Intervention de Élisabeth Flüry-Hérard

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 14 février 2018 à 9h35
Audition de Mme élisabeth Flüry-hérard présidente de l'autorité de régulation et de la distribution de la presse ardp

Élisabeth Flüry-Hérard, présidente de l'Autorité de régulation et de la distribution de la presse (ARDP) :

Comme je l'ai dit, l'ARDP a été sidérée de découvrir la situation réelle de Presstalis. Jusqu'au printemps, nous pensions que le plan de 2012 avait été mené à bien, malgré quelques fragilités. En juin nous avons été très surpris d'apprendre que la situation n'était absolument pas positive, et que non seulement l'exercice 2016 s'était soldé par des pertes mais que les perspectives étaient très alarmantes. Nous ne sommes pas les mieux placés pour faire une analyse financière. C'est le CSMP, par la loi, qui est chargé de cette évaluation comptable des messageries au travers de sa commission de suivi économique et financier. Notre rôle consiste à de vérifier que les diligences nécessaires ont bien été remplies. Nous avons suivi l'évolution des avis de la commission, ainsi que les travaux de la mission Rameix / Schwartz, avec une forte inquiétude. Nous avons eu connaissance de dysfonctionnements du logiciel comptable. Par ailleurs, la vacance de gouvernance à partir de la fin du printemps n'a vraisemblablement pas aidé à la maitrise de la situation. Mais nous ne pouvons porter une parole d'expert sur cette situation.

Quant à savoir si nos moyens humains et juridiques sont suffisants, tout dépend de l'objet de notre mission. Si elle consiste à faire un contrôle de légalité par temps calme sur les décisions de l'instance en charge de la régulation sectorielle, qu'est le CSMP, au vu de mes deux premières années de participation au collège, avant d'en devenir présidente, l'institution ne me paraissait pas sous-dimensionnée. Mais l'accroissement des missions lié à la mise en place de la loi de 2015 est un vrai sujet, notamment s'agissant de l'homologation des barèmes qui nécessite une expertise très poussée.

L'Autorité de la concurrence, dans le cadre de mon activité contentieuse ou consultative, examine régulièrement la constitution d'un système de prix par rapport à un système de coût. Elle a été ainsi amenée à se prononcer sur les prix réglementés évalués par la commission d'évaluation de l'énergie (CRE). Mais il s'agit d'un travail très important. Pour le contrôle des barèmes, l'ARDP dispose, en pratique, de 15 jours pour soit homologuer le barème, soit le refuser. Si la coopérative refuse de changer de barème, nous devons reconstruire le barème. Il s'agit d'une tâche pour laquelle nous ne sommes pas assez équipés, si l'on souhaite tenir les standards de la Cour d'appel. À partir du moment où le type de régulation implique nécessairement une véritable expertise professionnelle, ceci est un vrai sujet.

Vous m'interrogez sur les consultations lancées par le CSMP, dont une nouvelle a été lancée hier soir. Sur les autres, comme vous le savez, des projets ont été envoyés aux membres de l'assemblée générale du CSMP convoqués pour le 20 février prochain. Nous ne connaissons pas le texte sur lequel nous serons saisis. Il m'est donc impossible de donner un avis sur le fond, d'autant qu'en tant que présidente, il serait peu pertinent de ma part de me prononcer avant toute délibération des membres.

Nous examinerons les décisions du CSMP en fonction de leurs conséquences sur la liberté contractuelle, sur la liberté d'entreprendre, qui représentent des intérêts majeurs que la loi préserve. Mais il est dans notre mission, en cas d'intérêt général majeur et identifié, de prendre ce genre de mesures. Notre rôle sera d'identifier cet intérêt général, de vérifier que les mesures proposées correspondent bien à cet objectif, qu'elles sont proportionnées aux difficultés qui ont été mises en évidence et de vérifier qu'elles sont correctement encadrées et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire. Il nous faut nous assurer de la viabilité de ces mesures, en amont de la Cour d'appel et selon ses critères, et vérifier qu'ils sont bien remplis.

S'agissant des délais de préavis, en 2012, le CSMP avait souhaité geler les transferts. L'ARDP avait, dans un premier temps, jugé que c'était une restriction trop forte mais avait finalement validé un système de préavis, possible et modulable en fonction de l'ancienneté des relations commerciales et des volumes, comme c'est le cas en droit commercial. Une proposition du CSMP consiste à rallonger les préavis de six mois. Elle sera examinée au regard du principe de proportionnalité face aux difficultés de la filière.

Nous avons eu l'occasion de nous exprimer en ce qui concerne l'évolution de la loi Bichet, notamment en réponse à l'insertion de suivi de la Cour des comptes dans son rapport public annuel consacré aux aides à la presse. Mon analyse était que la régulation issue de la loi de 1947 était remarquablement adaptée à la situation de l'époque. Hachette a « miraculeusement » échappé à la nationalisation après la guerre et fait échouer quasiment toutes les tentatives de créer une vraie concurrence. La réponse à cet opérateur dominant a été intelligente, en conservant le groupe Hachette mais en limitant son pouvoir par le système des coopératives et la création du CSMP, qui représente un réel contre-pouvoir. Ce système a fonctionné pendant très longtemps. Le point de retournement s'est produit quand Hachette n'a plus été un opérateur puissant. À partir de ce moment, le système a été intégralement tenu par des coopératives dont les actionnaires sont également les clients, ce qui constitue une situation dangereuse. En effet, le métier d'éditeur et celui de la messagerie sont très différents. Il est, dans ce contexte, très compliqué de responsabiliser de nombreux éditeurs. La nécessité de faire évoluer la loi est réelle. Nous suggérons de réétudier la structure de gouvernance et les fonctionnalités entre les trois niveaux. Sur ce point particulier, certaines situations sont difficiles à comprendre, en particulier celles des boutiques spécialisées qui ne peuvent pas vendre des magazines en lien avec leur activité ou bien l'absence de possibilité pour les dépositaires de distribuer d'autres produits que la presse.

En ce qui concerne le système de régulation, il est important de savoir ce qu'il faut réguler et les raisons qui poussent à le faire. On doit réguler pour préserver une externalité positive, au cas présent, la diffusion de la presse quotidienne d'information politique et générale. Les autres motifs qui peuvent conduire à réguler le secteur, à savoir l'existence d'infrastructures essentielles non duplicables ou la nécessité d'une régulation externe, comme dans le cas de l'État et de la Poste, ne sont ici pas rassemblées. Il faut s'interroger sur la nécessité d'une régulation avec des idées claires sur son fondement et sur les règles qu'elle est tenue de faire respecter. Une fois des réponses apportées à ces questions, se posera la question de l'identité de ce régulateur.

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