Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 20 février 2018 à 18h00
Institutions européennes — Suivi des résolutions européennes du sénat - rapport d'information de m. jean bizet

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

Pour la troisième année consécutive, je vous présente un rapport d'information sur le suivi des positions européennes du Sénat - résolutions européennes, avis motivés et avis politiques -, qui vous a été préalablement distribué. Ce rapport traduit, dans le domaine des affaires européennes, l'attachement de la Haute Assemblée au contrôle des suites données à ses travaux dans le cadre plus général du contrôle de l'application des lois. Ainsi, je participe désormais de façon régulière au débat sur le bilan annuel de l'application des lois.

Le rapport présente un bilan de la prise en compte et de la mise en oeuvre des différentes positions européennes adoptées par le Sénat, entre le 1er octobre 2016 et le 30 septembre 2017.

Comme l'année dernière, je tiens à souligner la très bonne coopération du Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) qui nous apporte une information de grande qualité sur l'état des négociations au sein du Conseil à Bruxelles. Nous avons beaucoup progressé en quelques années. Je forme le voeu que, l'année prochaine, le SGAE nous transmette ses fiches de suivi - elles sont au nombre de 14 cette année - de façon plus régulière, et plus seulement sur demande, afin de banaliser véritablement la procédure et de rendre notre dialogue avec le Gouvernement fluide et permanent.

Je vous rappelle l'audition très intéressante de la ministre chargée des affaires européennes, Mme Nathalie Loiseau, le 7 février dernier, et le débat interactif qui a suivi auquel de nombreux collègues ont participé. Ce fut pour nous l'occasion d'alerter le Gouvernement sur les accords de libre-échange et l'avenir de la politique agricole commune (PAC). À ce sujet, le commissaire Oettinger a fait des déclarations sur ce sujet et la Commission propose trois scénarii : un statu quo, avec 400 milliards d'euros dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020, une baisse de 15 % ou de 30 %. Certes, le budget européen subira une amputation de 25 milliards d'euros par an, avec quelque 12 milliards à cause du Brexit et la mise en oeuvre de nouvelles politiques en matière de défense, de sécurité et de contrôle des frontières. Aussi allons-nous essayer de refaire le point sur les ressources propres. Le rapport Monti ne nous avait pas apporté de réponses vraiment pertinentes. Je ne dis pas que le sujet est simple, il est même extrêmement complexe. Mais, je le répète, en toute honnêteté intellectuelle, la PAC est hautement stratégique pour l'Union européenne. Quand d'autres compétiteurs augmentent leurs concours financiers à leur agriculture, l'Europe diminuerait les siens. Cherchez l'erreur !

Pour en revenir au suivi des résolutions, je considère que cet exercice constitue désormais un moment incontournable du contrôle parlementaire de l'action gouvernementale en matière européenne.

Entre le 1er octobre 2016 et le 30 septembre 2017, le Sénat a adopté 18 résolutions européennes, soit le même nombre que l'année précédente, alors que la séance publique a été suspendue quatre mois en raison des échéances électorales : 13 d'entre elles sont issues d'une proposition de résolution de notre commission, 4 émanent d'une initiative d'un ou plusieurs de nos collègues et une a été déposée dans le cadre du groupe de travail commun à notre commission et à celle des affaires économiques sur l'avenir de la PAC. Par ailleurs, 10 résolutions ont donné lieu à un rapport d'information de la commission et 7 à un rapport d'une commission législative. En outre, 14 d'entre elles ont également fait l'objet d'un avis politique adressé à la Commission européenne et une a même donné lieu à un débat en séance publique.

Quant aux avis motivés, 26 ont été adoptés par le Sénat depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, dont 5 au cours de la période couverte par le rapport.

Pour ce qui concerne les avis politiques, notre commission en a adressé 21 à la Commission européenne, contre 18 l'année dernière sur la même période.

Le délai de trois mois dont dispose la Commission pour répondre à nos avis politiques a été moins bien respecté cette année. Certes, le taux de réponse est plus élevé puisque la Commission a répondu à chacun de nos avis politiques, contre un taux de réponse de 72 % l'année dernière. Néanmoins, parmi les 21 réponses reçues, 10 d'entre elles ont été envoyées dans le délai de trois mois, contre 13 sur 18 l'année dernière. Sur les 11 réponses adressées après ce délai, l'une d'entre elles a accusé un retard de plus de sept mois. Le retard le plus fréquemment constaté est d'un mois, mais 3 réponses ont été adressées avec un retard de plus ou moins deux mois.

En revanche, sur la qualité des réponses, je suis dans l'obligation de dresser le même constat que l'année dernière, et aussi que l'année précédente : elle reste très inégale. Aussi convient-il d'appeler la Commission à accorder plus d'attention à la qualité des arguments développés dans ses réponses, en particulier en prenant en considération chacun des points soulevés dans les avis politiques, de manière à rendre plus effective encore son ambition légitime d'engager un nouveau partenariat avec les parlements nationaux. Les réponses sont assez convenues. C'est pourquoi notre commission devrait s'attacher à demander plus souvent de nouvelles précisions à la Commission européenne lorsqu'elle considère que les réponses à ses avis politiques mériteraient d'être complétées, et ce afin de nouer un dialogue politique approfondi et véritablement réciproque. Le président Timmermans y est tout à fait ouvert.

Enfin, pour ce qui concerne les avis motivés en matière de respect du principe de subsidiarité, je note une amélioration des réponses de la Commission européenne : celles-ci sont plus argumentées et portent davantage sur les points critiqués par le Sénat. Sur le fond, en revanche, ces réponses ne marquent pas d'inflexion par rapport aux intentions initiales de la Commission qui continue de chercher à les justifier. Pourtant - j'insiste sur ce point -, dans plusieurs cas, le déroulement des négociations au Conseil conforte rétrospectivement les analyses du Sénat.

J'en viens maintenant au fond. Je serai bref, me permettant de vous renvoyer au rapport d'information sur le suivi de chacune des résolutions qui y sont analysées.

Les positions européennes du Sénat sont très largement prises en compte au cours des négociations et elles influent véritablement sur le contenu des directives et règlements finalement adoptés.

D'une façon quelque peu schématique, il est possible de classer les résolutions européennes du Sénat en trois catégories quant aux suites qu'elles ont reçues.

Dans plus de la moitié des cas, nos résolutions ont été prises en compte totalement ou très largement - sur le terrain, vous pouvez vous prévaloir de ce point plutôt positif ! Je citerai les services de médias audiovisuels : nous avons obtenu satisfaction sur la promotion des oeuvres européennes dans les catalogues de services de médias audiovisuels à la demande.

Il en est de même pour le plan d'investissement pour l'Europe : la France en est le premier bénéficiaire, la part des PME ne cesse d'augmenter et les collectivités territoriales y sont de plus en plus impliquées. Certes, le plan d'investissement pour l'Europe ne peut remplacer les fonds de cohésion, mais il faudra vivre avec cette nouvelle évolution.

Je pense aussi à la réforme d'Europol et la coopération policière européenne : des avancées significatives ont été obtenues sur les contrôles aux frontières, la meilleure utilisation du Système d'information Schengen (SIS), la mise en place d'ETIAS, le Système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages, et d'un système d'entrée/sortie, l'interopérabilité des systèmes d'information ou encore le renforcement du mandat d'Europol.

Concernant les perturbateurs endocriniens, comme le demandait le Sénat, le lien entre le ou les effets indésirables et le mode d'action endocrinien doit désormais être établi en se fondant sur la plausibilité biologique.

Enfin, concernant le paquet « énergie propre », le Sénat a été entendu sur les biocarburants, la sécurité d'approvisionnement ou sur les tarifs réglementés de l'électricité.

Dans plus de 25 % des cas, les positions du Sénat ont été partiellement suivies. À cet égard, je citerai la phase I de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire (UEM) : un conseil national de la productivité et un comité budgétaire européen ont bien été mis en place, mais la rénovation du semestre européen est inégale et la représentation extérieure de la zone euro fait encore débat.

Je pense aussi à la politique commerciale assurant la défense des intérêts économiques de l'Union européenne : le Sénat a obtenu partiellement satisfaction sur la règle du droit moindre, mais ni la meilleure réciprocité dans l'accès des entreprises européennes aux marchés publics ni la question de l'application extraterritoriale de certaines législations nationales n'ont connu de réelles avancées. Là encore, il faut poursuivre notre action en la matière.

S'agissant de la simplification du droit européen, l'économie générale de la démarche européenne est conforme à nos attentes, mais de nombreux aspects de notre résolution ne sont pas abordés : il en est ainsi des études d'impact du Conseil ou de la création d'une base de données commune sur l'état d'avancement des dossiers législatifs, qui concerne les actes délégués.

Sur l'avenir de la PAC à l'horizon de 2020, pour lequel il existe un risque de renationalisation - voilà trois semaines Phil Hogan nous a assurés qu'il n'en était pas question, mais les parlements nationaux vont être plus impliqués dans certaines mises en application, en matière environnementale notamment - et de réduction sensible des crédits budgétaires, les interrogations et les craintes demeurent.

Enfin, dans trois cas seulement, notre résolution européenne n'a pas reçu jusqu'à présent de suite effective : l'assiette commune consolidée pour l'impôt des sociétés (ACCIS) - le débat est loin d'être clos - ; la limitation de l'utilisation des produits phytosanitaires au sein de l'Union européenne - quelques clarifications nous ont été apportées, mais il y a encore des distorsions de concurrence - et les mesures conservatoires pour la mise en oeuvre des règles de concurrence.

Vous le voyez, le bilan est très largement positif. Nous allons persévérer dans nos demandes de réponses à la Commission européenne.

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