Monsieur le ministre, avant de présenter cette motion, je tiens à dire que vous avez sorti une phrase de son contexte. Les écologistes ne sont pas opposés à toute forme de progrès ; nous sommes pour le progrès social par exemple, et cette forme de progrès ne menace pas la planète. Mais nous disons qu'aujourd'hui l'humanité a les moyens de sa propre destruction.
Il est vain d'attendre un bienfait social d'une poursuite effrénée et sans limite du progrès, poursuite qui conduira un jour la planète à sa perte. En fait, il faut réfléchir pour déterminer quel progrès est souhaitable, quel progrès est soutenable et quel progrès nous souhaitons maîtriser ou mettre en oeuvre. Ainsi, nous sommes, bien sûr, pour le progrès médical.
J'en viens à la motion.
La volonté du Gouvernement de commercialiser les cultures OGM a pour principale justification un empressement à satisfaire les exigences du lobby pro-OGM. De fait, ce projet de loi, qui prévoit la mise en culture des OGM alors que les trois quarts des Français s'y opposent, a été élaboré sans concertation.
Nous pouvons très bien transposer la directive européenne relative à l'utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés car, effectivement, sa transposition tardive nous expose à des amendes. En revanche, il est urgent d'attendre avant de transposer les aspects de la directive relatifs à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés en raison des controverses scientifiques qui sèment le doute sur les effets des OGM pour la santé et l'environnement.
Ce projet de loi, en particulier ses articles 11 à 27, entre en contradiction avec l'article 5 de la Charte de l'environnement adossée à la Constitution française, qui exige que, « lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».
Ce projet de loi ne respecte pas le principe de précaution. Il précise ainsi noir sur blanc que les informations liées aux propriétés des OGM seront toutes publiques, à l'exception de celles « dont la divulgation pourrait porter préjudice aux intérêts de l'exploitant ».
Ce projet de loi est une atteinte à la liberté d'entreprise et à la liberté des consommateurs. En effet, il fixe un seuil de contamination légal à 0, 9 % et légalise de fait la banalisation des OGM. Voudrait-on tuer l'agriculture biologique que l'on ne s'y prendrait pas autrement. Je rappelle que les cahiers des charges de l'agriculture biologique interdisent les traces d'OGM, alors que le seuil de détection est compris entre 0, 05 % et 0, 005 %! Les agriculteurs n'auront donc plus, à terme, la liberté de garantir à leurs clients que tous les critères de l'agriculture biologique sont respectés.
Vous allez donc tuer l'agriculture biologique. Êtes-vous si sûrs de l'intérêt, même strictement économique, des OGM ? Les promoteurs de la dissémination des OGM sont des irresponsables du point de vue marchand, du point de vue de l'intérêt même de l'économie française. Au Canada, il est aujourd'hui impossible de cultiver du colza biologique, parce que l'ensemble des semences est contaminé. Les graines de colza, très légères, voyagent facilement et peuvent germer dix ans plus tard après être tombées dans un champ.
Vous cherchez à organiser la coexistence des OGM et des non-OGM. Or mettre en place deux filières hermétiquement ségréguées nécessiterait un dédoublement de tous les équipements, de toutes les machines qui transforment les produits, de tous les silos... Les mesures proposées par la directive européenne sont très lourdes à prendre en charge. Pourtant, elles ne garantissent absolument pas que cette coexistence sera assurée sans dommages pour l'agriculture non-OGM.
Les contaminations sont toujours possibles en raison des flux de gènes sur moyennes distances, des possibilités de contaminations hors champs - semence, transport, stockage, transformation -, d'impuretés dans les semences, de pollinisation croisée, de germinations spontanées... Bref, l'agriculture transgénique est totalitaire, dans le sens où elle a tendance à cannibaliser les cultures non-OGM autour d'elle.
Le moratoire de cinq ans que je vous propose ne s'oppose pas à la directive européenne 2001/18/CE, dont l'article 23 prévoit une clause de sauvegarde permettant aux États de se prononcer pour un moratoire. La Grèce, la Suisse, la Roumanie ou l'Autriche - et 78 % des Français - sont favorables à un moratoire.
Je cite ladite clause : « Lorsqu'un État membre, en raison d'informations nouvelles ou complémentaires, devenues disponibles après que l'autorisation a été donnée et qui affectent l'évaluation des risques pour l'environnement ou en raison de la réévaluation des informations existantes sur la base de connaissances scientifiques nouvelles ou complémentaires, a des raisons précises de considérer qu'un OGM en tant que produit ou élément de produit ayant fait l'objet d'une notification en bonne et due forme et d'une autorisation écrite conformément à la présente directive présente un risque pour la santé humaine ou l'environnement, il peut limiter ou interdire, à titre provisoire, l'utilisation et/ou la vente de cet OGM en tant que produit ou élément de produit sur son territoire. »