Pour ce faire, il faut agir au plus précis, au plus concret des situations de chaque territoire. L’objectif est le même partout et pour tous : l’égalité entre les femmes et les hommes, ni discutable ni négociable.
Toutefois, les moyens mis en œuvre pour atteindre cet objectif peuvent différer d’un territoire à l’autre, en fonction de plusieurs paramètres : l’accessibilité des services publics, la richesse du tissu associatif, la situation économique et sociale, les particularités géographiques.
Repenser la manière dont le service public s’organise partout en France, au plus près des réalités des territoires, voilà l’un des enjeux. C’est la raison pour laquelle le Premier ministre et moi-même avons lancé, en octobre dernier, le Tour de France de l’égalité entre les femmes et les hommes. Dans ce cadre, j’étais hier encore en Gironde, à Pessac, et dans le bassin d’Arcachon, pour me rendre compte de la réalité au plus près des territoires.
L’objectif de ce Tour de France est d’identifier précisément les besoins, les attentes des femmes, pour adapter les politiques publiques à la diversité des situations, mais aussi pour partager les bonnes pratiques et faire connaître les dispositifs innovants qui existent à l’échelle des territoires.
En six mois, près de 850 ateliers ont été organisés dans toute la France – métropole et outre-mer – et ont rassemblé plus de 55 000 personnes. À l’issue de ces échanges, je constate que les préoccupations et les demandes qui se sont exprimées dans les zones rurales rejoignent de nombreuses recommandations formulées dans votre rapport, notamment en matière de droits sociaux.
Au cours des deux dernières décennies, la protection sociale des femmes exerçant une activité agricole s’est améliorée, en particulier avec la fin du statut de conjointe participant aux travaux et la création du statut de collaboratrice d’exploitation qui ouvre des droits plus importants singulièrement en matière de retraite.
Vous proposez d’aller plus loin en prévoyant de limiter sa durée dans le temps. J’imagine que nous allons avoir l’occasion de détailler cette mesure dans quelques instants.
Une telle réforme permettrait de compléter l’évolution vers l’égalité des droits, avec la limitation progressive des statuts secondaires et du statut des aides familiaux.
Nul ici ne conteste le fait que ces statuts ont constitué un véritable progrès voilà une vingtaine d’années. Toutefois, il me semble temps de les faire évoluer, notamment pour combattre la précarité dans laquelle ils peuvent maintenir certains et, surtout, certaines de leurs bénéficiaires.
Vous suggérez, dans votre rapport, de limiter à cinq ans la durée du statut de conjoint collaborateur. Cette piste de réflexion doit être étudiée à condition qu’elle corresponde aux attentes des agricultrices. Les femmes qui, aujourd’hui encore, travaillent sur une exploitation sans aucun statut doivent faire l’objet d’une attention toute particulière.
Mon collègue ministre de l’agriculture et moi-même serons aussi particulièrement vigilants à garantir les droits des femmes agricultrices à certaines périodes charnières de leur vie. L’arrivée d’un enfant fait partie de ces moments particuliers, votre rapport le souligne.
La réglementation permet aujourd’hui de se faire remplacer pour une durée égale au congé maternité des salariées. Il me semble tout d’abord important de faire connaître plus largement ce droit.
Nous travaillons également à la création d’un congé maternité harmonisé pour permettre aux agricultrices de bénéficier véritablement de ce droit. C’est la raison pour laquelle nous avons confié à la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale, Marie-Pierre Rixain, une mission temporaire sur le congé maternité.
Je sais les agricultrices très attachées aux dispositifs existants. Je ne doute pas que cette mission saura être attentive à la recherche d’un équilibre entre ce qui existe et ce que nous pouvons proposer pour améliorer la protection de ces femmes quand elles deviennent mères.
La fin de la vie active est un autre moment particulier de la vie des femmes.
Le plan de revalorisation des petites retraites agricoles, avec l’attribution de points gratuits de retraite complémentaire obligatoire, a surtout bénéficié aux femmes, ce qui est une bonne chose. Toutefois, malgré les efforts consentis, il faut reconnaître que les retraites agricoles sont plus faibles que celles des autres régimes, notamment pour les agricultrices.
Autant de constats qui illustrent la pertinence de votre recommandation visant à limiter l’accès au statut de collaboratrice. Je vous confirme que cette question sera portée par le ministère de l’agriculture à la faveur des travaux sur la réforme globale des retraites.
Bien évidemment, les agricultrices aujourd’hui en activité bénéficieront des évolutions qui seront retenues dans le cadre de cette réforme. C’est la raison pour laquelle, dès la semaine prochaine, je lance, dans la Vienne, notamment avec Jean-Paul Delevoye, une réflexion sur la retraite des femmes.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, le temps qui m’est imparti ne me permet pas d’évoquer l’ensemble des sujets, mais le débat qui va s’ouvrir nous donnera l’occasion d’aborder certaines questions.
Je voudrais simplement souligner que le ministère de l’agriculture est le tout premier à s’être engagé dans une démarche de budgétisation sensible au genre, comme il en existe depuis des dizaines d’années dans d’autres pays, au Canada ou au Maroc, par exemple. Il s’agit d’une avancée concrète pour le budget consacré aux agricultrices et à la défense de leurs droits.
Je me rendrai mi-mars à New York, auprès des Nations unies. J’ai choisi de consacrer l’un des événements organisés sur place par la France à la question de la place des femmes et de leurs conditions de vie dans les zones rurales.