Intervention de Patrick Dehaumont

Commission des affaires sociales — Réunion du 13 février 2018 : 1ère réunion
Audition de M. Patrick deHaumont directeur général de l'alimentation du ministère de l'agriculture et de l'alimentation voir à la rubrique de la commission des affaires économiques

Patrick Dehaumont, directeur général de l'Alimentation du ministère de l'agriculture et de l'alimentation :

Merci pour votre invitation.

La DGAL au sein du ministère de l'agriculture est une direction régalienne, en charge de missions de sécurité sanitaire dans le domaine des aliments mais aussi des productions végétales et animales. La DGAL négocie et élabore les règlementations qui sont souvent d'origine communautaire. Ensuite, elle demande aux services de l'État de réaliser les inspections et les contrôles pour s'assurer que les professionnels satisfont bien à leurs obligations. Ce dispositif repose sur des agents de l'administration centrale, qui travaillent avec d'autres départements ministériels comme la Direction générale de la santé, la DGCCRF, Santé publique France. Nous sommes également sur le terrain, puisque l'intervention de l'État implique d'avoir des agents formés et compétents. En outre, une chaîne de commande est nécessaire pour agir et donner des instructions. Dans le domaine des denrées animales, les directions départementales de protection des populations (DDPP) sont sous l'autorité des préfets de département. Dans le domaine végétal, nous travaillons avec les directions générales de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt (Draaf), sous l'autorité des préfets de région.

Nous élaborons les plans de surveillance et de contrôle (PSPC) afin de prélever des échantillonnages de différentes productions sur tout le territoire pour estimer le niveau des contaminations microbiologiques, chimiques et physiques. Au sein de la DGAL, nous avons une unité spécifique de gestion des urgences sanitaires : il y a certes l'affaire Lactalis, mais on a aussi beaucoup parlé de la contamination d'oeuf au fipronil en août dernier.

La DGAL compte aussi en son sein la Brigade nationale d'enquêtes vétérinaires et phytosanitaires (BNEVP) qui lance des investigations de nature administrative à ma demande, et de nature judiciaire dans le cadre de fraudes organisées. Cette brigade est intervenue à l'occasion de l'affaire Lactalis.

Pour effectuer ces différentes missions, nous disposons d'un peu plus de 200 agents au niveau de l'administration centrale. Sur le terrain, au sein des Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP), le programme 206 permet d'allouer environ 4 600 ETP pour assurer l'ensemble des missions de contrôle et d'inspection. Le Sénat, la Cour des comptes et la Commission européenne se penchent régulièrement sur la capacité d'intervention de nos services. De manière constante, les deux derniers gouvernements ont donné la priorité à la sécurité sanitaire. Les trois années passées, nous avons enregistré une augmentation des effectifs qui avaient fondu durant une dizaine d'années. Nous avons bénéficié de 60 postes supplémentaires par an pendant trois ans. M. Travert a défendu le maintien des effectifs tout en soulignant qu'il conviendrait de les augmenter à moyen et long termes. Compte tenu des crises que nous avons traversées, notre budget d'intervention a augmenté de 12 % afin de renforcer la prévention et la surveillance.

Nous avons aussi réalisé des benchmarking pour comparer nos moyens à ceux de différents États membres.

Pour la DGAL, la santé publique est le premier enjeu. Mais n'oublions pas qu'il en va aussi de la compétitivité des entreprises qui doivent toutes répondre aux mêmes normes. En outre, nos contrôles permettent une certification reconnue dans le monde entier. L'affaire Lactalis nous pose donc quelques problèmes, notamment sur le marché chinois, car les autorités de ce pays veulent comprendre ce qui s'est passé. Leur confiance est écornée, d'autant que ce pays a connu une crise majeure avec la mélanine. Notre filière d'excellence est ainsi mise à mal.

En raison du Paquet hygiène - ensemble de règlements communautaires pour rationaliser les textes des différents pays membres - publié le 1er janvier 2006, le professionnel est devenu le premier responsable de la sécurité sanitaire de ses produits. Il existe sept types de règlements, à commencer par celui qui pose le principe de la sécurité alimentaire, puis viennent ceux qui ont trait aux obligations des exploitants et ceux qui définissent les contrôles exercés par les autorités, notamment celui qui pose les règles d'indépendance et d'impartialité de l'intervention de l'État. Enfin, des règlements spécifiques ont trait aux denrées animales et d'origine animale, avec le principe de l'agrément. Pour disposer de cet agrément, un établissement doit posséder des installations conformes, respecter des règles de fonctionnement et de procédure, disposer de personnels compétents. Enfin, le professionnel doit mettre en oeuvre un plan de maîtrise sanitaire (PMS) qui définit les règles de sécurité et les autocontrôles, qu'il faut bien distinguer des contrôles officiels. Les autocontrôles comprennent notamment des analyses de produits et d'environnement. Le PMS définit également des mesures d'intervention lorsque des anomalies sont identifiées. Les services d'inspection vérifient l'état de l'établissement, son fonctionnement au quotidien, sa documentation et doivent constater que le PMS est bien appliqué.

J'en arrive à l'intervention des services de l'État. Pour définir les fréquences d'inspection, nous procédons à une analyse des risques de chaque établissement ce qui permet de déterminer une pression de contrôle, tout en tenant compte des moyens disponibles. Les établissements les plus contrôlés sont les abattoirs d'animaux de boucherie : chaque carcasse fait l'objet d'une inspection spécifique et d'un estampillage, ce qui mobilise environ 1 400 agents. La fréquence d'inspection varie de six mois à deux ans en fonction du niveau de risque d'un établissement sous agrément. Nous procédons à des audits internes pour nous assurer du respect de nos procédures. Nous faisons aussi l'objet d'audits externes par les services d'inspection de la Commission européenne et par les services d'inspection des pays tiers, comme la Chine. Notre dispositif est réputé conforme au niveau européen, ce qui permet d'exporter en toute confiance.

Les résultats de nos contrôles sont transparents et accessibles à tous les Français.

Dans le domaine alimentaire, nous devons inspecter 400 000 établissements dont 22 000 agréés. Nous effectuons 55 000 inspections par an. En matière de PSPC, 62 000 prélèvements sont réalisés donnant lieu à 800 000 données analytiques par an.

J'en arrive à l'usine de Craon. Je ne suis pas tenu par le secret de l'instruction puisque ma direction n'est pas impliquée dans la procédure judiciaire en cours. Cette usine a connu en 2005 un accident important avec 146 cas de contamination humaine. La première tour de séchage datait de 1963. L'épisode de 2005 a été géré par la DGCCRF. Les agréments sont pilotés par la DGAL mais les produits infantiles relèvent de la DGCCRF en ce qui concerne leur suivi, les retraits et rappels par exemple. Aucun dysfonctionnement n'avait été mis en évidence à l'époque et les autocontrôles s'étaient révélés négatifs. Des prélèvements avaient néanmoins permis de révéler la présence de salmonelles dans l'environnement. Une boîte fabriquée en 2004 avait été retrouvée contaminée. Diverses inspections ont ensuite eu lieu et l'usine a redémarré en octobre 2005. Le 1er janvier 2006, le Paquet hygiène est entré en application. En 2006 et 2007, deux contrôles par an ont été effectués, sans compter les contrôles de première mise sur le marché réalisés par la DGCCRF. La conformité de fonctionnement de la salle blanche a été notifiée à l'entreprise en 2007. Un contrôle a été fait en 2009 et un autre en 2011, puis quatre en 2013. De nouveaux contrôles ont eu lieu en 2014, en 2015 et en 2017. Au total, seize interventions ont eu lieu en dix ans, soit un nombre d'inspections supérieur finalement à une fois tous les deux ans tel que prévu dans les textes. Des autocontrôles non conformes n'ont jamais été portés à notre connaissance lors de ces inspections.

En septembre, une inspection a été réalisée dans le nouvel atelier réservé aux céréales pour valider les processus et certifier les exportations. Dans la mesure où les autocontrôles qui nous étaient présentés étaient conformes, nous estimions que l'entreprise ne présentait pas de risques.

Nous constatons un décalage entre les éléments dont nous disposons au niveau de l'inspection et les autocontrôles que nous avons récupérés, à la suite de la crise. Des salmonella agona avaient été trouvées en 2009 et en 2014. Une salmonelle avait été retrouvée sur des produits en 2011 et d'autres sérotypes en 2013 et 2014.

Nous devons donc nous assurer de la transmission de tous les autocontrôles par l'entreprise, ce qui est d'ailleurs une obligation règlementaire si des résultats défavorables sont constatés sur un produit fini mis sur le marché. Nous devrions aussi disposer des autocontrôles d'environnement positifs. Il est regrettable que l'entreprise ne se soit pas interrogée sur la présence de salmonella agona pendant plusieurs années alors qu'on en avait trouvé en 2005.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion