - je pense par exemple à la mise en place du prélèvement à la source. Il n'y a pas de lien direct entre les experts-comptables, sur lesquels nous nous appuyons, et la problématique du droit à l'erreur, en tout cas dans la sphère fiscale. Dans ce domaine, le droit à l'erreur est acquis de longue date. Les experts-comptables ont leur rôle à jouer, tout comme les associations et centres de gestion agréés dans la tenue du système déclaratif. Vous le savez, le législateur a prévu que l'entreprise qui adhère à un de ces organismes bénéficie d'un petit avantage fiscal.

Les experts-comptables sont donc des partenaires extrêmement importants, y compris pour l'explication de la loi fiscale, dont on sait à quel point elle est complexe et changeante. Nous les rencontrons souvent, aussi bien devant les ordres régionaux que devant l'ordre national, pour expliquer la loi fiscale.

Quant au secret fiscal, il est un trésor de la République, à tel point que nous considérons, peut-être immodestement, que nous en sommes les gardiens scrupuleux et quelque peu maniaques. Ma conception des choses, c'est qu'un tel secret a pu survivre aussi longtemps parce que nous n'avons jamais transigé, y compris quand l'administration était confrontée à des témoignages dans les médias décrivant une situation précise de manière mensongère. Vous ne trouverez pas de situations dans lesquelles nous avons brisé le secret, alors que nous aurions pu en avoir la tentation.

Le secret fiscal est important, car il participe, d'une certaine manière, du consentement à l'impôt. Pour ma part, je redouterai une évolution - mais ce n'est pas du tout le cas ! - dans laquelle le secret fiscal connaîtrait le sort du secret de l'instruction, parce que je ne sais pas très bien ce qu'il adviendrait alors du consentement à l'impôt.

Monsieur le sénateur, les cas dans lesquels un tiers peut avoir intérêt à agir pour contester une interprétation de l'administration fiscale sont rares. Il n'y a, à ma connaissance, aucun contentieux en la matière. On pourrait imaginer qu'un secteur d'activité parallèle ou proche d'un autre secteur pourrait se plaindre d'un régime fiscal X ou Y, que l'on aurait interprété au profit du second. Si une interprétation favorisait, par exemple, les aéroports, les transporteurs routiers pourraient-ils évoquer une distorsion de concurrence ?

Les interprétations que nous faisons, et c'est tout à fait normal, sont souvent contestées, mais généralement par ceux qui en sont l'objet, et non par des tiers. Cela peut paraître curieux, mais votre crainte n'a pas pour l'instant trouvé à se matérialiser.

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