Je vous remercie pour votre accueil et vais essayer de vous exposer très rapidement la situation et les fondements de la crise. Nous sommes sous l'empire d'une loi ancienne, la loi « Bichet » dont on a fêté les 70 ans l'année dernière. Il s'agit d'une loi très spéciale - certains appellent à ne « toucher qu'en tremblant » à la loi Bichet - qui est une « icône » du Conseil national de la Résistance et une exception française. Elle prévoit que la liberté d'opinion et de la presse est confiée aux éditeurs et éloignée tant de la puissance publique que des « forces de l'argent ». À l'époque, donc, le législateur a donné le pouvoir aux éditeurs pour constituer un système coopératif qui assure une égalité entre eux et fondé sur un système de mandat qui va de l'éditeur à l'acheteur. Ces principes ont-ils vieilli ? Ils peuvent peut-être sembler désuets mais ils sont fondés sur la solidarité. À partir des années soixante-dix, on a vu arriver la concurrence qui a provoqué un grand bouleversement. Les lois de 2011 et 2015 ont cherché à concilier concurrence et solidarité, ce qui n'est pas facile. Comme vous le savez, ce sont des notions propres à la France. Si en Italie le système est proche, il est très différent en Grande-Bretagne et en Allemagne, où l'éditeur négocie directement pour être distribué, ce qui est très lourd en particulier pour les petits éditeurs.
La situation actuelle est la suivante : le 29 mai dernier, la commission économique et financière du CSMP, qui s'est réunie six fois et suit de très près Presstalis, a indiqué que la situation était beaucoup plus dégradée que ce que l'on pensait. Nous avons été « effarés » par ce qui transparaissait des réunions du conseil d'administration de Presstalis. Il y a eu une crise de gouvernance et les choses se sont aggravées durant l'été car des éditeurs ont souhaité se retirer. En système de duopole, cela signifie une défaillance possible. Le Conseil supérieur avait déjà établi, en 2012, des règles de préavis pour éviter d'accélérer la crise.
Une nouvelle gouvernance est arrivée. La situation de Presstalis s'est révélée plus préoccupante que prévue, surtout en matière de trésorerie. Un dépôt de bilan de celui-ci est exclu car il aurait également des conséquences sur les Messageries lyonnaises de presse (MLP), qui détiennent des créances sur Presstalis, sur le niveau 2 et sur les diffuseurs. Faute de pouvoir dégager des économies suffisantes rapidement, le Conseil supérieur a pris la décision de faire contribuer les éditeurs. Celui-ci y travaille, sa décision devant être validée par l'Autorité de régulation et de la distribution de la presse (ARDP). Trois mesures sont en cours d'examen :
- un allongement de l'ordre de six mois du préavis afin de consolider la situation ;
- symétriquement, un allongement des délais de règlement aux éditeurs par la messagerie. Comme vous le savez, Presstalis a retenu 25 % des fonds dus aux éditeurs - soit 27 millions d'euros - pour faire face au premier mur de trésorerie. En tant qu'éditeur, je ne pense pas qu'un allongement des délais de paiement soit un problème ;
- la décision centrale est de faire participer les éditeurs au renflouement de la messagerie. L'éditeur est un client mais aussi un actionnaire et depuis 1947, on n'a pas assez pensé à cette dualité. Le CSMP a mené une étude sur ce sujet mais n'a pas eu le temps de l'exploiter. Nous avons ainsi imaginé une contribution qui ne serait pas une hausse des barèmes, mais qui serait ciblée et fléchée pour assurer le retour à l'équilibre de Presstalis. L'État veut bien prêter de l'argent mais, en contrepartie, il demande une contribution de 2,25 % aux éditeurs. Le Conseil supérieur demande également aux clients des MLP de participer, éventuellement en modulant la contribution : 1 % pour les éditeurs des MLP et 2,25 % pour ceux de Presstalis. Cette différence va-t-elle aggraver les différences entre les éditeurs ? Il ne nous semble pas, car les éditeurs qui souhaiteraient quitter une messagerie resteraient redevables de la contribution attachée à leur messagerie d'origine.
Nous avons ouvert une consultation visant à une exit tax pour ceux qui souhaiteraient quitter leur messagerie ; elle prendrait la forme d'une participation aux fonds de Presstalis au titre de la responsabilité d'actionnaire.
Il faut aujourd'hui trouver un accord entre l'État et Presstalis - ce qui n'est pas acquis - et connaître la position de la conciliatrice et de la présidente du tribunal de commerce.