Intervention de André Gattolin

Commission des affaires européennes — Réunion du 20 février 2018 à 18h00
Économie finances et fiscalité — Contrats de vente de biens en ligne : projet de rapport d'information de proposition de résolution européenne et d'avis politique de m. andré gattolin et mme colette mélot

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Je pourrais dire que c'est là que le piège se referme. Car, c'est bien un piège que tend la Commission européenne.

Dans la nouvelle articulation des textes que vient de décrire Colette Mélot, la proposition sur les ventes de bien en ligne devient une proposition sur les ventes de biens, tout court : son champ s'élargit et elle concernerait non seulement les ventes en ligne, mais aussi les ventes de biens mobiliers en magasin. Ce faisant, elle abrogerait la directive de 1999 qui était d'harmonisation minimale. Or le nouveau texte, avec son champ élargi, est d'harmonisation maximale.

Là où les États membres pouvaient proposer des règles plus protectrices pour les consommateurs que l'Union européenne, ils ne le pourront plus. Pis, ils devront abroger les mesures qui divergent de la règle européenne, alors même qu'elles sont plus favorables aux consommateurs. À notre sens, ce n'est pas acceptable. Pourtant, cette réforme risque d'être adoptée.

La France fait partie des pays les plus avancés en matière de protection des consommateurs, mais, dans ce domaine, nous ne sommes pas majoritaires en Europe. Pour un certain nombre d'États, le texte présente soit un statu quo par rapport à leur droit national, soit des avancées pour leurs consommateurs. Les États les plus petits ont intérêt à un texte unique européen qui permettrait plus facilement à leurs entreprises de pénétrer des marchés plus grands. Enfin, il est des pays où la protection des consommateurs n'est pas une priorité.

Au Parlement européen où ce texte était examiné, la commission des affaires juridiques était saisie pour avis. Comme nous, le rapporteur a plaidé pour une harmonisation minimale, plus protectrice à ses yeux des consommateurs. Or il a été mis en minorité et son rapport n'a pas été adopté. C'est la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs (IMCO) qui traite le texte au fond et son rapporteur plaide pour une harmonisation maximale. La commission IMCO et le Parlement européen tout entier pourraient lui emboîter le pas.

Parmi nos alliés, il convient de mentionner l'Allemagne qui n'est pas plus convaincue que nous qu'il faille passer d'une harmonisation minimale à une harmonisation maximale. D'autres États, comme la Belgique, l'Autriche et la République tchèque ont aussi émis des doutes. Nous avons auditionné le cabinet de la Garde des sceaux et le SGAE qui nous ont affirmé que le Gouvernement refuserait toute mesure visant à diminuer la protection des consommateurs français ; nous ne pouvons qu'être d'accord.

Certes, il est des points d'amélioration de la réforme que nous pourrions proposer comme l'alignement du délai de la charge de la preuve sur celui de la garantie légale ou encore la hiérarchisation des remèdes, qui comprend des avancées.

De même, on peut s'étonner de cette évolution du droit européen. Jusqu'à présent, nous connaissions deux outils en droit européen : les règlements, qui sont d'application directe, et les directives, qui doivent être transposées en droit interne, avec la marge de manoeuvre que cela implique. Nous sommes désormais face à deux instruments nouveaux : le règlement général sur la protection des données, qui laisse la place à des dizaines de mesures nationales, et des directives d'harmonisation maximale, c'est-à-dire sans aucune place laissée à des mesures nationales.

Mais mieux vaut laisser ce débat aux juristes et passer un message politique clair et simple, donc fort. Dans ce contexte, il est important d'apporter notre soutien au Gouvernement dans les négociations en cours. C'est pourquoi nous vous proposons une résolution centrée sur le refus d'une harmonisation maximale et le maintien d'une harmonisation minimale, qui permet aux États de légiférer au bénéfice de leurs consommateurs.

Ce n'est pas la première fois que la Commission européenne cherche à imposer une unification par le bas du droit des consommateurs européens. Cette nouvelle tentative doit échouer comme les précédentes. Comment, demain, défendre devant les électeurs une Union européenne qui abaisserait les droits des consommateurs ? Il s'agit là d'une Europe dont nous ne pouvons nous satisfaire.

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