Mes chers collègues, on peut parfaitement respecter la neutralité d’un point de vue technique, électoral, tout en exprimant du fond du cœur politiquement l’attachement que nous avons, que vous devez avoir pour la Nouvelle-Calédonie ! Sinon, vous allez prendre trois risques.
Le premier risque, c’est celui de l’imprévoyance. En effet, cette consultation référendaire est un point d’étape dans ce dialogue construit avec difficulté, parfois dans la tension. Ce n’est certainement pas un point d’arrivée. Après le référendum, les problèmes subsisteront ; ils seront peut-être même accentués par une campagne qui risque d’exacerber les antagonismes.
Votre rôle, le rôle de l’État, est de préparer dès à présent le jour d’après, qui sera vraisemblablement celui de la Nouvelle-Calédonie dans la France.
Le deuxième risque – l’orateur précédent y a fait allusion – est celui de l’ambiguïté. Je parle d’une ambiguïté terrible, pas seulement constitutionnelle, mais républicaine, née des propos du Premier ministre sur le sol calédonien !
Quand le Premier ministre dit qu’il y a un « peuple calédonien » amené à s’exprimer « souverainement », cela signifie qu’il existerait un peuple calédonien distinct du peuple français ! Mais au nom de quoi ? Au nom de quelle réalité ? Parce que la Nouvelle-Calédonie se trouve aux antipodes ? Parce qu’une partie de la population a la peau sans doute un peu plus foncée que la nôtre en métropole ? Non, bien sûr ! C’est ignorer ce qu’est la France. La France, c’est cet effort multiséculaire pour conjuguer ce qu’il y a de particulier dans chaque homme et ce qu’il y a de plus universel dans tous les hommes !
Ne tombez pas dans le piège qu’un autre sénateur, Dick Ukeiwé, avait dénoncé à cette tribune, le 24 janvier 1985 : celui de l’ambiguïté. D’ailleurs, pour lever toute ambiguïté, il faudra formuler la bonne question, celle qui n’appellera aucun risque sur l’interprétation du résultat de la consultation référendaire.
Le troisième risque est celui de la distanciation. N’ajoutons pas à la distance géographique avec la Nouvelle-Calédonie une autre distance, plus grave celle-ci : une distance civique.
Au fond, votre attitude de neutralité, d’extériorité, fait courir un risque. Elle interroge. La République est-elle une république extérieure, distante par rapport à la Nouvelle-Calédonie ? Ou peut-elle encore assumer les mots du général de Gaulle, pour qui les Calédoniens sont « un morceau de la France », sont la France australe et ont un rôle français à jouer dans cette partie du monde ?
Madame la ministre, aujourd’hui, ce que votre gouvernement a tant de mal à dire, nous le disons ; je le dis ici, au nom de mon groupe : nous voulons – oui, nous voulons ! – une Nouvelle-Calédonie forte et fière ! Forte de ses atouts, qu’il faudra développer. Fière aussi de ses visages, de tous ses héritages, qu’il faudra continuer à exprimer.
Nous la voulons bien sûr à nos côtés ! En effet, nous ne croyons pas dans la France en Nouvelle-Calédonie ni dans la Nouvelle-Calédonie dans la France ; nous voulons et nous croyons dans une nouvelle Calédonie française !
Nous y croyons au nom du principe non pas d’uniformité, mais de diversité. Nous croyons à cette « composition française » dont Mona Ozouf parlait un jour, …