Intervention de Françoise Brié

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 18 janvier 2018 : 1ère réunion
Audition de la fédération nationale solidarité femmes

Françoise Brié, directrice générale de la Fédération Nationale Solidarité Femmes :

En matière de violences faites aux femmes, il est important de soutenir les structures spécialisées. En effet, les dispositifs généralistes peuvent permettre le repérage des victimes mais ne sont pas toujours adaptés à leur prise en charge, compte tenu de la spécificité des situations et des formes des violences. Nous plaidons en conséquence pour un accompagnement dédié.

Sur le plan politique, notre analyse porte sur le fait que ces violences sont des violences de genre, se déroulant dans un contexte d'inégalités femmes-hommes. C'est pourquoi notre travail aux côté des femmes vise à déconstruire les stéréotypes qui sont à la base des inégalités. Par conséquent, notre accompagnement n'est pas uniquement technique ; il s'efforce aussi de faire prendre conscience aux femmes des violences machistes et du contexte de domination dans lequel elles vivent.

Le 3919 a été créé en 1992 à l'initiative de la FNSF par une ligne d'écoute, la première à destination des femmes victimes de violences conjugales. Le soutien financier de l'État a abouti à la création de ce numéro. En 2007, le 3919 a vu le jour, dans un premier temps accessible du lundi au samedi de 9 heures à 22 heures. Depuis 2014, le numéro est totalement gratuit, y compris depuis les téléphones mobiles, et ouvert sept jours sur sept.

La typologie des appelantes au 3919 réunit les victimes, les tiers et les professionnels. Quelques hommes victimes appellent également, mais le pourcentage est infime, de même que celui des auteurs de violences qui nous contactent.

L'équipe du 3919 compte 25 écoutantes et 3 chargées de pré-accueil en CDI à temps plein ou à temps partiel, soit environ 16 équivalents temps plein (ETP). Sur la plateforme, nous avons cinq à sept personnes en permanence, écoutantes et chargées de pré-accueil. La plateforme est divisée en deux parties : un pré-accueil qui reçoit les appels et, en fonction de leur typologie, les oriente vers les écoutantes qui interviennent à un deuxième niveau ou vers les associations partenaires. L'équipe pluridisciplinaire compte des professionnelles issues du travail social (assistantes sociales, éducatrices...) mais également des psychologues, des juristes, des conseillères conjugales... Elles reçoivent une formation en double écoute pendant un mois minimum, puis sont formés en interne en continu. Cette formation de base est dispensée à toutes les équipes du réseau, tandis qu'une juriste les accompagne dans leurs questionnements. D'autres formations sont ensuite dispensées régulièrement.

Il est important de souligner que l'écoute est réellement un métier. Il faut pouvoir écouter les victimes à travers l'information qu'elles apportent, mais aussi les soutenir et les encourager dans leurs décisions et démarches. En outre, le 3919 comporte une base de données de plusieurs milliers d'adresses, pour orienter les femmes au plus près de leur lieu de résidence.

S'agissant des typologies des violences, les motifs d'appels concernent dans leur très grande majorité des violences conjugales. Ainsi, le 3919 reçoit environ 5 000 appels par mois. En 2017 (données non consolidées), plus de 90 % des appels relevaient des violences conjugales (femme victime et homme auteur). De façon générale, nous souhaiterions que le projet de loi annoncé par le Gouvernement couvre aussi le champ des violences conjugales - y compris dans leur dimension sexuelle -, d'une part parce qu'il s'agit de violences sexistes, et d'autre part, parce que les enfants en sont également victimes. En effet, les viols et agressions sexuelles sur les enfants sont fréquents dans un contexte de violences conjugales. En 2016, 4,3 % des appels pris en charge (979) concernaient des violences sexuelles ou du harcèlement sexuel au travail. Nous avons une convention avec d'autres associations (CFCV8(*), AVFT9(*), CIDFF10(*), FDFA 11(*) , ADN12(*)) afin d'orienter vers elles les appels ne portant pas sur les violences conjugales, y compris la prostitution. Nous avons également une convention avec le 119.

En 2017, 1 493 appels (6,8 %) concernaient les violences sexuelles ou du harcèlement sexuel au travail, dont 50 % recensés au dernier trimestre, en lien avec la libération de la parole dans le contexte que nous connaissons.

Par ailleurs, la plateforme du 3919 est organisée pour recevoir des appels en continu. Nous avions mené en 2014 une grande campagne de communication qui a eu des effets sur le flux d'appels reçus en 2015. La baisse des appels en 2016 s'explique en partie par le non-renouvellement de cette campagne.

En tout état de cause, il est important que les campagnes de communication permettent de repérer le numéro d'appel en continu, avec des diffusions locales toute l'année. Si nous n'anticipons pas les pics d'appel, nous pouvons difficilement y faire face, sachant que la plateforme a déjà du mal à répondre à tous les appels en temps normal. Des moyens supplémentaires seraient nécessaires sur la plateforme à hauteur de 3 équivalents temps plein (ETP) sur toute l'année.

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