Intervention de Flavie Flament

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 18 janvier 2018 : 1ère réunion
Audition de Mme élisabeth Moiron-braud secrétaire générale de la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains sur la mission de consensus

Flavie Flament :

Je ressens que vous insistez sur l'accompagnement des victimes. Aujourd'hui, la parole des adultes s'est libérée, mais on se sent toujours seul au monde, comme je l'ai ressenti il y a dix-huit mois en témoignant pour la première fois. Il est donc extrêmement important d'accompagner les victimes pour consolider leur confiance en leur propre parole. Il n'y a rien de pire pour un enfant que de s'exprimer « dans le vent » et de constater que ce qu'il dit est vain. L'accompagnement doit intervenir dès la libération de la parole. C'est pourquoi les médecins doivent avant tout être aptes à recevoir cette parole. Il y a une façon de poser les questions, une délicatesse à acquérir lorsqu'on parle avec des victimes. De même, les équipes d'enseignants doivent pouvoir repérer des victimes dont la parole ne se libère pas.

Au commissariat, lorsqu'une victime porte plainte, les policiers ne sont pas nécessairement formés. C'est pourquoi il semble difficile pour une victime d'aller dans un commissariat raconter ce qu'elle a vécu, pour retourner ensuite dans son cadre habituel où elle se retrouvera confrontée à son prédateur. Il faut donc que la parole ne soit pas fragilisée et contredite. Pour moi, il a été fondamental, pour ma reconstruction, de sentir que l'on me croyait. Lorsque les adultes peuvent venir désigner leur violeur, il est important de leur donner une marche à suivre, de les orienter vers des associations et de leur donner l'assurance qu'ils (ou elles) seront accompagnés jusqu'au procès.

Je pense qu'il faut expliquer aux victimes les risques qu'elles peuvent courir en portant plainte. Si la victime choisit en connaissance de cause d'aller au procès, le traumatisme ne sera pas celui du non-lieu. Le procès est une occasion, pour la victime, de « remettre le monde à l'endroit ». J'aurais voulu voir David Hamilton dans un prétoire, et lui faire sentir que j'étais du côté de la parole entendue. Sur le banc des accusés, j'aurais aimé que la honte change de camp. C'est l'occasion pour la victime de se dire qu'elle est du bon côté de la société. Je n'ai pas eu cette chance, et j'ai donc dû prendre la parole dans un procès en quelque sorte privé, grâce à mon livre. David Hamilton s'est suicidé juste après avoir appris qu'une de ses victimes se trouvait encore dans les délais de prescription pour déposer plainte.

Nous n'attendons pas de la justice qu'elle nous répare intégralement, mais qu'elle remette le monde à l'endroit.

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