Intervention de Denis Turbet-Delof

Commission spéciale Etat pour une société de confiance — Réunion du 14 février 2018 à 15h00
Audition conjointe des organisations syndicales de la fonction publique

Denis Turbet-Delof, secrétaire national Solidaires :

Nous vous remercions pour votre proposition de rencontre. Déjà, nous avons eu l'occasion d'exposer nos opinions lors de la première lecture du projet de loi à l'Assemblée nationale. Le sujet est complexe et le projet de loi, si je puis être lapidaire, inutile : l'arsenal juridique nécessaire pour répondre aux attentes qu'il exprime existe déjà.

Monsieur le président, vous avez cité en introduction les trois fonctions publiques. Permettez-moi de vous corriger : la fonction publique est unique, même si d'aucuns - je pense au comité Action publique 2022 - rêveraient de faire éclater l'élément fondateur de notre pacte social qu'elle constitue.

Le titre du projet de loi comprend le terme « confiance », ce qui laisse supposer qu'il existerait une défiance, ou une incompréhension, des usagers à l'égard de l'administration. Mais les agents publics ne sont pas responsables des lois qu'ils doivent faire appliquer ! Par ailleurs, les usagers qui réclament plus de confiance en la matière sont bien souvent ceux qui se trouvent en délicatesse avec l'administration et la loi. Dès lors, le projet de loi facilite la fraude pour ceux qui y sont déjà habitués ; mon collègue François-Xavier Ferruci vous en citera des exemples parlants.

Du reste, l'usager ordinaire a peu de rapports avec l'administration. La notion de droit à l'erreur s'applique fort différemment à Apple ou au modeste contribuable. Il y a d'ailleurs fort à parier que 80 % de nos concitoyens ignoreront que, avec ce texte, ils pourront bénéficier d'un droit à l'erreur étendu. Les services fiscaux disposent depuis longtemps d'une liberté d'appréciation, même si le montant des recours gracieux est limité, mais, avec les restrictions d'effectifs, qui substituent l'ordinateur au lien humain direct, cette marge de manoeuvre sera moins aisée à négocier. Pour autant, si la Direction générale des finances publiques (DGFiP), les douanes ou la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont l'habitude de cet exercice, tel n'est pas le cas de la majorité des administrations. Or ce texte, qui étend le droit à l'erreur, pose directement la question de l'efficacité de la lutte contre la fraude, notamment fiscale.

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