Intervention de Colette Mélot

Commission des affaires européennes — Réunion du 20 février 2018 à 18h00
Économie finances et fiscalité — Contrats de vente de biens en ligne : projet de rapport d'information de proposition de résolution européenne et d'avis politique de m. andré gattolin et mme colette mélot

Photo de Colette MélotColette Mélot :

Comme vous allez le constater, nos inquiétudes ne sont pas levées, loin de là. Je vous rappelle l'objet des propositions qui nous intéressent : à l'heure où le commerce sur internet augmente sans cesse, il s'agit d'unifier certaines clauses des contrats de vente en ligne, qui seraient les mêmes dans toute l'Europe. Dans la logique de la Commission européenne, le cadre unique favoriserait l'activité des entreprises et le niveau élevé recherché renforcerait la protection des consommateurs européens. Mais, comme l'a rappelé Jean Bizet, nous avons en France un niveau de protection des consommateurs parmi les plus élevés d'Europe et ce projet pourrait constituer un recul inacceptable pour nous.

Alors que nous avions prévu de vous présenter initialement une proposition de résolution, il nous a paru opportun de l'accompagner d'un court rapport d'information sur la question. Il montre comment la protection des consommateurs dans l'Union européenne a été construite au fil des décennies et analyse les évolutions qui sont en discussion.

Je ne vais donc pas entrer dans les détails que vous trouverez dans le rapport, mais rappeler que la protection des consommateurs est un domaine partagé entre l'Union et les États membres. Et cela a plutôt bien fonctionné jusqu'à présent avec le schéma suivant : l'Union définit dans une directive un niveau plancher pour certaines clauses et les États membres ne peuvent y déroger que pour proposer des mesures plus protectrices des consommateurs. C'est ainsi que s'est appliquée la directive du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation.

Pourtant, la Commission estime que les écarts nationaux sont un frein au développement du commerce transfrontière au sein de l'Union et veut les mêmes règles pour tous. Après plusieurs échecs pour harmoniser l'ensemble des contrats, elle se concentre cette fois-ci sur certains aspects des contrats de vente qu'elle juge essentiels. Elle distingue deux types de vente : d'une part, la fourniture de contenu numérique, que ce soit des vidéos, de la musique, des jeux ; et, d'autre part, les achats en ligne de biens matériels.

Il a fallu près d'un an et demi au Conseil pour aboutir à une orientation générale sur la proposition concernant la fourniture de contenu numérique en juin. La définition de règles dans ce nouveau domaine a exigé un long travail technique et juridique. Le texte est utile, car il apporte un certain nombre de définitions et de précisions sur des objets juridiques nouveaux. Par exemple, sachez que lorsque vous achetez un DVD, plus que l'objet lui-même, vous achetez un contenu numérique, c'est-à-dire le film. Par conséquent, on entre dans le champ du texte. De la même manière, si une liseuse est un objet matériel, un livre numérique est bien un contenu numérique.

Les explications détaillées se trouvent dans le rapport. J'évoquerai juste un point qui me paraît important. Initialement, la proposition ne prévoyait l'achat de contenu numérique qu'en échange d'argent. Or, on le sait très bien, ce qui est au centre de l'économie numérique, c'est la donnée. Les consommateurs ont parfois l'impression que, sur internet, on peut télécharger des choses gratuitement. Mais ce n'est pas le cas : ce que l'on offre, en échange, parfois sans le savoir, ce sont des données personnelles. Il était important que le droit tienne compte de ces échanges-là, et c'est un apport du texte.

J'en reviens maintenant à l'ensemble de la réforme.

À l'issue de l'orientation générale adoptée en juin dernier et avant qu'il n'entame les discussions sur le texte concernant les biens tangibles, le Conseil s'est retrouvé devant potentiellement trois régimes juridiques : l'un pour les fournitures de contenu numérique, que nous venons d'évoquer ; l'autre pour les ventes de biens en magasin, c'est la directive de 1999 que j'ai citée ; et, enfin, la proposition concernant les ventes en ligne de biens.

Afin d'éviter trois régimes différents, il a été décidé d'unifier les règles des ventes de biens, en magasin ou en ligne, mais aussi de s'inspirer des règles concernant les contrats de fourniture de contenu numérique pour que les régimes soient proches.

On ne peut qu'être d'accord avec cette unification des règles, dès lors qu'on tient compte des spécificités de chaque objet et de chaque canal de vente. Mais il convient aussi de fixer une limite : ne pas affaiblir la protection des consommateurs. Et c'est là où se trouve le problème que va vous exposer André Gattolin.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion