Intervention de Jacques-Bernard Magner

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 21 février 2018 à 9h35
Conséquences de la baisse des contrats aidés dans le secteur associatif — Présentation du rapport d'information

Photo de Jacques-Bernard MagnerJacques-Bernard Magner, rapporteur :

Je vais maintenant évoquer la question très controversée de l'efficacité des contrats aidés. Nous avons essayé de dépasser les clivages politiques, lesquels s'affaiblissent d'ailleurs notablement dès que l'on discute avec des représentants des collectivités territoriales, en prise directe avec les réalités du terrain, et d'avoir le regard le plus objectif possible sur l'utilité des contrats aidés.

Depuis plus de trente ans, la France est confrontée à un chômage de masse, qui touche particulièrement les personnes peu qualifiées et celles en phase d'insertion professionnelle, donc les jeunes. En outre, 45 % des chômeurs sont en chômage de longue durée, avec une surreprésentation des plus de 50 ans.

Les contrats aidés ont donc été créés afin de permettre aux personnes les plus éloignées du marché du travail d'obtenir un emploi, l'embauche et l'accompagnement étant encadrés et appuyés financièrement par l'État. Ils visent à améliorer l'employabilité des bénéficiaires, en leur ouvrant une expérience professionnelle, l'acquisition de compétences, une formation, un accompagnement professionnel personnalisé. Dans l'esprit du législateur, tous les contrats aidés doivent reposer sur le triptyque « emploi, formation, accompagnement », qu'il s'agisse des contrats uniques d'insertion créés en 2008 ou des emplois d'avenir créés en 2012.

La réalité est beaucoup plus contrastée : la mise en emploi a été opérée, mais les obligations de formation et d'accompagnement professionnels ont été respectées de manière très variable selon les structures et les secteurs d'activité, en particulier pour les contrats uniques d'insertion.

Ce dysfonctionnement s'explique par la multiplicité des objectifs assignés aux contrats aidés, qui se sont avérés parfois contradictoires. Dans la mesure où ils ciblent des demandeurs d'emploi, les contrats aidés constituent, par nature, un outil pour le traitement social du chômage, ce qui n'est pas choquant en soi. Toutefois, parce qu'ils permettent de faire « sortir » leurs bénéficiaires des chiffres officiels du chômage, ils ont régulièrement été utilisés par tous les gouvernements successifs dans cet objectif, faisant primer le quantitatif - des volumes importants de contrats aidés - sur le qualitatif - des contrats favorisant une réelle insertion professionnelle à leur issue.

En période de restriction budgétaire, les contrats aidés, qui concernent, dans les deux tiers des cas, le secteur non marchand, ont été largement encouragés par les pouvoirs publics pour financer à moindre coût des besoins sociaux peu rentables économiquement. Ce n'est pas un hasard si, jusqu'à l'année dernière, 90 000 bénéficiaires de contrats aidés étaient employés dans le secteur de l'urgence sanitaire et sociale ou 25 000 dans le monde associatif sportif.

Quelle est l'efficacité de ces contrats ?

La dernière analyse de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), sur le bilan des contrats aidés, publiée en mars 2017, a largement été utilisée par la Cour des comptes et par le Gouvernement pour critiquer sans nuance les contrats aidés, en particulier parce qu'elle montre que, dans le secteur non marchand, l'insertion dans l'emploi serait moins bonne pour les anciens bénéficiaires que pour des personnes qui, tout en ressemblant aux bénéficiaires de contrats aidés, ne seraient pas entrées dans ce dispositif. Vos rapporteurs se sont longuement entretenus avec les deux auteurs de cette étude, qui ont insisté sur la nécessité de prendre ce résultat, établi sur des chiffres anciens, datant de 2005, et pouvant être liés aux biais de l'étude, avec précaution.

L'effet à court terme des contrats aidés sur le chômage varie fortement selon le secteur considéré. Dans le secteur marchand ils sont peu créateurs d'emploi : ils constituent essentiellement un effet d'aubaine pour l'employeur, même s'ils contrent l'effet « file d'attente » du chômage, en favorisant l'emploi de personnes qui, sans cette aide, n'auraient pas été recrutées.

En revanche, dans le secteur non marchand, leur impact sur l'emploi est important, puisqu'ils sont utilisés par des employeurs qui ont des besoins en emploi mais ne recrutent pas, en raison de leurs contraintes financières.

L'effet des contrats aidés sur l'insertion professionnelle est un sujet de polémique. Voici ce que nous avons retenu. En 2014, 67 % des personnes sorties d'un tel contrat dans le secteur marchand et 41 % dans le secteur non marchand étaient en emploi. Ces taux tombent respectivement à 57 % et 26 % si n'est pris en compte que l'emploi durable, qui intègre les CDI, les CDD de plus de six mois, les titularisations dans la fonction publique et les emplois de travailleur indépendant. Les emplois d'avenir n'ont pas encore pu faire l'objet d'une évaluation officielle similaire en raison de la relative nouveauté du dispositif. Toutefois, plusieurs intervenants, dont l'Union nationale des missions locales, lesquelles sont les principaux prescripteurs de ce dispositif, ont affirmé que près de 50 % de leurs anciens bénéficiaires seraient en emploi, sans préciser le taux en emploi durable.

La moindre efficacité dans le secteur non marchand s'explique en grande partie par un plus grand éloignement de l'emploi des bénéficiaires. La comparaison avec d'autres dispositifs jugés plus performants aussi bien par la Cour des comptes que par le Gouvernement, telle que la « garantie jeunes », montre que les résultats obtenus par le biais de dispositifs d'insertion professionnelle sont souvent modestes et doivent être analysés à l'aune du public visé.

Ensuite, le taux d'emploi varie sensiblement en fonction du secteur d'activité et des structures. Il faudrait donc des statistiques plus fines pour mesurer précisément l'impact des contrats aidés sur l'insertion professionnelle de leurs bénéficiaires. Ainsi, dans le domaine social, un contrat aidé sur deux déboucherait sur un emploi ou une formation qualifiante.

Enfin, l'évaluation de l'efficacité des contrats aidés à partir du seul taux de sortie en emploi néglige le rôle joué par les contrats aidés dans la resocialisation et le réapprentissage de la vie en collectivité, étapes indispensables pour occuper un emploi durable. Ces contrats ne sont pas une fin en soi mais une étape dans un parcours souvent long et difficile. Il existe un large consensus sur les trois conditions pour que ceux-ci favorisent réellement l'insertion professionnelle : une formation adaptée, un accompagnement professionnel et une durée suffisamment longue.

Le coût des contrats aidés a également été mis en avant par le Gouvernement pour justifier leur suppression partielle. Or celui-ci s'apprécie relativement : les contrats aidés sont-ils chers par rapport à d'autres politiques de l'emploi ? Une étude de l'Inspection générale des finances de 2012 a conclu qu'il s'agissait, à court terme, d'une politique efficace, avec le plus fort effet sur l'emploi, à un coût bien moindre pour les finances publiques (12 853 euros par an et par emploi créé) que celui des exonérations de cotisations patronales pour un salaire au niveau du SMIC (26 429 euros par emploi).

L'estimation du coût devrait inclure l'utilité sociale des activités ainsi développées, et les externalités positives : en 2015, ATD Quart Monde a évalué le coût total de la privation d'emploi à plus de 15 000 euros par personne et par an. Les emplois aidés, ce sont autant de chômeurs qui ne touchent plus les minima sociaux et qui consomment, avec un impact non négligeable, notamment dans des territoires déprimés économiquement.

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